CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
124. le Ministère public se présente comme le
« nerf central » du procès pénal. C'est lui qui
constate les infractions à la loi pénale et en recherche les
auteurs pour les soumettre ou non à la justice des juges. Il donne
à ce procès toute son impulsion par le déclenchement des
poursuites et l'exercice de l'action publique aux étapes de
l'information judiciaire et de jugement, le régularise par l'exercice
des voies de recours et son concours à l'exécution des
décisions pécuniaires et privatives de liberté.
125. Pour atteindre ses objectifs, le législateur de
2005, en harmonisant la procédure pénale, a maintenu le
Ministère public et a jeté son dévolu sur ses
attributions.
Afin de se conformer aux exigences de sauvegarde des droits
et liberté du citoyen, le législateur a réglementé
la phase policière du procès pénal. Il a ainsi
officialisé l'enquête préliminaire et a reconnu au suspect
un certain nombre de droits lors de la garde à vue. Le Ministère
public s'est vu doté de la qualité de gardien de ces droits par
l'impulsion et le contrôle qu'il assure à cette phase.
Dans l'optique de garantir le droit à une justice
équitable, le législateur a dessaisi le Procureur de la
République de la qualité de magistrat instructeur, renouant ainsi
avec le principe de la séparation des fonctions de poursuites et
d'instruction mise en veilleuse depuis la réforme de 1972. IL a
renforcé le caractère accusatoire du procès pour assurer
l'égalité entre les parties, rendant ainsi le Ministère
public plus actif. C'est également à travers le Ministère
public, que passent l'exécution rapide des décisions de justice
répressive et le recouvrement effectif des amendes et autres frais de
justice.
126. Cependant l'atteinte de ces objectifs n'est pas
absolument garantie. Des pesanteurs existent qui pourraient compromettre la
finalité principale du procès pénal qu'est la conciliation
de la protection des droits de l'Homme et celle de l'ordre public ou de
l'intérêt général.
Tout d'abord, la garantie au contrôle de la garde
à vue n'est pas assurée. Aucun régime n'est prévu
à cet effet et les moyens du parquet ne le prédisposent pas
à l'accomplissement d'une tache qui lui est facultative.
Ensuite, le Ministère public, loin d'être
simplement le titulaire de l'exercice de l'action publique, se présente
davantage comme le maître des poursuites. Il dispose de
l'opportunité de les déclencher, et peut les arrêter
à tout stade de la procédure. Ce qui remet en cause le principe
de la séparation des fonctions de justice répressive, garantie
fondamentale du procès équitable. L'article 64 du CPP devrait
à cet effet être revisitée par le législateur
Enfin, si la rapidité de l'exécution des
décisions de justice et le recouvrement
immédiat et effectif des condamnations
pécuniaires assurent la protection de l'ordre public et de
l'intérêt de l'Etat, il faut déplorer le fait que le
législateur ait fait table rase du souci de réinsertion sociale
des délinquants, tout comme il a privilégié les
intérêts pécuniaires au détriment des
libertés individuelles. La contrainte par corps à notre avis est
une mesure anachronique puisque des solutions alternatives existent, telles que
les mesures d'exécution forcées prévues par l'Acte
Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies
d'exécution entrée en vigueur depuis le 10 juillet 1998 pour
assurer le recouvrement des condamnations pécuniaires.
127. La « justice » dans
le procès pénal dépend donc en grande partie de ce qu'est
le Ministère public : Trop puissant, celle-ci en pâtirait ; trop
faible, l'ordre public et la paix sociale seraient perpétuellement
menacés. Il convient à cet effet de le doter de pouvoirs moyens,
mais suffisants pour l'accomplissement effectif et efficace de sa mission,
mission qui s'étend à d'autres types de procès tels que le
procès civil.
128. Dans les procès civils, le contentieux oppose
généralement les particuliers et porte sur les
intérêts privés. Le Ministère public y joue a priori
un rôle effacé. Il ne donne en principe que son avis à la
juridiction relativement à l'application de la loi. Il est donc partie
jointe et intervient par voie de réquisition orale ou écrite dans
un procès déjà engagé par les particuliers.
Mais il peut aussi y être partie principale comme en
matière pénale. La loi prévoit en principe les cas
où cela est possible de façon expresse. Dans de tels cas, il est
demandeur ou défendeur et les règles ordinaires de la
procédure lui sont applicables, mais avec quelques
modérations155.
Etant le représentant de la société
auprès des juridictions, et chargé de veiller au respect de la
loi et de l'ordre public, on se demande alors si le Ministère public
peut être partie principale dans les cas non spécifiés par
la loi sur le fondement de cette mission. Autrement dit, le Ministère
public dispose-t-il d'un droit général d'action pour la
défense de l'ordre public ou de la loi ? Cette interrogation ne manque
pas d'intérêt en droit camerounais. Sur le plan de la
théorie du droit, la sécurité des biens, des personnes et
des affaires ne peut être assurée juridiquement que par la
clarté et la précision des textes. Ce qui ne semble pas
être le cas au Cameroun au regard des règles applicables en
matière de procédure civile et commerciale156. Par
ailleurs, le rôle du Ministère public est en général
mal connu en matière de procédure civile d'où
l'intérêt didactique qu'on peut tirer de cette partie.
129. Pour répondre à cette
préoccupation, il convient de dire que si le Ministère public
peut intervenir comme partie jointe dans toutes les affaires après avoir
reçu communication des dossiers de procédure (chapitre 1), son
droit d'action d'office demeure encore exceptionnel au Cameroun (chapitre 2)
155 Il n'est pas tenu d'avoir recours à un avocat ; il
n'est pas tenu de déposer les conclusions écrites avant de
prendre la parole ; il n'est jamais condamné aux dépens ;
agissant dans l'intérêt de l'ordre public, il peut interjeter
appel même lorsque le jugement rendu est conforme à ses
conclusions (CA Toulouse, 31 mars 1947, S. 1947. 2. 109).
156 La procédure civile camerounaise est encore
régie par le vieux code de procédure civile et commerciale
hérité de la France à travers son passage sur le
territoire national en tant que puissance mandataire de la SDN et tutrice du
Cameroun avec l'onction de l'ONU.
CHAPITRE I : LE REGIME DES COMMUNICATIONS AU
MINISTERE PUBLIC, PARTIE JOINTE
130. Lorsque le procès est déjà
engagé par les particuliers, le Ministère public intervient comme
partie jointe. Malgré cette dénomination, il n'a pas
véritablement la qualité de partie au procès. A cet effet
il peut être récusé comme le serait un juge ; il ne peut en
principe exercer aucun recours157 et le trésor public ne peut
aucunement être tenu de supporter les frais de procédure qui
restent entièrement à la charge des parties.
Selon les cas, l'intervention du Ministère public peut
s'avérer nécessaire ou facultative d'où les
différents types de communication prévus pour favoriser son
information (section 1). Cette communication se fait suivant une
procédure bien déterminée et son ineffectivité
donne lieu à sanction (section 2).
Section I : L'information du Ministère public :
les types de communication
Comme nous venons de le dire, l'intervention du
Ministère public peut être obligatoire ou facultative selon les
cas. Elle est obligatoire lorsque la loi l'a prévue expressément
; la communication revêt alors un caractère impératif
(paragraphe 1). Dans le cas contraire, la communication est faite, soit
à la demande du Ministère public, soit sur initiative personnelle
du juge ; elle est dans ces cas facultative ou judiciaire (paragraphe 2), ce
qui ressort clairement des dispositions de l'article 36158 du
CPCC.
|