PARTIE 2 : FACTEURS ET FREINS A L'EMERGENCE DES
ACTIVITES AGRIRURALES DANS LES MONTS DU FOREZ
Durant le stage, nous avons rencontré plusieurs
porteurs de projets agriruraux qui souhaiteraient s'installer sur le territoire
des Monts du Forez. Ce territoire présente à première vue
un potentiel important pour le développement de l'agrirualité.
Il convient donc de s'interroger sur les atouts du territoire
mais également sur les freins qui y persistent et empêchent le
développement spontané des activités agrirurales.
I. Quels avantages et quels atouts pour
l'agriruralité dans les Monts du Forez ?
Le périmètre d'intervention de la Maison des
Services est composé administrativement de 39 communes
découpées en trois cantons ; chaque canton délimite plus
ou moins trois territoires intercommunaux :
> La communauté de Communes du Pays d'astrée,
canton de Boën, regroupe 18 communes pour environ 10 700 habitants ;
> La communauté de Communes des Montagnes du Haut
Forez, canton de Noirétable, regroupe 12 communes pour environ 3 500
habitants ;
> Une partie de la Communauté d'Agglomération
Loire-Forez, canton de St George en Couzan qui regroupe 9 communes pour environ
2 500 habitants.
Figure 9 : Carte des communes sur lesquelles la Maison
des Services intervient
Source : SOULIER Marie-Laure - août 2010 -
Mapinfo 7.5
A. L'agriruralité : une opportunité pour le
maintien de l'agriculture et le développement des activités dans
les territoires de moyennes montagnes ?
Les offres d'activités agricoles et rurales apparaissent
aujourd'hui comme un enjeu essentiel pour les territoires ruraux.
1. La création d'activités combinées
envisagée comme une chance pour faire face aux conséquences des
mutations agricoles dans les Monts du Forez
En un demi siècle les espaces ruraux ont subi des
mutations profondes. Les modes de vie et la typologie rurale ont
été totalement bouleversés.
> La typologie rurale des Monts du
Forez
Acteur principal de l'utilisation du sol, l'agriculture
Forezienne dont la surface agricole utile (SAU) représente plus de la
moitié de la superficie du Pays du Forez, n'en fait pas moins l'objet
d'un processus de concurrence spatiale.
Figure 10 : Photographie illustrant la place de la
forêt dans le paysage
Source : SOULIER Marie-Laure - mai 2010
En effet, dans les vingt dernières années, en
zone de montagne, l'extension forestière, aujourd'hui ralentie il est
vrai, poursuit son grignotage de l'espace agricole en déprise pour
aboutir localement à un phénomène de "renfermement" des
paysages. L'exemple du canton de Noirétable est frappant : en 21 ans ce
canton a perdu 11% de sa SAU soit 696 ha qui ont disparu de la surface agricole
utilisée.
Figure 11 : Carte de la Surface Agricole Utile dans le
périmètre d'intervention de la Maison de Services
Source : SOULIER Marie-Laure - Août 2010 - MapInfo
7.5
L'agriculture, marquée principalement par deux grandes
mutations, a progressé de façon extraordinaire. La
première mutation, liée à la modernisation du pays, fut la
spécialisation agricole, qui débuta dés la seconde
moitié du XIXème siècle : l'agriculture s'organisa
à l'échelle de la France, dans un contexte très
protectionniste. La seconde mutation débute en 1958, année de
mise en application du traité de Rome. Depuis, la production a
augmenté dans la plupart des domaines ; l'agriculture s'est
technicisée ; les rendement ont été multipliés par
deux, trois ou plus. Toutefois dans ce contexte, la part de l'agriculture ne
cesse de se réduire.
> L'agriculture dans les Monts du
Forez
En termes d'emploi, les effectifs dans les Monts du Forez ont
été divisés par deux, de 1979 à 2000 ; prés
de la moitié des départs n'ont pas été
remplacés. Cela est notamment du au fait de la disparition des doubles
actifs ou des très petites exploitations, alors que les exploitations
professionnelles perdurent davantage et s'agrandissent.
En effet, la surface moyenne des exploitations
professionnelles est passée de 31 ha en 1979 à 49 ha en 2000. La
baisse du nombre d'exploitations se traduit ainsi par une part plus importante
des exploitations professionnelles, une augmentation de la mécanisation
ainsi que par un accroissement de la surface cultivée par chaque chef
d'exploitation.
