I.4 : La végétation
La particularité de cette partie du pays est la
présence du fleuve Sénégal. La formation
végétale est influencée par les différentes phases
de l'évolution du fleuve. Ainsi, grâce à la crue certaines
espèces ont pu pousser sur les différents sols. Sur le lit majeur
du fleuve la végétation est peuplée par les
mimosacées, asclépiadacées et des rhamnacées.
Sur les terres limoneuses ou argileuses se trouvent le
Zizyphus mauritiania, l'accacia nilotica et accacia seyal et quelques
espèces grégaires. Sur les terres du diéri
(hollaldé), se trouve la savane arbustive claire avec des espèces
adaptées à la sécheresse (feuilles réduites,
épines) telles que les calotropis procera et les balanites aezyptiaca.
Le tapis herbacé discontinu, présent durant l'hivernage, est
composé de graminées annuelles comme cenchrus biflorus.
II : Le cadre humain
II.1. Le village de Wodobéré : des
origines à nos fours
II.1.1. L'historique du peuplement et l'avènement de
l'émigration
Fondé vers 1734 selon la tradition orale par
Déwo Alako Ndiaye, le nom du village de Wodobéré
dériverait du Pulaar « Ina wandi béré »
qui signifie littéralement il y a des nids de poissons. Ainsi,
rattachant le poisson à une catégorie spécifique de la
population,
on en déduit que les Suubalbé sont les premiers
habitants de ce village.
En effet, dès sa création le fondateur fut
confronté à des conflits qui l'opposaient aux habitants des
villages environnants. Parmi ses plus farouches détracteurs il y avait
le nommé Sawa Sadio, un habitant de Thiemping, un village qui se trouve
à quelques 3km au Nord-est de Wodobéré. A l'époque,
ce sont les terres se situant à cheval entre les deux villages et
l'exploitation des eaux poissonneuses qui constituaient le casus belli.
Dominé par son adversaire, Déwo Alako fit appel
à son neveu Yéro Dégo Sow, un guerrier
réputé par son invincibilité et son sens du combat.
Grâce à ce dernier, les deux protagonistes trouvèrent un
consensus et finirent par retrouver la paix. Ainsi, Déwo Alako et son
neveu s'installèrent sur le site appelé Godobel qui est à
quelques encablures de l'emplacement actuel du village. A l'époque le
village était peuplé essentiellement par la
caste des Suubalbé et de Sebbe, Déwo Alako son
chef.
Avec l'instabilité de l'ensemble du royaume du
Tékrour, le village commence à enregistrer petit à petit
ses premiers habitants venus du Tooro. « En dehors de la communauté
des sebbe, Damga et Nguenaar sont le domaine de colonisation (kooddi)
à
partir du Tooro, du Law, des Yirlaabe-Hebbiyaabe, du Booseya et
du Haayre : Ndulumaaji, les trois Dumga, Wuro-soogi, Seedo, Kanel, Sincu
Bamambe, Wodobere,
[...]. »12 Ces habitants apportèrent
avec eux certains attributs de leurs origines. L'existence des quartiers de
mêmes noms tels que Yénaké et de Gouloum aussi bien
à Wodobéré que dans certains villages du
département de Podor est très illustratif. Le peuplement du
village est également consécutif à l'éclatement de
l'empire du Mali et aux vagues migratoires venues du Djolof.
Ces différentes vagues seraient à l'origine du
peuplement du village par les autres
catégories socioprofessionnelles. Ainsi, au fil du
temps, la caste des Se??e devenait beaucoup plus représentative et
prenait les rênes du village au détriment des Suubal?é.
Ils
dirigeaient la vie politique et économique du village.
Ainsi, pendant une longue période la fonction du chef de village
était âprement disputée entre les familles Thioye et Sow
avant de devenir la chasse gardée de la famille Sow.
