Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
4.4.2 Les emprunts au pidgin english.C. De FERAL présente le Pidgin english comme une langue qui a subi des processus d'adaptation, de réduction et de simplification par rapport aux langues dont il est issu.80(*) L'usage de ce parler est abondant dans l'IBR : 87) L'ultime mariage, ainsi que la naissance des deux derniers enfants du commissaire [...] avaient fabriqué le visage d'un D. Eloundou qui croyait pouvoir éternellement faire la loi dans la ville, qui avait peur de la retraite où il serait un nathin ; avaient ouvert devant les pas de ce D. Eloundou futur - Le Nathin - le sourire caché de tout le Cameroun.(p.23) 88) D. Eloundou [...] avait toujours fermé les yeux sur la vérité quand le tchoko touchait ses mains. (p.31) 89) Il ne pleura pas parce qu'il ne voulait pas montrer ses larmes à ce tchotchoro qui n'a de policier que les diplômes. (p.80) 90) Il voyait sa femme, Taba, chancelant au bon milieu du marché de Mokolo, avec autour d'elle toutes les bayam-sellam, toutes les crieuses de la ville. (p.134) Le mot pidgin nathin est calqué sur l'anglais nothing (rien) et renvoie à toute personne qui a perdu sa valeur humaine, due soit à un acte ignoble ou à la perte de son emploi. C'est tout dire un vaurien. Ce mot ici caractérise le personnage D. ELoundou qui se trouve aux portes de la retraite et réalise qu'il n'a pas atteint son objectif de vie. Le lexème tchoko désigne la somme d'argent que le policier demande pour le corrompre ou le soudoyer afin qu'il juge une affaire à votre avantage. Par extension, le lexème renvoie, dans le contexte camerounais, à toute forme de corruption ou de négociation effectuée en vue de bénéficier (illégalement) d'un service. L'occurrence tchotchoro veut dire enfant, mieux, une personne inexpérimentée dans un domaine, et dont les paroles ne sont pas dignes d'intérêt. Ce terme est utilisé dans le corpus pour souligner le degré d'orgueil qu'a le personnage D. ELoundou envers son supérieur hiérarchique qui n'a même pas l'âge de son fils. Le groupe composé bayam-sellam est un mot généralement employé dans le contexte camerounais et désigne les commerçantes revendeuses de vivres que l'on rencontre dans tous les marchés de Yaoundé et dans d'autres marchés des villes et villages du Cameroun. Au bout du compte, la créativité morpho-sémantique dans l'IBR laisse apparaître divers types de procédés mis en oeuvre par son auteur pour rendre compte de la réalité socioculturelle et économique qui prévaut au Cameroun. Bien plus, ces diverses lexies obtenues sont parfois caractérisées par un habillage sémantique qui laisse quelque peu percevoir l'esprit satirique qui anime l'auteur. Par ailleurs, la rencontre entre le français et les autres langues locales du Cameroun permet d'avoir ici de nouvelles lexies, marque évidente de la nouvelle sensibilité qui traverse l'écriture littéraire au Cameroun : d'où la vérification de l'hypothèse n°2. Cette forme de contextualisation s'étend au niveau des structures plus large de la phrase française, ce à travers les modifications des constructions syntaxiques dues aux langues du substrat et à la transposition du français oralisé à l'écrit. C'est ce qui constituera la toile de fond du chapitre qui suit. * 80 C. De FERAL, « Le Français identitaire chez les jeunes au Cameroun et en France » in Corpus et langage, Université de Nice-Sophia Antipolis, 1994, p.39 |
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