PARAGRAPHE II : OBSERVATIONS DE STAGE
Nos observations porteront sur le processus
d'élaboration du budget-programme, son exécution et son
suivi-évaluation. Mais avant, nous nous sommes intéressées
à la notion de budget-programme.
I - NOTION DE
BUDGET-PROGRAMME
Il s'agira pour nous ici de définir le concept d'une part
et de faire son historique d'autre part.
A - Définitions du budget-programme
Le budget-programme est défini comme « un mode de
présentation des crédits budgétaires consistant à
regrouper les actions d'un même ministère par programme en
rapprochant pour chacun d'eux les crédits de toutes natures et les
résultats physiques ou financiers attendus, le tout étant
complété par une projection indicative portant sur plusieurs
années ». (Raymond et Jean, 2003,
p 80).
Le budget-programme est un budget basé sur les
résultats précis à atteindre au bout d'une période
donnée. C'est un outil de gestion et de planification qui
privilégie la performance. Il combine des actions prioritaires à
réaliser sous des contraintes de ressources matérielles,
financières et humaines. Il vise à accroitre l'utilisation
efficace et équitable de toutes les ressources publiques dans le but de
promouvoir la croissance, d'améliorer le niveau des revenus et par
conséquent de réduire la pauvreté. (Ahou,
2007, p61).
Au Bénin, l'approche programme mise en oeuvre dans le
cadre de la réforme budgétaire est caractérisée par
l'élaboration d'un budget-programme triennal glissant comprenant des
programmes. La démarche programmatique utilisée permet de
décliner les programmes ou sous-programmes en objectifs global et
spécifiques, en résultats attendus et en
actions/activités assortis d'indicateurs requis pour faciliter le
suivi-évaluation (MEF, 2007, p3).
B - Historique du budget-programme
La budgétisation par programme a d'abord
été une expérience américaine à travers le
PPBS (Planning Programming Budgeting System) puis française avec la
Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB). Le Bénin s'inspire
du PPBS et de la RCB pour impulser au niveau national des réformes
d'envergure en matière de gestion budgétaire.
Le PPBS
L'effort de rationalisation dans le choix des dépenses
apparut aux Etats-Unis en 1961 sous forme de PPBS (Planning programming
Budgeting System) quand Mac Namara l'imposa aux différents
départements du Ministère de la défense afin
d'éviter les gaspillages trop importants des ressources publiques. En
1965 ces méthodes étaient reprises par la plus grande partie des
administrations de l'Etat fédéral.
La RCB
En janvier 1968, le gouvernement français, sur
l'initiative du Ministre de l'Economie et des Finances, Michel DEBRE,
crée la mission pour la Rationalisation des Choix Budgétaires
(RCB). Cette opération est largement inspirée du PPBS
américain : on part des objectifs visés pour aboutir à la
distribution des crédits annuels aux différents secteurs. La RCB
substitue ainsi un budget d'objectifs à un budget de moyens.
En 2001, une nouvelle loi organique relative aux lois de
finances fut adoptée en France. Cette loi définit une nouvelle
structure budgétaire basée sur les programmes. Ainsi, le
Parlement allouera désormais des crédits non plus par service
mais par programme, en fonction des résultats visés par ces
programmes
sur divers indicateurs, et sera informé ex post, par des
rapports annuels de performance, des résultats atteints.
L'expérience béninoise
Au Bénin la mise en place des budgets-programmes s'est
effectuée avec l'appui d'un nouveau mécanisme de prêt de la
Banque Mondiale, le Crédit d'Ajustement pour la Réforme des
Dépenses Publiques (Public Expenditure Reform Adjustment Credit, PERAC).
La méthode retenue par le Bénin pour la mise en place des
budgets-programmes est celle d'une introduction progressive. Cinq
ministères pilotes ont été identifiés en 1999 pour
expérimenter la réforme budgétaire (Ministère de la
Santé publique, Ministère du Développement Rural,
Ministère de l'Education Nationale, Ministère des Travaux Publics
et des Transports et le Ministère de l'Environnement, de l'Habitat et de
l'Urbanisme). A la suite de cette expérience pilote, les
autorités béninoises ont décidé d'étendre
progressivement l'exercice à l'ensemble des ministères.
Les partenaires techniques et financiers ont pris la suite de
la Banque Mondiale (BM) pour accompagner les ministères sectoriels dans
la préparation et le suivi de leurs budgets-programmes. Depuis 2006,
l'ensemble des ministères élabore des budgets-programmes. Les
budgets-programmes ont également connu une évolution de leur
format ; leur présentation a ainsi été
allégée par rapport aux premiers budgets-programmes
formulés par les ministères pilotes.
