3.2.2. Les substantifs
connotés.
Les occurrences relevées sont les suivants :
11) Et qu'avait-il déjà vu, lui aurait-on dit,
car voilà qui, quand il entrait dans le bureau du commissaire principal,
« le garçon » s'entendait montrer la chaise de
l'autre côté et dire : «assieds-toi
Grand'' ( p.77)
12) mais fallait-il qu'avant son couronnement public sa
néantisation lui soit signalée dans le secret des bureaux par la
bouche d'un enfant oui, d'«un
bébé'' (p.79).
Ces substantifs ont tous un usage connoté que leur
impose le contexte camerounais dont l'IBR est une illustration.
De ce fait, l'adjectif substantivé Grand
(article O + adjectif) employé ici par le commissaire principal a une
connotation ironique. Il signifie quelqu'un de respectable, influent
et qui cherche à le faire savoir à tout prix à travers un
zèle ostensible. Il est ici mis pour le commissaire adjoint D. Eloundou
dont les pratiques d'influence qu'il exerce sur son entourage sont connues de
tous
Les lexèmes enfant et
bébé sont utilisés dans cet exemple pour
désigner une personne sans expérience, un mineur de rien du tout
dont on ne saurait prendre en considération les prises de
décisions. On le retrouve souvent dans les cas d'insubordination,
lorsque le supérieur est moins âgé que son
suppléant, comme c'est le cas dans l'IBR entre D. Eloundou
(Commissaire principal adjoint) et son supérieur hiérarchique,
celui-là qui n'a même pas l'âge de son fils.
Les changements dans la connotation sont enfin perçus
dans le corpus à travers certaines expressions.
3.2.3. Les expressions
connotées.
Nous avons relevé :
13) D. Eloundou [...] avait toujours fermé les
yeux sur la vérité quand le tchoko touchait ses mains.
(p.31)
14) Ils auraient su que l'adjoint allait être dans
déjà moins de vingt-deux heures en retraite qu'ils auraient ri
devant sa promesse de les libérer, les condamnés, car
après tout eux aussi connaissaient bien le Cameroun.
15) Si et seulement s'il n'avait pas pris tous ces
gens-là qu'elle lui jetait à la maison comme ses propres enfants,
[...], il n'aurait pas eu à se faire mouiller la barbe
par-ci par-là. (P.85).
16) Or y avait-il une possibilité de sinon quand
soudain, dans les bureaux de la police un Doyen avait été
mis « sans caleçon ». (P.81)
Tout comme le précédent relevé, nous
avons ici des expressions dont seul le contexte permet de décrypter le
sens qui est de loin celui proposé par les dictionnaires de
référence.
Les expressions fermé les yeux sur la
réalité (exemple 13) et faire mouiller la barbe
(exemple 15) se situent tous deux dans le champ sémantique de la
corruption que l'IBR présente comme l'une des tares majeures de
la police camerounaise.
Le premier signifie laisser tomber une procédure
judiciaire par complicité avec les prétendus coupables.
Le second lui, signifie se laisser corrompre en
acceptant les pots-de-vin.
L'exemple 14 : connaissant bien le Cameroun
signifie se méfiait. En réalité, il est
généralement employé par ceux qui ont été
victime d'un phénomène de corruption, d'une promesse non tenue ou
de toute autre transaction n'ayant eu aucune issue favorable. Cette expression
est donc perçue au Cameroun comme une mesure de prudence dans des
situations douteuses. L'IBR présente ici le cas de certains
prisonniers qui ont reçu la prétendue promesse d'être
libéré par D. Eloundou
Enfin, l'expression avait été mis
sans caleçon est une marque d'humiliation .C'est ici le
cas du policier D. Eloundou qui vient d'être humilié par son
supérieur hiérarchique qui n'a même pas l'âge de son
fils. Celui-ci lui refuse désormais la direction de toute patrouille
policière.
Toutes ces connotations montrent en fait le niveau de
coloration sémantique du français dans l'IBR qui se
présente comme un miroir de la société camerounaise dans
le parler et la vie quotidienne. Outre ce phénomène, on constate
dans ce corpus des processus de glissements de ses.
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