5.1.2 La modalité
interrogative.
La modalité peut être définie comme
l'attitude ou le comportement qu'un individu adopte vis-à-vis de
l'énoncé qu'il produit. En ce qui concerne les modalités
d'énonciation dans le corpus, parmi lesquelles l'assertive ou
affirmative ; l'exclamative ; l'injonctive et l'interrogative, nous
avons retenu la modalité interrogative du fait qu'elle revêt un
intérêt particulier.
En effet, plusieurs usages sont faits de cette modalité
dans l'IBR, et ceux-ci s'illustrent par les bouleversements syntaxiques qu'ils
entraînent. Syntaxiquement, la phrase interrogative est
particulière du fait qu'elle est marquée par une inversion du
sujet, et peut également à l'oral être marquée par
une certaine intonation.
Dans l'IBR, cette modalité subit quelques
bouleversements dus au non respect des règles qui sous-tendent la
formation des questions.
5.1.2.1 L'absence du
morphème interrogatif.
Certaines interrogations dans l'IBR sont construites sans
morphèmes interrogatifs. Ceux-ci relayés par un trait
intonationnel. L'intonation qui marque l'interrogation ici, reste
ascendante ; et l'énoncé interrogatif ne diffère
désormais de l'énoncé déclaratif que par la
présence du seul point d'interrogation (à l'écrit) et de
l'intonation ascendante (à l'oral).
Dans L'IBR, cette intonation est renforcée par
les particules non et hein qui traduisent soit
l'étonnement soit la moquerie. Celles-ci remplacent l'expression
n'est-ce pas ?
96) Tu voulais faire non ? fais alors
(p.56)
97) La retraite, ce n'est pas pour demain,
hein ? (p.27)
98) Innocent [...] ? pourquoi pas d'ailleurs, c'est un
bassa non ? (p.45)
La présence de ces particules ici traduit l'influence
de l'oralité qui pullule notre corpus à plusieurs niveaux. Bien
plus, celles-ci permettent de renforcer l'interrogation tout en laissant
apparaître parfois un effet de surprise (exemple 96) une ironie (exemple
97) : ou un fait évident (exemple 98).
Par ailleurs, certaines interrogatives sont formées
sans déplacement du morphème interrogatif.
5.1.2.2 La présence du
morphème interrogatif in situ.
Pour former des questions, les langues utilisent
généralement deux stratégies, soit en
déplaçant le morphème interrogatif, l'envoyant ainsi en
début de la phrase (proposition) ; soit en le laissant à la
position de départ (in situ). Cependant, dans la langue
française, le déplacement est facultatif dans certains cas pour
des éléments qu'on appelle arguments (qui, que, quoi). Mais les
autres éléments comme les adjoints référentiels
(quand, où, combien...) et les adjoints non référentiels
(comment, pourquoi...) doivent toujours être déplacés en
français standard.
Les exemples relevés dans notre corpus se comportent
plutôt comme des cas de non respect de la norme.
99) - On va faire quoi avec tout ceci
alors ? Ici, c'est Chantal qui parlait, montrant au sol les parties de la
vache que Boucher accumulait dans son sac en grommelant un peu. (p.88)
100) Ils t'ont donné combien ?
Demanda Mana. (p.119)
101) Ce n'étaient plus seulement des regards, mais des
paroles qui s'embrouillaient dans ses oreilles. Tu pars
où avec le cochon là ? (p.141)
102) Qu'est-ce qu'il y a ? [...] - Mon cochon a fait
quoi. (p.141)
Ces exemples sont bel et bien construits en marges des
prescriptions de la grammaire générative et transformationnelle
(G.G.T.), qui auraient imposé un déplacement de tous ces pronoms
interrogatifs en tête de phrase. Cependant, dans les langues locales
camerounaises, ce déplacement est facultatif ; le morphème
interrogatif peut être en tête de phrase ou peut rester in situ
sans gêne.
Dans cette même foulée de construction insolite,
certaines interrogatives dans L'IBR ne présentent aucun signe
de ponctuation (le point d'interrogation) à l'écrit permettant de
les identifier.
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