L'expérience du MCTIC
La mise en oeuvre de la réforme budgétaire a
démarré au Ministère Chargé de la Communication et
des Technologies de l'Information et de la Communication en 2005, année
d'élaboration de son premier budget-programme. En 2006 le MCTIC
a mis en place les structures de pilotage de la réforme
budgétaire
par la prise de l'Arrêté
n°2006-022/MCNT2/DC/SGM/DPP/DRFM/SA du 03 octobre 2006 portant
composition et allocation de primes aux structures de pilotage de la
réforme budgétaire. Il s'agit notamment du comité de
pilotage, de la Cellule de Suivi-Evaluation (CSE) et des points focaux.
II - PROCESSUS D'ELABORATION DU BUDGET-PROGRAMME
L'élaboration du budget-programme est une tâche
très importante qui nécessite qu'on lui accorde une attention
particulière ; au MCTIC, l'accomplissement de cette tâche revient
à la DPP. Ainsi pour rédiger un bon document de budget-programme,
les étapes suivantes sont à suivre. Il s'agit notamment de :
n la revue documentaire ;
n l'identification des objectifs du budget-programme ;
n la construction des projets à intégrer au
Programme d'Investissement Public (PIP) ;
n la validation des projets à intégrer au PIP et
du budget classique ;
n l'élaboration du document de budget-programme ;
n la validation du budget classique par le conseil des ministres
;
n la finalisation du budget-programme ;
n la validation du budget-programme par le comité de
pilotage ;
n le vote de la loi de finances par le parlement.
A - Revue documentaire
La conception d'un budget-programme de qualité passe
forcément par une revue documentaire. Cette revue documentaire se fait
sur la base des documents de planification stratégique à long et
à moyen termes tant sur le plan national qu'au niveau sectoriel. Ces
documents sont notamment :
les Etudes Nationales de Perspectives à Long Terme
(Bénin ALAFIA 2025) ;
2 En 2006, l'actuel Ministère de la
Communication et des Technologies de l'Information et de la Communication
s'appelait Ministère de la Communication et des Nouvelles
Technologies.
n
les Orientations Stratégiques de Développement
(OSD) ;
n le Document de Stratégie de Croissance pour la
Réduction de la Pauvreté (DSCRP) ;
n le Programme d'Actions Prioritaires (PAP) ;
n les Documents de Politique et de Stratégie (DPS) du
secteur ;
n les rapports et revues du secteur.
Après l'étape de la revue documentaire on passe
à celle de l'identification des objectifs.
B- Identification des objectifs du budget-programme
A cette étape, la DPP procède à la
ventilation du Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT)
préalablement reçue du Ministère de l'Economie et des
Finances (MEF) au niveau de toutes les structures du Ministère.
Après réception de la copie du CDMT les responsables des
différentes structures élaborent les propositions d'objectifs
qu'ils envisagent atteindre au niveau de leur structure pour le moyen terme.
Ces propositions sont transmises à la DPP. Cette dernière
après réception des différentes propositions initie des
séances de pré-arbitrage en vue du choix des objectifs à
retenir au niveau sectoriel pour le moyen terme. Nous parlons ici de
pré-arbitrage car l'arbitrage proprement dit se fera dans la suite du
processus d'élaboration du budget-programme.
Une première séance de pré-arbitrage se
déroule entre les cadres de la DPP et les responsables des
différentes structures. Une seconde séance se déroule
entre le Ministre et tous les participants à la première
séance. A la suite de ces deux séances, les objectifs à
atteindre au niveau sectoriel pour le moyen terme sont clairement
définis et on passe à la construction des projets à
intégrer au Programme d'Investissement Public (PIP).
C - Construction des projets à intégrer
au PIP
Il s'agira ici pour le Ministère de déterminer
le nombre de projets à exécuter au cours des trois prochaines
années et de construire leur plan d'opérationnalisation. Ensuite
le projet de budget classique du Ministère est élaboré.
D - Validation des projets à intégrer au
PIP et du budget classique
Les projets du Ministère à intégrer au
PIP ainsi que le projet de budget classique du Ministère font l'objet de
deux séries de validation. Une première validation se fait par le
Ministère de l'Economie et des Finances et une seconde validation se
fait par le Ministère Chargé de la Prospective, du
Développement et de l'Evaluation de l'Action Publique (MPDEAP). Notons
que la validation se fait après arbitrage.
