4.7 Discussion des résultats
La discussion est une véritable mise en débat
des résultats de recherche. Cette étape consiste à
éprouver par l'exercice de la confrontation, la portée et les
limites des résultats obtenus.
L'ampleur qu'a prise la vente illicite des produits
pétroliers ne peut plus s'expliquer par le difficile accès
à la Fonction Publique, la fuite des formalités administratives
par les acteurs informels, la complexité des procédures de
formalisation ou par le coût élevé des formalités.
Même si l'informel est une conséquence de l'échec des
politiques industrielles mises en oeuvre dans les pays africains et
spécialement au Bénin, un autre facteur explique cette ampleur :
c'est l'urbanisme rapide et non maîtrisé qu'a enregistré le
Bénin. La vente illicite des produits pétroliers est une
véritable activité qui utilise une forte main d'oeuvre. On ne
peut plus donc la négliger, car on peut voir le chiffre d'affaires
annuel qu'elle engendre, soit plus 26 milliards pour un bénéfice
annuel d'environ 3 milliards (tableau 7).
Nous pensons qu'au lieu de chercher à traquer les
vendeurs illégaux des produits pétroliers (tableau 14), il vaut
mieux adopter des stratégies plus souples pour amener ces acteurs
à contribuer réglementairement au développement
économique du Bénin. Depuis des années et à chaque
venue d'un chef d'Etat à la tête du pays, toutes les tentatives
pour réprimer cette activité, ont été vaines. Nous
ne sommes pas contre la formalisation des acteurs informels, mais nous
prônons une autre voie pour les amener à le faire. C'est l'objet
de notre étude qui voudrait proposer un cadre réglementaire pour
gérer tous les aspects de cette vente illicite.
Lorsque l'on adopte une stratégie qui ne répond
pas aux objectifs souhaités, soit cette stratégie est mal mise en
application, soit elle n'est pas adaptée. Nous pensons à notre
humble avis que c'est la dernière qui l'emporte lorsque nous regardons
les différentes politiques que chaque Gouvernement essaie de mettre en
oeuvre. Le Chef
de l'Etat actuel du Bénin, à son accession au
pouvoir, a cherché à attaquer et réprimer les trafiquants
de l'essence. D'ailleurs c'est la première action à laquelle il
s'est attelé après sa prestation de serment en Avril 2006. Il
faut dire qu'à son arrivée au pouvoir, le pays était dans
une situation où les sociétés pétrolières
avaient refusé de s'approvisionner en produits pétroliers parce
que, disent-elles, les prix de vente fixés par l'Etat à la pompe,
ne les arrangent pas et leur occasionnent des pertes.
Le Chef de l'Etat a alors compris qu'il faut trouver de
solutions à cette situation en allant négocier avec le Chef de
l'Etat nigérian et en supprimant la vente tous azimuts aux abord des
différentes voies. Pour ce faire, il confie à son Ministre du
Commerce pour exécuter toutes ses actions. Ce dernier a aussitôt
mis en place une commission composée des différentes parties
prenantes (sociétés agréées, douane, impôts,
gendarmerie, police, expert en commerce, etc.) à l'exception des acteurs
informels. Les toutes premières semaines de travail (à peu
près 2 semaines) ont montré les limites de ces mesures prises
(grève des vendeurs illicites, pénurie générale de
l'essence, paralysie de tous les secteurs d'activités). Le Chef de
l'Etat a dû rappeler à l'ordre publiquement son Ministre du
Commerce en lui disant au cours d'une séance initiée par lui
(Chef de l'Etat) et réunissant au Palais de la République les
vendeurs illicites des produits pétroliers, qu'il ne lui a jamais dit de
traquer les trafiquants de l'essence. Depuis ce jour, tout est mis en veilleuse
et aucune action n'est plus envisagée.
C'est dire qu'au Bénin, les acteurs du commerce
illicite des produits pétroliers ont un « pouvoir de fait
». C'est la raison qui nous motive à proposer une autre
stratégie pour arriver à bout de ce commerce qui, avouons-le,
échappe à l'Etat Central.
Dans la mise en place de ce cadre institutionnel, nous voulons
proposer :
· Un chronogramme (les tâches à
exécuter par chaque partie prenante) de mise en place de ce cadre,
· Une structure de garantie sociale pour les mettre
à l'abri des risques inhérents à leurs
activités.
