Paragraphe 1 : l'exercice des voies de recours
104. Les voies de recours sont généralement
classées en deux catégories : les voies de recours ordinaires (A)
et les voies de recours extraordinaires (B). Dans ces deux catégories,
l'intervention du Ministère public est relativement limitée.
A. Les voies de recours ordinaires
Constituent les vies de recours ordinaires l'opposition (I) et
l'appel (II) I. L'opposition
105. L'opposition est une voie de recours qui remet les
parties devant le même juge ; c'est une voie de rétractation. Elle
n'est ouverte qu'aux parties ayant fait défaut lors des audiences qui
ont donné lieu aux décisions contestées (jugement ou
arrêt). La présence du Ministère public étant
obligatoire lors des audiences sous peine de nullité, il ne lui est pas
reconnu le droit de faire opposition.
L'opposition est faite par déclaration au greffe de la
juridiction qui a rendu la décision, soit par télégramme
ou par lettre recommandée avec accusé de réception ou par
tout
autre moyen laissant trace écrite adressé au
greffier en chef dans les délais légaux135. Dès
la réception de la déclaration, le greffier en chef dresse un
procès-verbal dont copie est communiquée au Ministère
public et aux autres parties.
L'opposition a un effet suspensif et peut porter sur une
partie seulement de la décision.. L'opposant peut se limiter aux
dispositions civiles ou pénales. Lorsque les délais pour faire
opposition ont expiré, les parties ne disposent plus que de l'appel ou
du pourvoi en cassation.
II. L'appel
106. Contrairement à l'opposition l'appel est une voie
de recours qui transmet l'affaire à une autre juridiction, la Cour
d'Appel ; c'est une voie de reformation ouverte au Ministère public,
comme à toute autre partie. Le Ministère public peut même
le faire lorsque le tribunal a statué dans le sens de ses
réquisitions.
L' appel est formé à peine
d'irrecevabilité au greffe de la juridiction ayant rendu le jugement par
déclaration, lettre ordinaire ou recommandée avec accusé
de réception, ou par télégramme avec
récépissé, ou tout autre moyen laissant trace
écrite et ayant date certaine. Elle est adressée au greffier en
chef de cette juridiction. A l'exception des appels formés par lettres
ordinaires ou par déclaration, la date d'appel est celle de l'envoi, et
le timbre à date du bureau de poste en constitue le repère.
L'appel doit être interjeté dans les 48 heures
de la notification pour les jugements avant dire droit et la Cour d'Appel doit
statuer dans les sept jours à compter du lendemain du jour de la
réception du dossier d'appel. Après avoir statué, la
décision est notifiée aux parties et le dossier est
retourné au greffe du tribunal.
107. L'appel contre les jugements définitifs est
ouvert à toute personne ayant été partie au procès
et à toute personne ayant mis l'action publique en mouvement. L'appel
principal doit être interjeté dans les dix jours pour toutes les
parties y compris le Ministère public. Ceci à compter du
lendemain de la date du jugement contradictoire ou du lendemain du jour de
l'expiration du délai d'opposition. Le délai pour faire appel
incident est de 5 jours à compter du lendemain de la notification de
l'acte d'appel principal. La partie appelante doit produire à la suite
de la déclaration ou de sa lettre, un Mémoire contenant ses
moyens et conclusions. Le greffier en chef adresse immédiatement au
Procureur de la République ainsi qu'aux parties, copie du
procès-verbal ou de la déclaration d'appel par tout moyen
laissant trace écrite.
135 L'opposition se fait dans un délai de 10 à
compter du lendemain de la signification du jugement à personne lorsque
le condamné réside au Cameroun, à domicile, à
voisin, au lieu de travail, à mairie; de 3 mois à compter de la
signification faite à personne à l'étranger.
