ABSTRACT
The public ministry is a body of magistrates established about
the jurisdictions of legal order (mainly, the penal and civil orders) having as
missions, to provide the society and the general interest, a good application
of the law and the respect of the public order. The exercise of this mission
must however take account of the rights and freedom of citizens.
In the penal lawsuit, the public ministry is always the
principal party except in front of Supreme Court where it is in fact, the joint
party in all affaires. The objective to reconcile the interest of the society,
the rights and freedom of citizens is sought by the Cameroonian legislator
through the reorganisation of the attributions of the public ministry.
The effectiveness of the action of the public ministry as care
taker of the law and the respect of public order could be guaranteed by is
geographical tentacular organisation and its particular characters which are
hierarchical subordination, independency, indivisibility, irrecusability and
irresponsibility.
The respect of the rights and freedom of the citizens would be
ensured by public ministry by the management and control which exerts on the
activity of the judicial police (criminal investigation department), its
dispossession of the quality of examining magistrate and the reinforcement of
the accusatory character of the process.
In the civil lawsuit, the effectiveness of its role is
guaranteed by the types of communication when it is joint party and by its
rights of action when it is principal party exceptionally in cases specified by
the law and those touching directly and principally the public order.
However, the problems that remain could compromise the
effectiveness of the role of the public ministry.
The limits of the separation of functions of repressive
justice associated to the hierarchical organisation of the public ministry and
to the status of its magistrates, treating the independence of repressive
justice and consequently, the equality of citizens before the law.
The silence of legislator about intervention of the public
ministry in regards to judicial rectification and on its action of the duty to
defence the public order, constitutes a danger to the protection of the law and
the safety of business respectively.
The need for financial, material and human means by the public
ministry is by nature to render its action ineffective and thus carry a fatal
stroke to the effectiveness of its mission. It is the same for the
immateriality on the national territory of the majority of the tribunals
(courts).
The legislator and the public authorities are there fore call
upon so that the independence of justice and the state of law be effectively
guaranteed.
1. Le terme magistrat est un vocable utilisé pour
désigner des personnalités diverses exerçant certaines
fonctions dans un Etat1. Le plus souvent, on n'y perçoit que
les membres du corps judiciaire chargés de la fonction de juger ;
c'est-à-dire les membres de la magistrature assise. Pourtant, à
coté des juges qui rendent les jugements et les arrêts, il en
existe d'autres qui sont chargés non pas de juger, mais de veiller
à l'application de la loi et que l'on a coutume d'appeler « Les
magistrats du Ministère public » parce que leur mission
consiste uniquement à défendre les intérêts de la
collectivité publique et spécialement, de la loi qui en est
l'expression.
2. Le Ministère public est une institution
polyvalente2, ambiguë3 et paradoxale4
dont la définition n'est pas des plus aisées. Nous retiendrons,
pour nous en contenter, celle de VOLFT (J) qui pense que «le
Ministère public est un corps permanent de magistrats
spécialisés chargés, au nom de la nation qu'ils
représentent, d'agir auprès des tribunaux de l'ordre judiciaire
et dans la société civile pour assurer la défense de
l'intérêt général et de la liberté
individuelle »5
3. Institution spéciale de droit judiciaire
français, le Ministère public a des origines fort anciennes qui
trouvent leur source dans la nuit du haut moyen age pour n'apparaître
à la lumière du droit qu'au début du XIVe
siècle. Ses ancêtres sont les avocats et procureurs du roi qui
n'étaient que des avocats ordinaires plaidant pour la défense des
intérêts privés du Roi. Au fur et à mesure que
s'affermissait l'autorité du monarque, le rôle de ces avocats et
procureurs se développait considérablement. AU XVe
siècle, les lettres de nomination des avocats du Roi leur interdisaient
de plaider pour les particuliers. Au XVIe siècle, cette
interdiction fut généralisée et ces avocats devinrent des
magistrats intégrés aux parlements et finirent par faire partie
des tribunaux. Les avocats et procureurs du Roi furent appelés à
surveiller l'application des peines d'amendes qui alimentaient le trésor
royal et après la succession de la procédure inquisitoire
à la procédure accusatoire, ils eurent le droit d'exercer
l'accusation, puis, de la soutenir et formèrent alors le
Ministère public. La révolution de 1789 modifia l'institution du
Ministère public, qui fut érigée en « agent du
pouvoir exécutif auprès des tribunaux ». Le
Ministère public moderne vit le jour avec le code d'instruction
criminelle (CIC) de 1808, qui lui confia un rôle
prépondérant dans les procès pénaux. En 1810, il
fut réorganisé en un modèle pyramidal.
4. L'entrée de cette institution en droit camerounais
s'est faite de façon schématique et
1. Le Président de la République, le maire...
2. La polyvalence vient du fait que le Ministère public a
des fonctions diverses tant sur le plan administratif que judiciaire
3. L'ambiguïté vient du fait que les membres du
Ministère public sont des juges qui ne jugent pas.
4. Le paradoxe traduit le fait que le Ministère public se
présente à la fois comme représentant de la
société et du gouvernement auprès des juridictions.
5. VOLFT (J), le Ministère
public, Paris, QUE SAIS-JE ? 1998 P. 6.
chronologique. L'ex Cameroun oriental a été le
premier à accueillir cette institution à l'époque
où la SDN (Société Des Nations) l'a placé sous
mandat français. En effet le Décret du 22 mai 1924 rendait
exécutoires sur le territoire camerounais, les lois et Décrets
promulgués en AEF antérieurement au 1er janvier 1924
et partant, le code d'instruction criminelle (CIC) dans lequel étaient
prévues les institutions du Ministère public et du juge
d'instruction. Son entrée dans l'ex Cameroun occidental s'est faite avec
l'ordonnance no 72 / 4 du 26 août 1972 car le Criminal
Procedure Ordinance (CPO) applicable dans cette partie du pays ne connaissait
pas l'institution du Ministère public ainsi que celle du juge
d'instruction. C'est dire que, l'indépendance du Cameroun le
1er Janvier 1960 puis l'indépendance de l'ex Cameroun
occidental le 1er Octobre 1961 ou Réunification suivie de
l'Unification, ne modifièrent pas la configuration du Ministère
public qui restait marquée par une inadéquation
géographique et fonctionnelle6.
