2.1.3 Les constats sur le commerce frauduleux des produits
pétroliers
La vente illicite de l'essence constitue l'une des
activités les plus dominantes du secteur informel. La fraude des
produits pétroliers constitue le cas le plus significatif des
échanges parallèles en raison de son ampleur, du rôle
qu'elle joue dans le recyclage du naira circulant hors des frontières de
la République Fédérale du Nigeria et des mesures
gouvernementales qu'elle suscite. La fuite des produits pétroliers du
Nigeria vers le Bénin repose sur la disparité des prix à
la pompe entre les deux pays et dans une moindre mesure sur la mauvaise
couverture du Bénin par les stations-service officiels. Cette
différence de prix a toujours existé entre les deux pays et
justifie la forte affluence des commerçants et consommateurs
béninois vers la zone frontalière et les Nigérians ont
vite compris le profit qu'ils pouvaient tirer de cette situation.
9op.cit, p12
Ainsi, plusieurs centaines de points de vente furent
créés le long du cordon frontalier, concentrés autour des
principaux axes de circulation. Ils comprennent à la fois les points de
vente de fortune, ravitaillés à partir des bidons de 50 litres ou
des fûts de 200 litres ou simplement à partir des voitures
nigérianes dont les réservoirs sont aménagés pour
la fraude. Autour de ces différents centres, des équipes de
revendeurs se sont constituées, composées de chômeurs des
villes, des femmes, d'écoliers et des jeunes ruraux qui,
confrontés aux problèmes de l'instabilité de la production
et des prix agricoles, se convertissent en trafiquants de produits
pétroliers.
Le nombre de ces trafiquants continue toujours d'être
important en raison de la persistance du chômage. Une enquête
réalisée en Octobre 1992 par le LARES pour le compte du
Ministère du Commerce du Bénin a dénombré sur
l'ensemble du territoire national environ 14.892 trafiquants dont les
activités portent sur près de 211.000 tonnes de produits
pétroliers contre seulement 29.688 tonnes pour la SONACOP, soit 87,7% de
la consommation nationale10. Le placement de ce
volume sur le marché correspondrait à cette époque
à un chiffre d'affaires de l'ordre de 23,86 milliards de FCFA dont
à peu près 14 milliards de bénéfice.
Une autre enquête réalisée en Septembre
2005 par le même laboratoire confirme l'importance de ce trafic par
l'augmentation constante de ses acteurs qui sont allés de 14.892 en 1992
à 41.946 en 2004 avec un volume importé de 244.984.926 litres
contre 91.104.581 litres de vente officielle, soit à peu près 70%
du besoin national. Cette activité procure à ceux qui s'y
adonnent une marge brute mensuelle comprise entre 70 et 170.000FCFA, soit un
bénéfice net annuel pour l'ensemble de la filière de
l'ordre de 34 milliards FCFA, alors qu'en 1992, ce bénéfice
n'était que de 14,86 milliards FCFA11.
10IGUE (o. John), Août
2008, Le secteur informel au Bénin : état des lieux pour sa
meileure structuration, LARES, p18
11Op. Cit.
Si on compare cette situation à l'emploi procuré
par la fonction publique de l'ordre de 29.400 personnes, cette activité
devient un des principaux secteurs de lutte contre le chômage et la
pauvreté en dépit des risques qu'elle comporte. Il semble ainsi
jouer un rôle important sur le plan socio-économique.
Mieux, c'est une activité à laquelle il convient
d'accorder une attention du fait que :
- Aucun Gouvernement n'est arrivé à
éradiquer ce commerce (toutes les luttes menées ont
été vaines).
- Les acteurs sont « organisés » au point
où dès qu'ils prennent une décision, elle est sue par tous
les acteurs dans les minutes qui suivent.
- Lorsqu'ils décident d'aller en grève, toute
l'économie est paralysée, les stations services ne pouvant
couvrir les besoins des 80% à peu près qui sont leurs
consommateurs.
- Les vrais acteurs de ce commerce illicite sont des hommes
politiques ; certains ont réussi à se faire élire
députés.
- C'est donc un creuset d'électorat pour les partis
politiques.
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