REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE
UNIVERSITE DE KISANGANI
CENTRE UNIVERSITAIRE EXTENSION DE
GOMA UNIKIS\CUEG B.P.204Goma
FACULTE DE DROIT
LA REPARATION DU PREJUDICE MORAL
EN DROIT CONGOLAIS
Par KIRIZA MASHALI ARSENE Gradué en
Droit
Mémoire présenté et défendu en
vue de l obtention du grade de Licencié en Droit
Option : Droit Public
Interne et International
Directeur : Professeur
MICHEL DIKETE Encadreur : Assistant ERICK BIRINDWA
NYAMAZI
Année académique 2004-2005.
DEDICACE
« A notre regretté confrère, Maître
ACHILE MISINGI MUMA, vous qui nous avez donné le goût et la
passion du métier de juriste, vous pour qui ce sujet était
cher,
Reposez en paix ».
A tous mes parents, frères et soeurs, trouvez dans
cette uvre, l expression de ma sincère reconnaissance.
A notre fils KAMIL BRIAN KIRIZA, et mon neveux JOSPIN
MASHALI
KIRIZA MASHALI ARSENE
INTRODUCTION GENERALE
0.1 Généralités
Avant de vous livrer nos réflexions sur la
réparation du préjudice moral en droit congolais, il nous
paraît utile, sinon nécessaire , d indiquer que notre travail s
inscrit dans le cadre général de la responsabilité
civile.
Suivant la théorie traditionnelle, le fondement de la
responsabilité est la faute, c est- à- dire la faute commise par
un être doué de raison et de discernement . Ce principe se trouve
textuellement consacré par les articles 258 et suivants du CCL III dont
il résulte que seul est responsable du dommage , celui par la faute
duquel il est arrivé.1
Cette réglementation ancienne a été
empruntée par notre code au code napoléon de 1804
2pour ne pas citer les codes civils belge et français.
Cependant , s il est vrai que cette réglementation date
de longtemps , il faut aussi souligner qu elle n a guère subi des
modifications alors que la mouvance des faits crée continuellement des
situations nouvelles . C est le cas par exemple du progrès technique et
industriel qui, par le fait du machinisme accroît le nombre de victimes
dues aux fautes directes ou indirectes.3 Et les articles
précités insistent sur le fait que le dommage doit être
réparé intégralement sans distinguer si l auteur a commis
une faute légère ou lourde. Cette position légale
crée une ouverture tendant à stimuler tout individu, c
est-à-dire non seulement la victime du
1 Tout fait quelconque de l homme qui cause un
préjudice à autrui oblige celui par la faute duquel il est
arrivé de le réparer (art 258CCL III)
2 1804, année de la promulgation du code
Napoléon qui a posé le principe de la responsabilité
civile, et aussi géniteur du code civil congolais : des obligations.
3 NIMPAGARITSE : Progrès Technique et
Responsabilité civile, Cours L1 Droit/ ULPGL, U.O.B,
1997,inédit.
comportement incriminé mais également toute
autre personne, quel que soit le niveau de préjudice subi et le niveau
de lien social avec la victime, à réclamer la réparation
des dommages subis.
Cette observation nous amène à dire que si les
articles 258 et suivants déterminent limitativement le responsable et le
civilement responsable incriminé, il reste à savoir
également tranché quant à la limite des
bénéficiaires de l action en responsabilité .
0.2. Problématique et
hypothèses.
Partant du principe tiré de l article 258 du CCL.III et
suivants , nous remarquons que si l hypothèse normale est la
réparation de tout préjudice souffert , il n en demeure pas moins
la difficulté de connaître les bénéficiaires de la
réparation..4
La doctrine enseigne que la responsabilité d un
comportement est fondée sur la faute , le dommage et la relation de
cause à effet entre la faute et le dommage. 5 Ainsi la
victime du dommage a donc droit à l exercice de l action en
réparation. A ce niveau , il n y a pas de problème dès
lors qu on dédommage la victime directe de l acte fautif.
La question devient délicate à partir du moment
où le préjudice atteint indirectement plusieurs sujets à
la fois. C est le cas d un accident mortel portant préjudice à
plusieurs individus du fait du décès d un des leurs. Dès
lors , comment limiter les actions en réparation de préjudice
subi ? Le préjudice moral est il appréciable en argent , faut il
limiter la liste de bénéficiaires ; si oui, comment la fixer ? Et
quels sont les critères limitatifs ? Les juges saisis , sont ils
à même de répondre objectivement à des telles
demandes ? Telles sont les quelques questions auxquelles nous tenterons de
répondre.
S agissant de la possibilité de la réparation du
préjudice moral, nous nous inscrivons, dans le courant qui voudrait que
le préjudice
4 MAZEAUD et TUNC, Traité pratique et
théorique de la responsabilité civile : délictuelle
et Contractuelle : Préface XI, PUF, Paris 1982 p.14
moral soit réparable quoique non évaluable en
argent ; les modes de réparation de tout préjudice
prévoient la réparation en nature, par l équivalent et la
réparation symbolique.6
Cependant, ne seront admis à bénéficier d
une action en réparation que les demandeurs justifiant d un
intérêt et qui jouissent de la qualité pour ce faire. La
doctrine et la jurisprudence nous donnent les critères de limitation des
demandeurs en réparation basés tantôt sur le lien de
parenté ou d alliance, tantôt sur la violation d un
intérêt juridiquement protégé ; critères qui
se sont avérés insuffisants.