Cette situation a pris définitivement fin avec le code
de procédure pénale du 27 juillet 2005, entré en vigueur
le 1er janvier 2007, uniformisant la procédure pénale
sur toute l'étendue du territoire camerounais.
5. Auprès des juridictions de
l'ordre judiciaire, le Ministère public est organisé de
façon structurée et hiérarchisée. Cette
organisation comporte parfois de nombreux services à la tête
desquels se trouve un « Procureur ». Les dispositions de
l'article 127 du code de procédure pénale camerounais
énoncent que « (...) le Ministère public est suivant les
distinctions établies au présent article constitué de
l'ensemble des magistrats du parquet7 général de la
Cour Suprême, du parquet général de la Cour d'Appel, du
parquet du tribunal de grande instance et du parquet du tribunal de
première instance.
Le parquet général de la Cour Suprême
comprend le Procureur Général près ladite Cour et
l'ensemble des magistrats dudit parquet. Son ressort territorial est celui de
la Cour Suprême8.
Le parquet général de la Cour d'Appel
comprend le Procureur Général près ladite cour et
l'ensemble des magistrats dudit parquet. Son ressort territorial est celui de
la Cour d'Appel9 .
6. SANY (F.B), le Ministère public au Cameroun,
Mémoire de Licence en Droit privé, UY 1975-1976
7. autre appellation du Ministère public dont
l'origine est controversée. Certains auteurs prétendent qu'il est
la survivance du temps où le Procureur du Roi n'était pas encore
devenu un magistrat et où de ce fait, n'ayant pas sa place à
l'estrade (situation à laquelle on est revenu en droit camerounais),
exerçait ses fonctions sur le << parquet >> de la salle
d'audience. D'autres par contre soutiennent que le mot << parquet
>> vient de ce que, dans les salles d'audience, les magistrats du
Ministère public sont isolés des magistrats du siège,
à l'intérieur d'un << petit parc >>.
8 Ce ressort s'étend au territoire national
9 L'article 19 de la Loi du 29 déc. 2006
prévoit que ce ressort est celui d'une région et peut, par
Décret présidentiel, être étendu à plusieurs.
Ces régions n'étant pas encore effectives, il faut se rapporter
aux actuelles provinces.
Le parquet du tribunal de grande instance comprend le
Procureur de la République près ledit tribunal et l'ensemble des
magistrats dudit tribunal. Son ressort territorial est celui du tribunal de
grande instance10 .
Le parquet du tribunal de première instance
comprend le Procureur de la République près ledit tribunal et
l'ensemble des magistrats dudit parquet. Son ressort territorial est celui du
tribunal de première instance11... ».
Les membres de chaque parquet exercent sous le contrôle,
la direction et la responsabilité du chef du parquet, les attributions
reconnues à celui-ci par la loi.
6. Au-delà de cette
organisation, le Ministère public présente un certain nombre de
caractères qui le distinguent profondément des magistrats du
siège. Il s'agit de l'indivisibilité, de
l'indépendance, de l'irrécusabilité, de
l'irresponsabilité, de l'amovibilité et de la subordination
hiérarchique.
L'indivisibilité du Ministère public signifie
que les actes de procédure accomplis par chaque membre du parquet sont
censés l'être par le parquet tout entier et que les membres du
parquet sont interchangeables au cours d'un même procès; ce qui
n'est pas le cas des magistrats du siège
Les magistrats du Ministère public sont
indépendants à la fois à l'égard des juridictions
et des justiciables.
L'indépendance des magistrats du Ministère
public à l'égard des juridictions auxquelles ils sont
rattachés se traduit par le fait qu'ils ne peuvent recevoir ni
instructions, ni blâmes de celles-ci relativement à leurs actes et
paroles. En outre, ces juridictions ne peuvent pas leur refuser la parole.
A l'égard des justiciables, l'indépendance du
Ministère public se manifeste par le fait que les transactions,
désistements au profit des délinquants ne le lient aucunement ;
il est toujours libre d'engager les poursuites à leur égard.
Le Ministère public, du fait de sa qualité de
partie principale et indispensable au procès pénal, ne peut pas
être récusé; il n'est pas remplaçable à la
manière d'un magistrat du siège lorsqu'il est
soupçonné de partialité. Dit-on, on ne peut pas demander
la substitution, mieux, la neutralisation12 de son adversaire.
Cependant le Ministère public est récusable en matière
civile pour les mêmes causes que les magistrats du siège lorsqu'il
est partie jointe13. Ceci peut se justifier par le fait qu'il n'est
pas dans ce cas une véritable partie au procès.
10 Ce ressort est celui du territoire d'un ou de
plusieurs départements (art. 16, loi du 29 déc.
précitée)
11 Ce ressort est celui d'un ou de plusieurs
arrondissements (art. 13, même Loi)
12 Cette neutralisation viendrait du fait de
l'indivisibilité du Ministère public ; la récusation d'un
membre du parquet pouvant traduire celle du parquet tout entier.