· Une fiscalité spéciale pour ce commerce
illicite des produits pétroliers.
· Une communication institutionnelle adaptée aux
parties prenantes.
Nous pensons que si l'acteur informel trouve les garanties
nécessaires pour faire une bonne mutation vers le formel, il saisira
toutes les opportunités qui s'offriront à lui pour que son
activité profite à toutes ses parties prenantes. Car
malgré le fait que l'on lui brandisse à chaque fois le
caractère illégal de son activité, il a des besoins qu'il
ressent et il voudrait que l'Etat les satisfasse (tableau 18). Ces besoins sont
: octroyer de subventions ou prêts ; assurer la sécurité ;
construire des routes, des hôpitaux, des écoles ; installation des
conduites d'eau potable ; etc. L'acteur informel exprime ces besoins parce que
son activité est imposée. Mieux c'est un secteur qui constitue un
réservoir d'électeurs pour les hommes politiques. Et c'est au
cours des campagnes électorales que ces derniers leur font des promesses
qui vont dans le sens de ce que veulent ces informels. Certains acteurs
informels (30%) pensent que la contribution qu'il verse à
l'Administration locale peut être assimilée à de
l'impôt (tableau 13). D'ailleurs d'autres (5,6%) pensent qu'ils ne sont
pas dans l'informel (tableau 19).
Mais la vente illicite des produits pétroliers aux
abords des voies crée tout de même des dommages aux populations.
Les incendies qu'elle engendre, les maladies qu'elle crée et
l'environnement qu'elle dénature, tous ces problèmes peuvent
trouver des solutions dans le cadre institutionnel que nous proposons. Les
acteurs eux-mêmes en sont conscients. Aussi certains ont-ils
souhaité (70%) changer d'activité un jour (tableau 20). Seulement
ils n'ont pas dit qu'ils quitteront l'informel pour le formel. C'est sûr
qu'ils resteront toujours dans l'informel pour exercer d'autres
activités.
Aujourd'hui d'après les dernières études
réalisées par l'INSAE en 2008, 98% de notre économie est
informelle. Nous craignons le pire dans les années à venir.
Peutêtre que c'est l'appareil d'Etat (les pouvoirs exécutif,
législatif, judiciaire) qui sera informel comme l'a
déclaré le Médiateur de la Présidence du
Bénin en juillet 2010 lorsqu'il remettait son rapport de travail au chef
de l'Etat.
Il faut donc que nous créions des connaissances pour le
développement du Bénin dans tous les domaines vitaux du
Bénin. Donc nous souhaitons que l'Administration
fiscale cherche à changer de stratégies pour
permettre à tous les acteurs du secteur informels de se formaliser par
son mode qui lui sera propre.
En effet la création d'une entreprise relevait avant de
plusieurs structures telles que la CCIB, le Ministère de la Justice,
l'INSAE et le Direction Générale des Impôts et des
Domaines. Ce qui soumettait le promoteur à un véritable parcours
de combattant avec pour conséquence la corruption, la brimade et une
longue période d'attente entre la date de dépôt des
pièces et la réponse à la demande. Aujourd'hui, c'est une
structure unique logée à la CCIB qui gère toutes les
formalités : c'est le Centre de Formalités des Entreprises (CFE)
créé par décret n°97-292 du 19 juin 1997. Son but est
de permettre aux promoteurs d'accomplir en un même lieu, dans un
délai minimum et à un coût réduit, les
formalités liées à la création d'entreprises
qu'elles soient individuelles ou sociétaires, à la
création d'établissements secondaires, à la cessation de
leurs activités, à leur dissolution ainsi qu'à leurs
modifications.
Mais les principaux obstacles identifiés par les
personnes opérant dans le secteur informel portent sur l'enregistrement
et sur la fiscalité. Etant donné que c'est le caractère
« illégal » de l'exercice des activités de ce secteur
qui explique la plupart des problèmes qu'ils rencontrent, les mesures
à prendre doivent porter sur ces questions. Ainsi pour donner une
existence juridique aux distributeurs des produits pétroliers du secteur
informel, il est indispensable qu'ils fassent l'objet d'une reconnaissance
officielle à travers un cadre institutionnel qui leur sera mis en
place.
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