Après la validation des projets à
intégrer au PIP et la validation du budget classique par le MEF et le
MPDEAP on passe à l'étape de l'élaboration du document de
budget-programme.
E- Elaboration du document de budget-programme
L'élaboration du document de budget-programme se fait
en plusieurs étapes. Il s'agit notamment de l'analyse du contexte, de
l'analyse des priorités et axes d'intervention, de la discussion des
objectifs par rapport aux missions du Ministère, de la cohérence
avec les stratégies nationales, du cadre logique, de la
budgétisation des programmes et de l'élaboration des autres
tableaux du budget-programme.
1. Analyse du contexte
Il consiste d'une part à faire pour une période
donnée l'état des lieux du secteur concerné à
travers des statistiques caractérisant les difficultés
rencontrées à ce jour et à décrire la situation
récente en évoquant les problèmes actuels se posant aux
populations et dont les solutions relèvent de la compétence du
Ministère ;
d'autre part à répertorier les causes des
différents problèmes identifiés et à établir
les interactions entre ces derniers.
2. Analyse des priorités ou axes
d'intervention
La problématique qui ressort de l'analyse du contexte,
devra permettre le regroupement des problèmes suivant des
thématiques choisies par rapport aux axes contenues dans les documents
de vision et d'orientation pour le développement harmonieux et durable
à moyen et long termes du Bénin. Elle permettra aussi de faire le
résumé des Documents de Politique et de Stratégie (DPS) du
secteur et de définir par thématique des objectifs clairs que se
propose d'atteindre le secteur à court et à moyen termes.
3. La discussion des objectifs par rapport aux
missions du Ministère A la lumière des atouts
(facteurs favorables) dont bénéficie le secteur et des
contraintes naturelles qui pourraient limiter son évolution, il s'agira,
au vu des missions qui sont assignées au Ministère, de justifier
sa compétence, à poursuivre les objectifs retenus.
4. Cohérence avec les stratégies
nationales
A cette étape l'on cherche à établir une
relation d'interaction entre les objectifs sectoriels et les objectifs
nationaux, les premiers, participant à la réalisation des autres.
Cette cohérence est nécessaire afin d'impliquer effectivement et
pleinement le ministère dans le processus de développement
durable de notre pays conformément à la vision projetée
dans les documents de planification stratégique au plan national.
Après avoir vérifié la cohérence
des objectifs des programmes avec les stratégies nationales, on passe
à l'élaboration d'un cadre logique par programme.
5.
Le cadre logique
Le cadre logique présente sous forme d'un tableau
synthétique le « coeur de la démarche»
(MEDE, 2004, p68) du programme. Il est un outil important de
planification, d'exécution et de suivi-évaluation des projets. Il
aide à l'élaboration des projets bien conçus en ne
couvrant que les éléments essentiels qu'il résume en un
tableau (canevas en annexe n°2).
6. La budgétisation des programmes
La budgétisation des programmes se fait par nature de
dépenses et doit tenir compte des limites fixées dans le Cadre de
Dépenses à Moyen Terme (CDMT). En plus de l'année cible,
la budgétisation dans le souci d'une meilleure analyse de
l'évaluation des indicateurs, doit tenir compte des dotations
budgétaires par nature de dépense des deux années
précédentes, puis de celles des deux années qui suivent
celle de l'élaboration du budget-programme.
En somme, il s'agit de budgétiser par programme, les
actions inscrites au bas du cadre logique, en faisant correspondre à
chacune d'elles et sur la même ligne, les crédits pour
l'année N:
- des dépenses en capital : Programme d'Investissement
Public (PIP) ;
- des dépenses ordinaires (dépenses de
fonctionnement) ;
- du total (somme des deux dépenses).
L'élaboration des différents tableaux qui
constituent le budget-programme mise à part celui du cadre logique est
l'étape qui suit la budgétisation des programmes.
7. Les autres tableaux du budget-programme
C'est à partir du tableau du cadre logique qu'on
élabore les autres tableaux que sont :
- le tableau d'évaluation financière ;
- le tableau des indicateurs ;
-
le tableau du mode de calcul des indicateurs ;
- le tableau de financement ;
- le tableau de passage du budget-programme au budget classique.
Ces différents tableaux sont décrits ci-dessous.