13 Art. 161 CPCC et art. 591 et s. CPP
L'irresponsabilité du Ministère public est de
Principe .Il ne peut ni être condamné à payer des dommages
et intérêts lorsqu'il intente une action à tort, ni
être condamné à payer les frais du
procès14 lorsqu'il succombe. Cette irresponsabilité
garantit l'absence de timidité dans l'action des magistrats du
parquet.
L'amovibilité du Ministère public signifie que
leurs nominations, mutations et promotions sont à la disposition du
pouvoir politique.
La subordination hiérarchique du Ministère
public traduit sa structure pyramidale. Au sommet se trouve le Ministre de la
justice, Garde des Sceaux, bien que ne faisant pas partie du parquet, mais du
fait de l'autorité qu'il a sur les procureurs généraux
près les Cours d'Appel. Le Garde des Sceaux peut leur adresser des
instructions et même leur donner des ordres. Cette autorité est
indirectement exercée sur les procureurs de la République par les
procureurs généraux dans les limites de leur compétence
territoriale. Les procureurs de la République exercent leur
autorité sur leurs substituts.
7. Le Ministère public est une institution commune aux
juridictions pénales et civiles de droit commun. Il intervient
également devant d'autres juridictions15. Il
dispose d'attributions multiples et diverses dont l'inventaire exhaustif ne
saurait être dressé. Les unes sont coutumières, d'autres se
déduisent des principes généraux du droit, ou figurent
dans les textes nombreux et épars. Elles se rattachent toutes à
la fonction principale du Ministère public et à sa nature hybride
c'est-à-dire de représentant de la nation et du pouvoir
exécutif auprès des juridictions judiciaires. On peut les classer
selon les modes d'intervention du Ministère public (action, proposition
et contrôle), selon les objectifs poursuivis par celui-ci (protection,
surveillance, administration) ; selon les domaines d'activité
(pénal, civil, administratif).
Par souci de clarté, c'est cette dernière
classification que nous retiendrons et uniquement ses aspects pénal et
civil ; étant observé que dans chacun d'eux nous retrouverons les
autres classifications.
8. Dans son domaine de prédilection, le pénal,
le Ministère public exerce l'action publique. Après
investigations que ses membres mènent personnellement, dirigent,
délèguent ou surveillent, il porte une accusation publique contre
les auteurs des crimes, délits et contraventions devant les tribunaux
répressifs, la soutient à l'audience et assure enfin
l'exécution des jugements rendus.
14 Crim. 13 mars 1896, S. 1896, I, 544.
15 Devant les juridictions d'exception telles que :
le tribunal militaire, la Haute Cour de Justice et la Cour de
Sûreté de l'Etat. Devant le tribunal militaire, le
Ministère public est exercé par un commissaire du gouvernement,
un ou plusieurs substituts ; devant la Haute Cour de Justice, c'est le
Procureur Général près la Cour Suprême qui fait
office de Ministère public alors que devant la Cour de
Sûreté de l'Etat, le Procureur Général est
assisté d'un ou de plusieurs substituts. La Loi du 29 déc. 2006,
n'ayant pas prévu cette juridiction, la doctrine camerounaise estime
à raison que celle-ci a disparu avec l'ordonnance du 26 août 1972
qui l'avait créée.
L'enjeu dans le procès pénal touche de
près ou de loin à la liberté et à la
sécurité des personnes et des biens. Ce type de procès
oppose toujours le Ministère public à X qui a méconnu une
ou plusieurs dispositions du code pénal ; la partie civile n'intervenant
qu'éventuellement au cas où elle aurait subi un préjudice
résultant de l'infraction. C'est le domaine dans lequel l'ordre public
est le plus en cause et le Ministère public y est toujours partie
principale.
9. Dans le procès civil, l'opposition se fait en
principe entre X et Y, le Ministère public n'intervenant
qu'exceptionnellement dans les causes touchant à l'ordre public ou pour
représenter certaines personnes. Il y est donc en principe partie jointe
et exceptionnellement partie principale.
La distinction partie principale et partie jointe
recèle un intérêt non négligeable sur le plan
procédural, notamment en ce qui concerne les actes de procédure,
la liberté de conclusion, le tour de parole, le paiement des frais de
justice et l'exercice des voies de recours.
10. En tant que partie principale, le Ministère public
est tenu d'accomplir les actes de procédure, de procéder à
des notifications,d'être notifié et d'être présent
à l'audience ; ce qui n'est pas le cas dans les procès civils
lorsqu'il n'est que partie jointe.
Comme partie principale, le Ministère public est
irrécusable, tenu d'assister aux mesures d'instruction après
convocation dans les conditions et sanctions identiques à celles de
toute autre partie.
En ce qui concerne le paiement des frais de procédure,
le Ministère public ne les paye jamais car c'est le trésor public
qui endosse ses charges.
Le Ministère public peut exercer toutes les voies de
recours ordinaires en tant que partie principale et même certaines voies
de recours extraordinaires telles que le pourvoi en cassation, le pourvoi dans
l'intérêt de la loi ...
11. Les questions qui se posent sont multiples et relatives
à l'opportunité de l'action du Ministère public
(opportunité des poursuites) et aux droits et libertés
individuelles dans les procès pénal et civil ; autrement dit, le
Ministère public peut-il être contraint d'agir ou non ?
Dispose-t-il d'une faculté totale d'action dans les procès en
question ? L'action du Ministère public rime-t-elle avec le souci de
plus en plus grandissant de protection des droits et libertés
individuelles ; peut-on parler de l'efficacité et de
l'effectivité des fonctions du Ministère public conciliant le
respect des droits de l'Homme, l'intérêt général et
l'intérêt de la justice ?