De son origine aux années soixante, les habitants du
village vivaient essentiellement des ressources tirées des quatre
activités traditionnelles à savoir l'agriculture,
l'élevage, la pêche et la cueillette. A l'époque, les plus
riches étaient ceux qui détenaient plus de terre et par
conséquent plus de ressources dérivées de l'agriculture
comme le mil. L'émigration, interne ou internationale, était
méconnue par les populations durant cette période de leur
histoire.
Le fleuve Sénégal restait le moyen de transport
dominant parce que l'essentiel des déplacements se faisait par la voie
fluviale. La pirogue resta jusqu'à une époque très
récente l'un des rares moyens de transport. Jusqu'aux années deux
mille, elle permettait la liaison entre Matam et Wodobéré,
distants de vingt cinq kilomètres. Par ailleurs, les animaux ont
également joué un rôle de premier plan dans les modes de
déplacements des populations et le plus utilisé à
l'époque fut l'âne. L'apparition des charrettes tirées par
des chevaux sonnait le début d'une révolution dans les modes de
déplacements des populations contemporaines.
Cette période se caractérisait également
par le manque criard des services sociaux de base puisqu'il n'existait ni
école de type occidental, ni structure de santé encore moins de
moyens de communications efficaces. A titre illustratif, les habitants
s'approvisionnaient en eau potable à partir du fleuve et pour
communiquer avec les villages environnants ils se déplaçaient
à d'os d'âne. La seule école qui existait à
l'époque était l'école Coranique.
12 Kane Oumar : La première
hégémonie peule : le Fuuta Tooro de Kolli Tennela à
Almaami Abdul, p204
L'avènement de l'émigration
Jusqu'aux années 1940, 1950 voire 1960, le village
n'avait pas connu de changements importants ni dans sa structuration ni dans
son mode de fonctionnement. Le seul fait marquant était la
création d'un nouveau quartier dénommé HLM. Ce quartier,
qui constituait une extension du village, n'était composé que de
quelques maisons. L'essentiel des matériaux de l'habitation était
en banco. La solidarité, l'entraide et la fraternité
étaient les maîtres mots de la vie communautaire. La
hiérarchisation de la société aidant, les rapports sociaux
étaient conviviaux et permettaient une certaine stabilité.
La deuxième guerre mondiale fut la première
cause de déplacement des populations de ladite localité. Certains
actifs étaient enrôlés dans les rangs des combattants pour
défendre les couleurs de la France. Plusieurs personnes avaient
participé à cette guerre fratricide. Ainsi, l'après guerre
constitua un tournant important dans l'évolution du village, parce qu'au
retour des combattants et d'après leurs récits de voyage, leurs
frères et enfants voulurent découvrir le monde extérieur.
Ainsi, les premières émigrations volontaires commencèrent
à partir de 1953. Depuis lors, le nombre des émigrés ne
cesse d'augmenter.
Cependant, les principales dates marquantes de l'histoire de
l'émigration de cette localité sont 1960 et 1970. La
première date constitue le point de départ de l'émigration
internationale à partir du village. C'est à partir de 1961 plus
précisément que le village a enregistré le premier migrant
vers la France. Toutefois, il existait une émigration intraafricaine de
moindre importance dès 1953. La deuxième date marquante,
c'est-à-dire 1970, coïncidait avec la période de
sécheresse qui avait frappait le monde rural. Les populations qui
étaient frappées de plein fouet par cette sécheresse
adoptèrent la mobilité comme stratégie de survie. Ainsi,
fort de cette contrainte, plusieurs jeunes se retrouvèrent d'abord dans
les régions sénégalaises les moins touchées et par
la suite dans certains pays ouestafricains.
34
Déjà, dès cette période qui
marquait les débuts de l'émigration dans le village, le complexe
des non-émigrés face aux émigrés se faisait sentir
à travers les chansons des jeunes filles. Ceux qui avaient voyagé
bénéficiaient beaucoup plus de considération par rapport
à leurs concitoyens restés au village. Parce que le choix de
voyager, d'affronter le monde extérieur était
considéré comme un acte de courage et de bravoure pour ceux qui
le pratiquaient. En plus de cela, l'émigration avait resté un
vecteur de changement et d'évolution comportementale des populations. De
là, vienne l'engouement de la population actuelle pour
l'émigration qui a très vite pris des proportions importantes
aussi bien par le nombre de candidats aux départs que par les
réalisations découlant directement des ses
retombées. Car, juste après le retour des premiers
émigrés l'on commençait à noter des changements
dans les comportements des habitants et dans la vie communautaire.