A l'expiration du délai de production du Mémoire
ci-dessus indiqué136, le greffier en chef met en état
le dossier de procédure qui comprend l'acte d'appel, la procuration
éventuellement, le procès-verbal d'appel, les
procès-verbaux d'enquête de police judiciaire, les actes de
procédure, les conclusions et Mémoires produits par les parties
devant le tribunal, Les notes d'audience, toutes les décisions avant
dire droit rendues par le tribunal et une copie du jugement. Ce dossier est
transmis au greffier en chef de la Cour d'Appel qui le transmet au
président de la cour qui, après avis du Procureur
Général près ladite cour, fixe la date d'audience. Il fait
communiquer au Procureur Général le dossier pour citation des
parties et des témoins. En cas d'urgence, et sauf réquisition
contraire du Procureur général, le président peut faire
réduire de deux cinquième, le délai de citation des
parties et des témoins137. Le Procureur Général
rétablit le dossier au greffe de la cour.
La procédure devant la Cour d'Appel est identique
à celle qui a lieu devant les tribunaux. L'appelant est entendu le
premier, le Ministère public en deuxième position et le
condamné, le dernier.
Si l'appel a été interjeté par le
Ministère public, il est entendu le premier, l'intimé ensuite et
le condamné, le dernier.
On remarque que l'intervention du Ministère public dans
les recours ordinaires est relative dans la mesure où il n'intervient
que pour les appels et ne peut pas faire opposition. C'est également le
cas dans les recours extraordinaires.
B. Les voies de recours extraordinaires
Les voies de recours extraordinaires sont le pourvoi en
cassation (I) et la révision
(II)
I. Le pourvoi en cassation
108. Le pourvoi en cassation est une
voie de recours ouverte contre toute décision en dernier ressort,
porté devant la cour suprême. Il peut être exercé par
toutes les parties. Le Procureur Général près la Cour
d'Appel peut le faire ainsi que le Procureur Général près
la cour de cassation. Dans ce cas, il acquiert la qualité de partie
principale.
Le pourvoi en cassation est ouvert pour les cas
d'incompétence, de dénaturation des
136 15 jours à compter du jour de l'enregistrement de
l'appel ou du lendemain du jour de la réception de la lettre du greffier
en chef, d'une copie du procès verbal ou de la déclaration
d'appel
137 Art. 52 CPP Le délai entre le jour où la
citation est délivrée et le jour fixé pour la comparution
est de 5 Jours. Au moins si la partie citée réside dans la ville
où a lieu son audition ou son interrogatoire. le délai est de 5
jour plus un délai de distance d'un jour pour 25 kilomètres
lorsque la personne citée réside hors de la ville ou de la
localité où a lieu l'audition ou interrogatoire. Ces
délais sont calculés sur la distance séparant la
résidence de la personne citée du lieu de l'audition ou de
l'interrogatoire.
faits de la cause ou des pièces de la procédure
; Il peut aussi intervenir pour défaut de contradiction ou pour
insuffisance de motifs. Le pourvoi en cassation est également possible
pour non-réponse aux conclusions des parties ou aux réquisitions
du Ministère public. Il est recevable en cas de vice de
forme138 le pourvoi est en outre ouvert pour excès de
pouvoir, violation de la loi, ou violation de la règle de
publicité d'audience. Le non-respect de la jurisprudence de la cour
suprême ayant statué en sections réunies d'une chambre ou
en chambres réunies139 peut également donner lieu
à pourvoi.
L'auteur du pourvoi saisit la cour suprême par
déclaration faite au greffe de la Cour d'Appel qui constitue un dossier
comprenant ladite déclaration, le procès-verbal de
réception, les conclusions et Mémoires produits par les parties
devant le tribunal et ou la Cour d'Appel, toutes les décisions avant
dire droit rendues par les précédentes juridictions et les copies
des jugements et de l'arrêt de la Cour d'Appel.