12. L'intérêt du choix de ce sujet par nous, est
premièrement d'actualité avec l'avènement historique du
premier code de procédure pénale camerounais qui a apporté
d'innombrables innovations dans le sens d'une garantie accrue des droits et
libertés des justiciables. Deuxièmement, l'opposé des
droits et libertés des citoyens étant toujours l'ordre
public, il nous a paru utile d'analyser la place de
l'institution dont la mission essentielle consiste à préserver
cet ordre dans l'ensemble du territoire camerounais suite à
l'harmonisation des systèmes britannique et français par la
reforme. De plus, le Ministère public généralement
considéré comme acteur passif dans les procès civils, et
mal connu au Cameroun même parmi les personnes cultivées, s'est
révélé nécessaire dans une étude comme
celle-ci, dans un but didactique. Ce sujet présente en outre un
intérêt important, relativement au débat sur
l'individualisme et le collectivisme.
13. A tout prendre et dans un souci
de clarté comme déjà dit, nous analyserons le rôle
du Ministère public comme partie principale dans le procès
pénal, au regard des dispositions du Code de Procédure
Pénale camerounais dans une première partie, et comme partie
jointe dans le procès civil, dans une seconde partie.
14. Le code de procédure pénale camerounais
(CPP) du 27 juillet 2005 entré en vigueur le 1er Janvier 2007
est l'aboutissement d'une longue réflexion entamée depuis 1973
avec la mise sur pied des commissions de réforme législative. Il
poursuit un certain nombre d'objectifs énoncés à
l'exposé des motifs du projet de loi16 qui l'a fait
naître. Il s'agit notamment, comme déjà dit, de
l'harmonisation des règles de procédure sur l'ensemble du
territoire national ; de l'adaptation desdites règles aux exigences de
sauvegarde des droits du citoyen à toutes les phases de procédure
judiciaire ; de l'exécution rapide des décisions de justice ; de
la réduction des lenteurs judiciaires et du recouvrement rapide des
amendes dès le prononcé de la décision. Pour ce faire, ce
code a apporté d'innombrables innovations à la procédure
pénale camerounaise. On peut bien se demander si ces innovations n'ont
pas affecté le rôle du Ministère public; autrement dit,
quelles sont les modifications apportées aux fonctions du
Ministère public et quelle appréciation peut-on en faire au
regard des objectifs ci-dessus ?
15. Cette question ne manque pas d'intérêt car
elle nous permet de présenter l'acteur principal du procès
pénal au regard des grands principes garantissant le droit à un
procès équitable17, surtout lorsqu'on sait que sous le
couvert de protéger le corps social, on a trop souvent mis en mal les
droits de l'individu dans le procès pénal18. En effet,
les textes antérieurement applicables en matière de
procédure pénale au Cameroun recelaient en eux des insuffisances
notoires relativement à la protection et à la sauvegarde des
droits et libertés des citoyens. Le législateur essaie d'y mettre
un terme à travers le réaménagement des fonctions du
Ministère public dans les phases préparatoires au jugement
(chapitre 1) et en le mobilisant davantage dans les phases finales du
procès pénal (chapitre 2)
16 Loi N° 2007/007 du 27 juillet 2005 portant
code de procédure pénale
17 Droit prévu par des textes internationaux
ratifiés par le Cameroun comme l'article 7 de la charte africaine des
droits de l'Homme et des peuples. Ce droit s'apprécie relativement
à la longueur du procès, les garanties de la présomption
d'innocence, du droit de se défendre, à la garantie de respect de
l'intégrité physique et morale...
18 Voir les textes en vigueur avant 2007 notamment
l'Ordonnance N° 72 / 4 du 26 Août 1972 portant organisation
judiciaire qui a fusionné les autorités de poursuite et
d'instruction pour lutter contre le grand banditisme...
CHAPITRE 1 : LE REAMENAGEMENT DES FONCTIONS DU
MINISTERE PUBLIC DANS LES PHASES PREPARATOIRES DU PROCES
16. Les phases préparatoires du procès ou
phases de recherche peuvent se définir comme celles au cours desquelles
sont effectuées des investigations en vue de rassembler les
éléments nécessaires à l'établissement de la
culpabilité d'un suspect ou à sa décharge. Il s'agit plus
concrètement des enquêtes de police judiciaire et de l'information
judiciaire, phases fondamentales au cours desquelles toute opération est
capitale pour la société et pour l'individu encore sous la
protection de la présomption d'innocence. Sous le règne des
textes antérieurs19 au code de procédure pénale
(CPP), un certain nombre d'atteintes étaient portées aux
principes régissant le procès pénal tels que la
présomption d'innocence, la séparation des fonctions de justice
répressive... Cela pouvait se vérifier par l'absence de
réglementation de certaines opérations, la réglementation
permissive de certaines mesures privatives de liberté et le cumul des
fonctions de poursuite et d'instruction. En effet, l'enquête
préliminaire demeurait officieuse et la séparation des trois
fonctions de justice répressive respectée dans le code
d'instruction criminelle, avait été remplacée par le cumul
des fonctions de poursuite et d'instruction séparées de celle de
jugement par l'ordonnance de 1972 et ses textes modificatifs.
17. Le code de procédure pénale de Juillet 2005
a apporté des solutions considérables à ces
problèmes à travers la précision des fonctions du
Ministère public sur les poursuites (section I) et le dessaisissement du
Procureur de la République de la qualité de magistrat instructeur
(section II).