Aujourd'hui, en plus de l'école
élémentaire construite en 1962, le village de
Wodobéré dispose d'une deuxième Ecole
élémentaire ouverte en 2008, d'un Collège d'Enseignement
Moyen (CEM) inauguré en 2006, d'un Bureau de poste en 1991, d'un
château d'eau, d'une maternité et d'un Poste de santé
opérationnel depuis 2006.
Grâce aux émigrés, nonobstant l'absence de
l'action de l'Etat, dans ce petit village de 3873 habitants, les habitants ont
accès à l'éducation, à l'internet, à
l'électricité, à l'eau potable, aux outils de
télécommunication pour ne citer que cela. A travers leurs
différentes associations et par le biais des transferts de fonds, les
émigrés ont permis la réalisation des ouvrages dans le
domaine de l'éducation et de la santé par exemple. Le
développement de cette partie fera l'objet d'un chapitre dans ce
mémoire.
II.1.2. La structuration du village
Le village se composait à l'origine de deux quartiers,
Yénaké et Gouloum. Aujourd'hui, avec l'accroissement de la
population, de nouveaux quartiers ont vu le jour. Il s'agit du quartier des HLM
créé vers 1970, du quartier Bassoudji qui a vu le jour lors des
évènements Sénégalo-mauritaniens de 1989 et celui
de Dow Koddé récemment créé. Si dans les quartiers
Yénaké, Gouloum et HLM on trouve toutes les couches sociales,
ceux de Dow Koddé et Bassoudji sont habités respectivement par
des familles qui ont en leurs seins des émigrés et des
refugiés de 1989. Le quartier Dow Koddé se reconnait par la forte
présence des bâtiments en dur alors que Bassoudji est
essentiellement en banco ou en paille. Néanmoins, dans tous les
quartiers il existe des émigrés et on note une hausse
substantielle du niveau de vie.
En effet, il est unanime que l'action des
émigrés n'est au détriment d'aucun quartier car la plupart
des réalisations est d'ordre social et religieux, donc
bénéfique à l'ensemble de la communauté
villageoise. << La gestion collective des transferts migratoires a un
impact beaucoup plus direct et déterminant sur l'économie locale
et régionale que les actions entreprises individuellement ou au niveau
des ménages»13. Les émigrés investissent
souvent dans des secteurs à intérêt collectif.
13 Lanly Guillaume : << Les associations
d'immigrés et le développement du lieu d'origine : l'exemple de
deux communautés rurales de l'Etat de Oaxaca », p2
II.2 : Les aspects démographiques
actuels
La population totale de la communauté rurale
d'Ouro-Sidy s'élève à 301165 habitants répartis
dans 43 villages administratifs. Wodobéré, avec 3873 âmes,
est le village le plus peuplé, loin devant le chef-lieu de
communauté rurale, 1658 habitants. Le village de Wodobéré
est aujourd'hui le plus peuplé de cette communauté rurale. Il se
caractérise en effet, à l'instar de la population
sénégalaise, par la jeunesse de sa population et la forte
présence des femmes.
II.2.1. La répartition de la population selon le sexe
Avec un taux d'accroissement naturel de 3,7%14 par
an, le village de Wodobéré est marqué par une forte
présence des femmes. Il n'existe que 68 hommes pour 100 femmes (Tableau
n°2). Cette prédominance des femmes est le résultat de
plusieurs facteurs. Il s'agit de facteurs naturels tels que la
mortalité, plus élevée chez les hommes que chez les
femmes, mais aussi des facteurs anthropiques comme l'émigration
sélective.