Figure 12 : Evolution de l'âge des exploitants
agricoles sur le périmètre d'étude
Source : Recensement général agricole
2000 - ADASEA de la Loire
De plus, lors du recensement général agricole de
2000, on remarquait qu'une part importante des exploitants était
âgée de 40 à 55 ans ; ce constat inquiète pour les
années à venir car de leurs volontés et de leurs choix
dépendra le secteur agricole. Les mutations sont rapides à un
point tel que l'on parle de deuxième révolution agricole.
Dés lors, on peut se demander comment pourra-t-on maintenir le nombre
d'exploitants, alors que le foncier agricole diminue et que chaque exploitation
augmente sa surface cultivée.
En permettant l'existence de systèmes agricoles
combinés et diversifiés, dont les exploitations agricoles
seraient plus petites que la moyenne et avec des productions qui sortent des
modèles bovins lait ou viande dominants, l'agriruralité apparait
comme une opportunité pour maintenir sur les territoires de moyennes
montagnes des populations et des emplois. Il s'agit ainsi, à travers des
activités diversifiées et combinées qui s'apportent les
unes aux autres, de créer des activités économiques
nouvelles, ou bien de permettre le développement de structures agricoles
en vue de les consolider ou bien en vue d'installer un nouvel
associé.
Le concept d'agriruralité suppose une nouvelle
façon d'envisager l'agriculture. Tout l'enjeu ici repose sur la
maîtrise de la filière, de la production à la
commercialisation. En effet, actuellement, la majorité des agriculteurs
passent par les circuits longs pour diffuser leurs produits et suivent la
logique de filière suivante :
Figure 13 : Filière longue de
production
Source : Marie-Laure SOULIER, juillet 2010
Dans ce système, le producteur apparaît comme un
rouage dans un système global. Il ne gère qu'une toute petite
partie de l'activité globale de production ; il n'a plus en charge, ni
le choix des aliments pour les productions animales, ni le choix des intrants
pour les productions végétales. Il
devient, ainsi, un spécialiste de l'activité de
production. Cette organisation en circuits longs convient tout
particulièrement aux producteurs possédant des surfaces
d'exploitation assez importantes.
En permettant une valorisation des productions locales
à forte valeur ajoutée et une diversification des
activités agricoles, l'agriruralité permet de combiner plusieurs
activités qui s'apportent des éléments les unes aux
autres. Le concept d'agriruralité suppose également de tendre
vers des modèles agricoles moins courants, non dominants et surtout
moins consommateurs d'espace, de type héliciculture ou maraichage par
exemple ou bien vers une valorisation des productions avec l'ajout d'un atelier
de transformation à la production, il convient alors d'adapter la
surface agricole à exploiter au type de production.
Ce système permet principalement de réduire les
surfaces agricoles à exploiter puisque la création de richesse ne
se fait plus sur les volumes produits mais bien sur la qualité
même des produits et leur commercialisation, en circuits courts
notamment. Ce système peut également permettre de faire
travailler plusieurs personnes sur une même structure ; alors qu'une
exploitation professionnelle moyenne est conçue pour une unité de
travail humain (UTH) avec 45ha de SAU en moyenne, une exploitation agrirurale
valorisant l'ensemble de ses productions (transformation des produits,
goûter a la ferme, vente directe...) peut faire vivre sur une vingtaine
d'hectares jusqu'à quatre personnes21. Enfin, suivant un tel
schéma, l'agriruralité permet de réaliser lors de
l'installation du porteur de projets, des investissements moins lourds et mieux
maîtrisés car les besoins matériels (bâtiment,
mécanisation...) sont moindres.
Toutefois, si l'agriruralité apparait comme une
opportunité pour les territoires de moyennes montagnes, on ne peut
évidemment pas envisager que tous les agriculteurs soient des agriruraux
ayant tous le même modèle de production car alors un
problème de concurrence se poserait entre les producteurs quant-à
l'accès aux marchés.
Suivre la logique agrirurale revient presque à remettre
en cause les systèmes agricoles dominants et les grandes lignes qui ont
été tracées par les politiques agricoles communes (PAC)
pour tendre vers une spécificité de chaque exploitation propre,
à chaque territoire et à chaque créateur d'entreprise. Si
l'on poursuit cette réflexion, on s'aperçoit que l'agriculture
peut revêtir des formes diverses ; chaque projet et chaque exploitation
doivent être différents, il dépend d'une multitude de
facteurs. Toute la difficulté des acteurs participants à
l'accompagnement de ces projets réside dans la capacité de
compréhension des volontés de l'entrepreneur et dans la
capacité d'adaptation et d'innovation pour sortir des modèles
préconçus et des expériences mises en place auparavant.
Il s'agit d'un enjeu fort car l'agriruralité ne concerne
pas seulement le monde agricole : elle concerne la vitalité de la
ruralité dans son ensemble.
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