Section 1 : Le Ministère public, autorité
des poursuites
18. En tant qu'autorité de poursuite, le
Ministère public est chargé de constater les infractions, d'en
rechercher les auteurs et complices, de déclencher l'action publique
qu'il exercera devant le juge d'instruction et ou de jugement. Il est
aidé dans cette tache par les autorités de police judiciaire
encore appelées ses auxiliaires, et sur qui il conserve une
autorité après en avoir perdu la qualité comme d'autres
magistrats20. Cette
autorité se traduit par le
19 C'est-à-dire le code d'instruction
criminelle et le criminal procedure ordinance et les premiers textes
d'harmonisation des règles de droit processuel au Cameroun que sont :
l'ordonnance précitée et ses textes modificatifs notamment les
ordonnances N° 72 / 21 du 19 Octobre 1972, 73/ 9 du 25 Avril 1973, La Loi
N° 76/17 du 08 Juillet 1976, la Loi N° 89/019 du 29 Décembre
1989, LA LOI N° 90/ 058du 19 Décembre 1990
20 Contrairement à ce que pense un auteur
dans son exposé sur les relations entre le juge d'instruction et le
Ministère public au séminaire sur l'appropriation du code de
procédure pénale, exposé N° 6 page 4 en s'appuyant
sur les dispositions de l'article 192 qui, en parlant du « magistrat
commis » fait référence à un juge d'instruction qui
aurait reçu commission rogatoire d'un premier, suivant les dispositions
de l'article 191 CPP. Or la lecture des articles 78 et suivants est
suffisamment claire pour nous permettre de constater le dessaisissement du
Procureur de la République de la qualité d'OPJ. Et surtout
lorsqu'on les confronte à celles
pouvoir de direction (paragraphe 1) et de contrôle
(paragraphe 2). Paragraphe I : La direction des enquêtes de
police judiciaire
19. La police judiciaire peut renvoyer selon un auteur
camerounais21 à deux acceptions : une fonction et un organe.
Comme fonction, la police judiciaire renvoie à l'ensemble d'actes de
recherche, de constatation des infractions à la loi pénale, de
rassemblement des preuves qui s'y rapportent afin de faciliter
l'appréciation de l'opportunité des poursuites ou
l'appréciation des preuves. Et comme organe, elle renvoie à
l'ensemble d'autorités chargées d'exercer cette fonction.
Elle se distingue de la police administrative22
mais de façon relative23. Dans son aspect fonctionnel, elle
accomplit les actes d'enquête préliminaire régulés
par le Procureur de la République (A), régulation
tempérée par le pragmatisme dans l'enquête de flagrance
(B).
A. Le Procureur de la République,
régulateur .des actes de l'enquête préliminaire
20. Longtemps restée officieuse, l'enquête
préliminaire24 est devenue officielle25 (I) et
exercée par les autorités de police judiciaire26 que
les articles 78 et 137 (1) CPP placent sous la direction du Procureur de la
République27. Cette réglementation constitue une
garantie au respect des droits et libertés dont la violation est
sanctionnée (II)
I. La réglementation des actes de l'enquête
préliminaire
21. Le Procureur de la République est le destinataire de
toutes les plaintes, dénonciations et procès verbaux (PV). En cas
d'infraction, toute personne ayant connaissance
de l'article 9 CIC qui disposait :« la police
judiciaire sera exercée...par les Procureurs de la République ou
leurs substituts ; les juges d'instructions ; les juges des sections de
tribunaux dépourvus du Ministère public ;l es juges de paix ; ...
»
21 LAM BIDJECK (L) La police judiciaire
générale au Cameroun, thèse de Doctorat
3ème cycle Droit privé UY.
22 Jurisprudences Baud et Noua Lek CE 11 Mai 1951 S
1952 III 13 conclusion DELVOLVE « il y a police judiciaire quand
l'opération de police vise à rechercher l'infraction et police
administrative quand le but de la mission exercée est le maintient de
l'ordre ».
23 Les deux polices peuvent être
exercées par des mêmes agents ; une opération de police
administrative peut se transformer en une opération de police
administrative accomplie par la même personne c'est le cas de l'agent de
police qui dirigeant la circulation routière (opération de police
administrative), verbalise un automobiliste ayant violé ses
prescriptions.
24 Selon RASSAT (M-L), elle est appelée
ainsi parce qu'elle a lieu avant les actes judiciaires et dans le but de mettre
fin aux pratiques qui consistaient à procéder aux enquêtes
officieuses après l'instruction régulière.
25 Elle l'était déjà en droit
français depuis le code de procédure pénale
26 A la lecture des articles 79 et 81 du code de
procédure pénale, on peut distinguer les officiers de police
judiciaire, les agents de police judiciaire qui sont une création du
code de procédure pénale, et les fonctionnaires et personnes
auxquelles la Loi a reconnu les attributions d'autorité de police
judiciaire.
27 Art 78 CPP « la police judiciaire est
exercée sous la direction du Procureur de la République ...
» ; art. 137 (1) CPP «le Procureur de la République
dirige et contrôle les diligences des officiers de police judiciaire...
».
de sa commission est ténue d'en informer, soit
directement le Procureur de la République, soit tout officier de police
judiciaire ou toute autorité administrative de la localité. Cette
dernière est ténue de porter cette information à la
connaissance du Procureur de la République ou de l'officier de police
judiciaire (OPJ) le plus proche. L'OPJ ou l'agent de police judiciaire (APJ)
peut, de sa propre initiative ou sur instruction du Procureur de la
République, ouvrir une enquête à propos. Dans le premier
cas, le Procureur de la République recevra un PV28 qu'il
pourra renvoyer pour complément d'enquête ou lui donner une autre
suite. L'ouverture d'une enquête préliminaire confère aux
autorités de police judiciaire des prérogatives pour effectuer
les actes sur les biens (a) ou sur les personnes (b) et qui peuvent porter
atteinte aux droits des citoyens. Le Procureur de la République assure
donc leur régularité.
a. Les actes sur les biens
22. Les actes sur les biens sont les perquisitions, visites
domiciliaires et saisies. L'accomplissement de ces actes nécessite en
principe un mandat du Procureur de la République ou son autorisation
pour éviter les atteintes à l'inviolabilité du domicile,
à la vie privée et à l'intégrité des biens
des citoyens.