En effet, les hommes sont très tôt
confrontés à la précarité et aux dures conditions
de vie. Outre les pénibles travaux, ils sont exposés à la
drogue, à la cigarette et autres pratiques qui sont à l'origine
des maladies telles que le Sida ou le cancer. Cette exposition aux maladies
dues à la mobilité des hommes combinées aux efforts
incommensurables qu'ils fournissent pour assouvir les besoins de leurs familles
est la cause d'une mortalité masculine plus élevée. La
prédominance des femmes sur les hommes est aussi une conséquence
de l'émigration sélective puisque dans cette partie du
Sénégal, avec une société inégalitaire et
très hiérarchisée, l'homme est le maître et le
garant de sa famille. Il est non seulement le protecteur physique et moral de
la famille mais aussi il doit assurer sa survie au quotidien.
Ainsi, durant ces dernières décennies, avec une
pluviométrie déficitaire et des sècheresses
épisodiques, les productions agricoles sont devenues très
médiocres et ne parviennent plus à couvrir les besoins des
paysans. Pour diversifier leurs ressources et assurer la survie de leur
famille, les hommes ont adopté l'émigration comme
stratégie. Cette dernière ponctionne plusieurs villages de leurs
hommes. Ce qui se traduit sur le plan démographique par une absence des
hommes et particulièrement de la population active.
36
14 D'après les sources de l'Agence Nationale de
la Démographie et des Statistiques.
Tableau 2 : Répartition de la
population résidente de Wodobéré selon l'âge et le
sexe
Sexe Ages
|
Féminin
|
Masculin
|
Total
|
RM
|
Eff.
|
%
|
Eff.
|
%
|
Eff.
|
%
|
|
00-19
|
166
|
35,32
|
177
|
55,14
|
343
|
43,37
|
106
|
20-64
|
261
|
55,53
|
114
|
35,51
|
375
|
47,4
|
55
|
65 +
|
43
|
9,15
|
30
|
9,35
|
73
|
9,23
|
69
|
Total
|
470
|
100
|
321
|
100
|
791
|
100
|
68
|
Source : Enquêtes de terrain, 2008
II.2.2: La répartition de la population selon
l'âge
L'analyse de la situation actuelle de la structure par
âge révèle qu'à l'image de la population
sénégalaise, la population de Wodobéré est
caractérisée par la prédominance des jeunes et des femmes.
Si dans le tableau ci-dessus la classe d'âge des actifs est plus
importante, cela est dû uniquement à la
prépondérance des femmes de 20 à 64 ans. Elles
représentent 55,53% contre seulement 35,51% d'actifs. Les jeunes de
moins de vingt ans engrangent à eux seuls 43,37% de la population
résidente. Les vieux de plus de soixante cinq ans représentent
9,23% (Tableau 2).
La forte présence des jeunes, due à la forte
natalité résultante du chômage et de l'oisiveté des
hommes, va multiplier les problèmes d'accès à
l'éducation et à la santé. Même si des mesures
d'accompagnement telles que la multiplication des écoles et des
collèges sont amorcées ça et là, il n'en demeure
pas moins qu'il se pose avec acuité l'épineuse question de
l'accès à l'emploi.
En effet, partant de l'idée qu'au delà de 7% de
vieux la population est vieillissante, nous pouvons affirmer que la structure
par âge de la population de Wodobéré est marquée par
la prépondérance des personnes âgées. D'ici 20 ans
il n'y aura que 4 actifs pour chaque personne âgée de 60 ans et
plus si des politiques démographiques et d'appropriation du milieu par
les jeunes ne sont pas instaurées dans cette localité. Ce
vieillissement de la population n'est pas sans conséquences. Il se
traduit par des surplus du coût de la santé et par le
délaissement des activités agricoles.
Enfin, le faible taux des hommes actifs de la classe
d'âge 20-64 est dû à l'émigration. Cette
dernière concerne essentiellement les hommes âgés de vingt
ans et plus. Très tôt, les jeunes actifs se tournent vers la
recherche du numéraire au détriment de l'agriculture devenue pour
eux une activité vétuste et non rentable.
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