Le pourvoi doit être formé à peine
d'irrecevabilité dans le délai de 30 jours contre les
arrêts par défaut, à compter du lendemain du jour de
l'expiration du délai d'opposition. Ce délai est de 5 jours
à compter de la date de notification de l'arrêt de la chambre de
contrôle de l'instruction pour ses arrêts et de 10 jours à
compter du lendemain du prononcé de l'arrêt contradictoire.
109. Le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif. La
suspension de l'exécution est possible sur demande de sursis à
exécution introduite après le pourvoi ou concomitamment en
matière civile. Le rejet de cette demande peut donner lieu à
pourvoi d'ordre formé par le Procureur Général près
la cour suprême sans aucune exigence de délai.
En dehors du pourvoi, il existe aussi la révision
comme voie de recours extraordinaire.
II. La revision
110. La révision est une voie de recours qui n'est pas
ouverte au Ministère public. Seuls peuvent demander la révision
le Ministre de la justice, le condamné ou son représentant
légal, toute personne ayant intérêt à agir à
cette fin, en cas de décès ou d'absence juridiquement
constatée d'un condamné. Sans aucune condition de
délai, la révision a lieu dans les cas
oüaprès une condamnation, des éléments de
preuve de l'innocence du condamné sont trouvés. Il peu s'agir
par exemple, d'une condamnation pour meurtre dont le prétendu mort est
retrouvé
138 Lorsque la décision attaquée n'a pas
été rendue par le nombre de juges prescrit ou a été
rendu par les juges qui n'ont pas siégé à toutes les
audiences, l'indivisibilité n'étant pas propres aux magistrats du
siège. Lorsque le Ministère public n'a pas été
représenté ou lorsque la parole ne lui a pas été
donnée et lorsqu'il y a eu violation de la règle de la
publicité des audiences
139 Les chambres réunies remplacent l'assemblée
plénière depuis la reforme de l'organisation judiciaire
opérée par la loi due décembre 2006.
vivant.
La chambre judiciaire de la cour suprême siégeant
en sections réunies, peut déclarer la demande recevable ou non.
Si elle reçoit la demande, elle peut rendre un arrêt
d'acquittement140 ou de relaxe lorsqu'elle estime la demande
fondée ; l'arrêt de rejet peut intervenir dans le cas
contraire.
Ici encore on constate que le Ministère public est
recevable pour les pourvois et ne peut pas exercer une demande en
révision. Par ailleurs, les droits des justiciables sont garantis
à travers le double degré de juridiction, accru par la
reconnaissance à leur profit d'une possibilité de rectifier les
erreurs judiciaires qui auraient été à l'origine de leur
condamnation.
111. Mais on peut tout simplement déplorer le fait que
le pourvoi dans l'intérêt de la loi, lorsqu'il est formé
sur initiative personnelle du Procureur Général près la
cour suprême, ne puisse pas profiter aux parties. Il aurait
été plus judicieux de faire produire les effets des
différentes voies de recours à toutes les parties. Car justice ne
signifie pas seulement application de la loi mais aussi, respect des droits de
l'Homme.
Lorsque les voies de recours ne peuvent plus être
exercées ou lorsqu'elles sont épuisées la décision
acquière force de chose jugée et peut légitimement
être exécutée.
Paragraphe II : le Ministère public,
autorité d'exécution des décisions de justice
répressive
112. L'efficacité d'une bonne justice ne dépend
pas uniquement de la qualité des décisions rendues, mais aussi de
l'effectivité et la rapidité de leur exécution. Le code de
procédure pénale de 2005 a confié au Ministère
public, en dehors de l'exécution immédiate des ordres et
décisions judiciaires d'arrestation, de détention, de mise en
liberté, celle des décisions de justice devenues
irrévocables. En leur qualité de parties au procès, le
Ministère public ou les parties civiles poursuivent chacun en ce qui le
concerne cette exécution141. Le Ministère public
procède donc à l'exécution des peines privatives de
liberté (A) et des condamnations pécuniaires (B).
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