23. Les perquisitions sont des actes de recherche
policière d'éléments de preuve d'une infraction. Elles
sont effectuées au domicile de toute personne ou en tout autre lieu
où pourraient se trouver des objets dont la découverte serait
utile à la manifestation de la vérité.
Lorsque l'officier ou l'agent de police judiciaire entreprend
de procéder à une perquisition, il requiert du Procureur de la
République, un mandat de perquisition qui lui donne le droit
d'accéder au domicile ou au lieu où se trouveraient les objets
suspects. Exceptionnellement, la perquisition peut s'effectuer sans mandat en
cas de flagrance ou lorsque le maître des lieux donne son consentement
par écrit ou appose son empreinte digitale, au cas où il ne sait
pas écrire, sur le PV préalablement au début des
opérations. Ce consentement peut aussi être donné par le
détenteur des biens ou à défaut, par le
représentant du maître des lieux ou celui du gardien des biens.
Les personnes objets de perquisition doivent être présentes sur
les lieux et être informées de leurs droits de procéder
à la fouille de l'OPJ et de s'opposer à la perquisition. Si elles
sont absentes, la présence d'un voisin et de deux témoins peut
être suffisante. Les perquisitions se soldent éventuellement par
la saisie.
24. Les saisies sont l`appréhension d'objets pouvant
avoir une relation avec l'infraction. Elles résultent
généralement d'une opération de perquisition ou de visite
domiciliaire qui
28 On distingue les procès-verbaux en
renseignement, qui ne sont pas accompagnés de la personne suspecte, et
les procès-verbaux un déferrement généralement
accompagnés du suspect.
désigne l'entrée dans un milieu privé aux
fins de constat ou de vérification29. Elles peuvent
également être autonomes.
25. Ces trois opérations sont effectuées dans
les mêmes conditions30. L'officier de police judiciaire ou
l'agent de police judiciaire chargé de mener les opérations ne
peut saisir que les biens en relation avec l'infraction pour laquelle la
perquisition a été autorisée. Mais il lui est permis de
procéder à une saisie se rapportant à une autre infraction
si celle-ci est passible d'une peine d'emprisonnement.
Après les opérations, les biens saisis sont
présentés aux personnes présentes afin qu'elles paraphent
le PV établi à cet effet; le refus est mentionné audit
procès verbal.
Les mesures ci-dessus ne peuvent s'effectuer qu'entre 6
heures et 18 heures sauf autorisation du Procureur de la
République31.
b. Les actes sur les personnes
Les actes sur la personne consistent aux auditions,
interrogations, arrestations, à l'interception des communications
téléphoniques et prises de vue dans les lieux privés
éventuellement et aux mesures de garde à vue que nous
développerons plus bas.
26. L'OPJ peut entendre toute personne dont les
déclarations lui paraissent utiles à la manifestation de la
vérité. Pour ce faire, il convoque la personne concernée
qui est tenue de comparaître et de déposer. Si elle s'oppose,
l'OPJ en informe le Procureur de la République qui peut décerner
contre elle, mandat d'amener afin qu'elle soit conduite devant lui. En cas de
non opposition, la personne comparait devant l'OPJ ; celui-ci procède
à son interrogatoire. Les questions et réponses sont
consignées sur un PV qui, à la fin de l'entretien, devra
être signé par la personne entendue et les ratures et autres
erreurs, validées par elle sur chaque feuillet. Les PV doivent contenir
un certain nombre de mentions32 à peine de nullité.
L'OPJ ou l'APJ peut aussi procéder à
l'arrestation33. Dans ce cas, après avoir
décliné son identité, l'OPJ ou l'APJ informe la personne
du motif de l'arrestation, puis lui enjoint de le suivre. Aucune atteinte ne
doit être portée à l'intégrité physique ou
morale de la
29 Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13e édition 2001.
30 Voir art. 93 et s. CPP.
31 L'OPJ peut procéder à une saisie
après 18 heures si celle-ci a commencé avant sur autorisation du
Procureur de la République ou sans cette autorisation en cas
d'impossibilité matérielle de le joindre à charge pour lui
de l'en informer sans délai. Ceci marque une différence entre les
saisies effectuées suivant les dispositions de l'acte uniforme OHADA sur
les procédures simplifiées et voies d'exécution. En effet
celles-ci prévoient comme intervalle de temps pour effectuer ces
opérations, de 8 heures à 18 heures.
32 Art. 90 « le procès verbal doit
énoncer les dates ,et heures du début net de la fin de chaque
opération de l'enquête ; les noms, prénoms et
qualité de l'enquêteur ; le cas échéant
l'autorisation prévue à l'article 88 (2)... »
33 L'arrestation est une mesure qui consiste pour
l'OPJ ou l'APJ à appréhender une personne en vue de la conduire
devant l'auteur du titre en vertu duquel elle est effectuée.
personne arrêtée. La personne concernée
est tenue de suivre l'OPJ ou l'APJ. Il a le droit de se faire accompagner par
un tiers. En cas de refus de sa part, il sera fait usage de tout moyen
coercitif proportionnel à sa résistance. Dans tout lieu public ou
ouvert au public, l'auteur d'une contravention, lorsqu'elle refuse de
décliner son identité ou donne une identité jugée
fausse, peut être arrêté et gardé à vue
pendant une période d'au plus 24 heures.
27. Lorsqu'une personne est arrêtée elle est
fouillée par l'OPJ ou l'agent de police devant qui elle est conduite
afin que l'inventaire des objets trouvés sur elle soit fait.
Après la libération de la personne appréhendée,
ceux de ces objets qui ne constituent pas des pièces à conviction
lui sont restitués sur procès verbal et le cas
échéant, en présence d'un témoin.