=> le tableau d'évaluation
financière: il recense les activités à
mettre en oeuvre pour chaque année du budget-programme accompagné
de leur coût (canevas en annexe n°3) ;
=> le tableau des indicateurs : ce tableau
présente les différents indicateurs (indicateurs de moyens,
indicateurs de résultat et indicateurs d'impact). Les indicateurs
permettent une description des objectifs et des résultats en termes de
qualité, quantité et durée. Les indicateurs en nombre
limité (1 ou 2 par opération au maximum) dans le tableau des
indicateurs doivent avoir des valeurs cibles. (canevas en annexe n°4) ;
=> le tableau du mode de calcul des
indicateurs : ce tableau présente les indicateurs, leur valeur
cible, le mode de calcul de cette valeur cible, la structure du
ministère chargée du suivi de l'indicateur (canevas en annexe
n°5) ;
=> le tableau de financement : il fait
ressortir les diverses sources de financement des dépenses contribuant
à l'atteinte des divers objectifs du budget-programme (canevas en annexe
n°6) ;
=> le tableau de passage du budget-programme au
budget classique : il permet de montrer que le budget-programme est
fait dans le respect du budget général de l'Etat pour
l'année de base, étant entendu que ce dernier respecte le Cadre
de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) (canevas en annexe n°7).
Le document de budget-programme élaboré fera
l'objet de validation par le comité de pilotage après sa
finalisation. Notons que la finalisation du document
de budget-programme intervient après la validation du
budget classique par le conseil des ministres.
F - Validation du budget classique du
Ministère par le conseil des ministres Le conseil des
ministres se réunit et statue sur tous les projets de budget classique
de tous les ministères et procède à leurs validations.
L'ensemble des projets de budget classique des ministères forme le
projet de budget général de l'Etat qui est l'une des composantes
du projet de loi de finances de l'année (les autres composantes sont les
budgets annexes et les comptes spéciaux du trésor). C'est le
projet de loi de finances qui est transmis à l'assemblée
nationale pour adoption.
G - Finalisation du document de budget-programme
La finalisation du document de budget-programme se fait
après la validation du budget-classique puisque c'est après cette
étape que le nombre exact de projets à exécuter par le
Ministère pour l'année de base du budget-programme est connu.
H - Validation du document de budget-programme par le
comité de pilotage
Le comité de pilotage comme nous l'avons
signalé plus haut est l'une des structures de pilotage de la
réforme budgétaire au sein du Ministère. Le document de
budget-programme après finalisation lui est soumis pour validation.
I- Vote de la loi de finances par le parlement
Le document de budget-programme est annexé au projet
de loi de finances et transmis à l'Assemblée national. Notons que
seul le projet de loi de finances fait l'objet de vote par le parlement.
Au Bénin, tous les ministères élaborent
leur budget-programme mais force est de constater que le budget voté par
l'Assemblée nationale continue de l'être selon une
présentation classique par moyens. En effet, la loi organique 86-021 du
26 septembre 1986 relative aux lois de finances n'a pas été
abrogée, bien qu'elle ne permette pas de voter des budgets-programmes.
Si les budgets-programmes sont transmis pour information à
l'Assemblée nationale, ils n'ont pas de valeur juridique et sont de
simples documents de travail. Cet état de choses pose le problème
de l'absence d'une disposition législative consacrant les
budgets-programmes au Bénin. Une autre difficulté
à laquelle est confrontée à la mise en oeuvre du
budget-programme au Bénin est l'absence d'une codification par
programme dans la nomenclature budgétaire et la coexistence des budgets
classiques et des budgets-programmes. Cela entraine l'obligation pour
les ministères de préparer des tableaux de passage du
budget-programme au budget classique à l'étape de formulation du
budget-programme. L'élaboration du budget-programme au MCTIC est
marquée par le manque de clarté et de précision de
certains indicateurs. En effet, ces indicateurs peuvent donner lieu
à plusieurs interprétations selon les personnes qui les
utilisent. D'autres indicateurs par contre sont
dépourvus de valeurs cibles.
A coté de ces difficultés, l'élaboration
du budget-programme au MCTIC connait certaines bonnes pratiques. Il s'agit
principalement de l'existence des documents de politique et de
stratégie. En effet, le MCTIC dispose de deux documents de
politique et de stratégie, l'un validé et l'autre en cours de
validation notamment le Document de Politique et de Stratégie (DPS) du
secteur des télécommunications, des TIC et de la poste et celui
du secteur de l'information et de la presse.
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