28. Sur autorisation écrite du Procureur de la
République, et si l'infraction objet de l'enquête est assortie
d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an, l'OPJ ou l'APJ peut intercepter,
enregistrer ou transcrire toutes correspondances émises par voie de
télécommunication ou procéder à des prises de vue
dans les lieux privés. Dans le souci de renforcer la garantie au respect
des droits des citoyens, le législateur a prévue des sanctions en
cas de violation des règles prescrites pour les opérations de
l'enquête préliminaire.
II. Les sanctions des
irrégularités
Les sanctions de l'inobservation des règles fixées
pour les opérations sur les biens ou sur les personnes peuvent porter
sur les actes (a) ou sur les auteurs desdites opérations (b).
a. La sanction des actes irréguliers
29. La principale sanction des opérations et actes
irréguliers au cours de l'enquête préliminaire est la
nullité. Cette nullité peut être absolue ou
relative34.
Les actes de police judiciaire posée au cours de
l'enquête préliminaire portent généralement atteinte
aux règles de procédure ; elles sont donc passibles de
nullité absolue. Cette nullité peut être soulevée
à toute étape de la procédure par la défense ou
d'office par la juridiction de jugement.
L'article 100, alinéa 1 du code de procédure
pénale prévoit expressément la nullité des
perquisitions irrégulières. Mais permet l'admission des objets
saisis comme pièces à
34 Art. 3 : << (1) la violation d'une
rêve de procédure pénale est sanctionnée par la
nullité absolue lorsqu'elle : a) préjudicie aux droits de la
défense définis par les dispositions légales en vigueur ;
b). porte atteinte à un principe d'ordre public. (2) la nullité
prévue au paragraphe 1 du présent article ne peut être
couverte et. Elle peut être évoquée à toute phase de
la procédure par les parties. Il doit etre fait par la juridiction de
jugement.
Art. 4 : << (1) les cas de violation prévus
à l'article sont sanctionnés d'une nullité relative. (1)
l'exception de nullité relative doit être soulevée par les
parties in limine litis et devant la juridiction d'instance. Elle est couverte
après cette phase du procès.
conviction. Ce qui distingue cette nullité de celle de
droit commun35. En dehors de la sanction des actes, la
responsabilité de leurs auteurs peut être aussi engagée.
b. La responsabilité des auteurs des actes
irréguliers
30. Les auteurs d'actes irréguliers posés au cours
de l'enquête préliminaire peuvent voir leur responsabilité
engagée sur le plan pénal, civil et disciplinaire.
Pénalement, leur responsabilité peut être
engagée pour arrestations irrégulières, atteintes aux
biens, atteintes à la vie privée...
Civilement, leur responsabilité peut être
engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à
condition que l'acte ait causé au suspect un dommage et que, le lien de
causalité entre l'acte et le dommage soit établi.
La responsabilité disciplinaire de l'agent ou de
l'officier de police judiciaire, auteur des actes susmentionnés peut
également être engagée et entraîner des
conséquences sur sa carrière professionnelle.
S'il est plausible de constater que le suspect
bénéficie, grâce à la réglementation de
l'enquête préliminaire, d'un ensemble de droits de nature à
mettre un terme aux abus dont il faisait l'objet malgré les sanctions de
la jurisprudence36 antérieure, on ne devrait pas perdre de
vue que cette réglementation demeure permissive.
31. Les opérations telles que les perquisitions,
saisies et visites domiciliaires pourraient encore laisser cours aux abus, le
consentement du maître des lieux ou du détenteur du bien
étant irrévocable. En effet, à imaginer que ce
consentement soit donné pour une inspection superficielle et que par la
suite, les investigations soient plus poussées conduisant par exemple au
déplacement des objets d'art au risque de les endommager, l'auteur du
consentement se trouverait désarmé. Il faudrait donc de sa part
la présence d'esprit de refuser dès le début,
l'accomplissement de ces actes. Or ce refus pourrait s'interpréter comme
étant un comportement dilatoire visant à dissimuler les objets
ayant une relation avec l'infraction. Ce qui est de nature à dissuader
la personne dont le consentement est sollicité. Le législateur
aurait pu raisonnablement prévoir la possibilité d'une
rétractation du consentement donné.
Cette faille constitue une relativisation de la garantie de
protection des droits des citoyens, relativisation qui est plus perceptible en
cas de flagrance d'infraction au regard du
35 Ceci peut se justifier par la
nécessité de protéger l'ordre public.
36 TGI NFOUNDI Jugement n° 193 Crim. Du 25
juin 1998 médit : le tribunal a condamné dans cette affaire un
commissaire de police principal et un inspecteur de police respectivement
à dix ans et à 6 ans d'emprisonnement ferme pour avoir
causé la mort par torture, d'un jeune homme de22 ans en novembre 1997 ;
TGI MFOUNDI Je n°176 / Crim. Du 5 juin 1998 MP et famille NDJOUEMEGNI c /
MOTASSIE Bienvenu Inédit ici 3 policiers ont été
condamnés à des pernes allant jusqu'à 1 an
d'emprisonnement ferme pour torture (coups et mesures)...
pragmatisme de l'enquête qui s'ouvre à propos.
B. Le pragmatisme de l'enquête de flagrance
Le code de procédure pénale n'a pas donné
de définition à la flagrance ; il n'en a prévu que des
hypothèses (I) qui donnent lieu à une enquête dont le
pragmatisme est de nature à menacer les droits et libertés
individuels (II).
I. Les hypothèses de flagrance dans le code de
procédure pénale
32. Les hypothèses de
flagrance sont prévues dans les dispositions de l'article 103 CPP. Ces
dispositions permettent de distinguer les cas de flagrance et le cas
assimilé à l'infraction flagrante (a), ce qui nécessite
une appréciation particulière (b)
a. Les cas de flagrance et le cas
assimilé
L'article 103 du code de procédure pénale
dispose qu': « (1) est qualifié crime ou délit flagrant,
le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se
commettre ; (2) il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque : (a)
après la commission de l'infraction, la personne est poursuivie par la
clameur publique ; (b) dans un temps très voisin de la commission de
l'infraction, le suspect est trouvé en possession d'un objet ou
présente des traces ou indices laissant penser qu'il a participé
à la commission du crime ou du délit ; (3) il y a
également flagrance lorsqu'une personne requiert le Procureur de la
République ou un officier de police judiciaire de constater un crime ou
un délit commis dans la maison qu'elle occupe ou dont il assure la
surveillance ».
Cet article prévoit quatre cas de flagrance et un cas
assimilé à la flagrance. Les cas de flagrance sont : «
(...) qui se commet actuellement » ; « (...) qui vient de se
commettre » ; « (...) est poursuivie par la clameur publique
» ; « (...) dans un temps très voisin (...)
».
Le cas assimilé à la flagrance est celui de
l'infraction commise dans une maison dont l'occupant requiert un constat par un
OPJ ou un APJ.
b. L'appréciation critique des hypothèses
de Flagrance
33. Cet article a supprimé
l'infraction flagrante par nature née avec l'ordonnance n° 72 / 17
du 28 Septembre 197237 ce qui est une innovation importante dans la
mesure où cette
37 Cette ordonnance rendait flagrants les
infractions suivantes : le vagabondage (art. 347 CP). Le chèque sans
provision (art. 253 CP). Le proxénétisme (art. 294 CP) ; le vol,
l'escroquerie et l'abus de confiance (art. 318 CP) ; le vol aggravé
(art. 320 CP) ; l'escroquerie et l'abus de confiance aggravés (art. 321
CP) ; la prostitution de la jeunesse (art.344 CP) ; l'outrage à la
pudeur d'une personne mineure de 16 ans (art. 346 CP) et l'outrage sur mineur
de 16 à 21 ans (art. 347 bis CP).
catégorie d'infractions était source d'injustice du
fait de la disproportion des opérations et sanctions qui
présidaient à leur procédure.
Par ailleurs, le législateur camerounais se
démarque de son homologue français en écartant de la
flagrance, le cas du cadavre lorsque les causes de la mort sont
indéterminées38.
34. Mais le législateur camerounais aurait pu
être plus précis dans la délimitation des hypothèses
de flagrance. Ceci dans la mesure où les deuxième et
quatrième cas de flagrance sont marqués par une
imprécision quant au délai d'appréciation de la flagrance
au regard des expressions : << qui vient de se commettre », <<
temps très voisin » ; le cas assimilé à la flagrance
n'a par ailleurs plus de raison valable pour son maintien. Ces insuffisances
peuvent être une source d'erreurs et d'injustice ce d'autant plus que le
constat d'une infraction flagrante entraîne une procédure
pragmatique menaçant les droits et libertés individuelles.
II. Les pouvoirs exorbitants reconnus aux
autorités de police judiciaire et aux populations
35. « Lorsqu'on prend le coupable sur le fait,
l'évidence éclate et tout scrupule disparaît
»39 ainsi pourrait se résumer l'ensemble des
pouvoirs reconnus aux autorités de poursuite et aux populations en cas
de flagrance. Celles-ci ont la possibilité de procéder aux
arrestations, perquisitions, saisies... sans mandat ; elles
bénéficient d'une autorisation légale expresse. Mais en
cas de flagrance les OPJ sont ténus d'informer le Procureur de la
République et ont l'obligation de se transporter sur les lieux de
commission de l'infraction pour éviter que les preuves ou personnes
pouvant donner des renseignements ne se déplacent. Ils peuvent faire
usage de la garde à vue contre toute personne suspecte, instrumenter
hors du territoire de leur compétence. Le Procureur de la
République y joue le rôle d'acteur et son arrivée sur les
lieux dessaisit les OPJ de plein droit
36. Si les actes sur les personnes et sur les biens en cas de
flagrance peuvent se faire sans règles particulières dans les
situations ordinaires et ce, malgré les abus pouvant en résulter,
il en va tout autrement des actes effectués dans le lieu de service des
personnes astreintes au secret professionnel. En effet, les perquisitions dans
un cabinet d'avocat n'ont lieu que pour saisir les documents ou objets ayant un
rapport avec une procédure judicaire ou lorsqu'il est lui-même mis
en cause dans une affaire ou lorsque les documents ou objets en question sont
étrangers à l'exercice de sa profession. Elles doivent être
effectuées dans les conditions qui préservent le secret
professionnel par le magistrat compétent en présence de l'avocat,
du bâtonnier ou de son représentant. Ces prescriptions doivent
être respectées à peine
38 Art. 53 CPPF
39 ADEMAR ESMEIN cité par RASSAT (M-L),
<< Le Ministère public entre son passé et son avenir
» p. 172.
de nullité. Il en est de même des perquisitions
effectuées dans le cabinet d'un médecin.
37. Toutes les opérations effectuées lors des
enquêtes de police judiciaire sont secrètes et les personnes qui y
ont participé sont tenues, à peine de sanction, de garder les
informations acquises, confidentielles. Ceci est le signe de la protection du
droit à la présomption d'innocence. Le secret n'est pas opposable
au Ministère public.
En dehors du pouvoir de direction, le Ministère public
dispose d'un droit de contrôle sur la police judiciaire qui lui permet de
vérifier le respect des prescriptions légales et des ordres qu'il
aurait donnés.
|