De ce qui précède, certes, le juge, disons-le n
est pas à
l aise pour répondre à des nombreuses demandes
en réparation de préjudice moral parce que d abord il s appuie
sur un lien de parenté ou d alliance, tantôt sur la violence d un
intérêt juridiquement protégé ; critères qui
se sont avérés insuffisants . Ensuite, il s appuie sur un article
(art 258 et suivants du code civil livre troisième) qui ouvre la voie
à un nombre presque illimité de demandeurs, enfin, mettant en
uvre le principe de l intime conviction qui veut que le juge rende son jugement
selon (ce qu il estime bon et juste) que sa religion est éclairée
par le droit et le bon sens.
Le principe de l intime conviction, donne au juge des pouvoirs
énormes qu il faut limiter pour ne pas le voir accorder ou
reconnaître des droits à ceux qui n en ont pas et refuser d en
reconnaître à ceux-là qui en ont prouvé ou
justifié l existence.
0.3. Choix et Intérêt du
sujet.
Plus d une personne peut se demander les causes pour
lesquelles ce sujet a fait l objet de notre travail pendant qu au vu de tout le
monde, il ne paraît pas nouveau.
5 KALONGO MBIKAYI, Responsabilité civile et
socialisation des Risques en droit zaïrois, 2e éd.,
KIN, PUZ, 1979, p.45
6 KALOMBO MBIKAYI, Cours de droit civil : des
obligations, UNIKIN et ULPGL, 1995, non polycopié, inédit.
Il sied en ce qui nous concerne d indiquer que nous avons
été frappé par le caractère pluridimensionnel et
rationnel de l institution Responsabilité et son corollaire
Réparation .
Bien plus , le fait qu au regard des articles en étude,
qui devraient justifier toute réparation avec toutes ses formes se sont
limités dans des considérations générales et
laconiques. Pourtant , il faut le souligner, la responsabilité
contractuelle ou délictuelle constitue un élément
très important , quant à la sauvegarde des intérêts
individuels.
C est pour cette raison que le sujet n a pas été
un fait du hasard mais bien au contraire, il a été dicté
par certains mobiles tels que dénoncés et liés à la
réparation des préjudices moraux , c est- à- dire non
évaluables en argent .
0.4. Méthodes d approche.
Pour mieux cerner les aspects de notre travail , nous avons
choisi deux méthodes de travail : La méthode normative qui nous
permet de réfléchir à partir de textes de loi pour
comprendre ses contours, sa dimension et ses aspects pratiques ; ainsi que la
méthode sociologique nous permettant d accueillir des
considérations de différentes personnes qui
bénéficient ou subissent les effets de lois.
Dans la langue imagée , dont il avait le secret ,
Montaigne comparaît son uvre au filet qui sert à lier les fleurs
que les autres ont coupées . Et Paul Valéry ne rappelait il pas
que nous pensons tous sur les pensées des autres 7. Ces
quelques idées résument brièvement la méthode que
nous avons utilisée pour rassembler les données qui constitueront
le corps de ce travail ; cela parce que il est impossible de partir du
néant. Rien ne peut provenir de rien.
7 SOHIER.A, Répertoire général
de la jurisprudence et de la doctrine coutumière du Congo
et du Rwanda-Urundi jusqu au 31/12/1951, Bruxelles, Maison
Larcier, 1957, p.30
C est pourquoi nous avons essayé de
réfléchir à partir de textes de lois, d écrits des
auteurs et de décisions judiciaires ainsi que des comportements des
personnes auteurs ou responsables de dommages et ceux des
bénéficiaires en réparation desdits dommages surtout
moraux.
Le sujet étant extrêmement vaste et complexe ,
nous n avons nullement la prétention de l avoir traité d une
façon exhaustive . La raison est simple : nous n avons pas pu mettre la
main sur une documentation appropriée à la présente
étude ; mais aussi le thème traité par ce travail reste
soumis à l évolution scientifique du monde moderne.
Déjà en 1924 le dommage moral était connu par les
écrits congolais.8
Même prétendre trouver une solution
définitive , serait méconnaître à tout esprit
créateur son droit de réflexion sur ce sujet d
intérêt scientifique. Ce qui n est pas notre intention . Cette
étude a pris l allure d une étude plus théorique que
pratique, mettant l accent sur ce que devrait être le
bénéficiaire de réparation du préjudice moral pour
palier au caractère général dans lequel tend à nous
amener les articles précités et éviter également
que le juge saisi du litige en réparation n ait pas de pouvoirs
énormes tirés de son intime conviction quant à la
souveraineté de sa décision.
0.5 Délimitation du sujet.
Après avoir souligné la méthode
utilisée et tracé ses contours , il convient de donner maintenant
le squelette que nous nous efforcerons d habiller tout au long de notre
démarche. Nous nous proposons d articuler notre travail autour de deux
titres contenant chacun deux Chapitres, inégalement importants et se
termine par une conclusion générale faite de
considérations générales.
Dans le premier titre , nous nous efforcerons de
décortiquer les notions et catégories de dommages moraux, tandis
que dans le deuxième titre, nous traiterons des principes et leurs
controverses relatives à la réparation du dommage moral.
8 1924 ; date de la création de la Revue
juridique du Congo-Belge, ancêtre de la revue juridique du Zaïre.
Notre uvre a un but scientifique, de cela, qu il ne nous soit
pas permis de prétendre épuiser la matière dans tous ses
aspects théoriques et pratiques . Ainsi, nous sollicitons l indulgence
de nos lecteurs chaque fois qu ils auraient à constater certaines
insuffisances .
TITRE I : NOTION ET CATEGORIES DE DOMMAGE MORAL.
CHAPITRE I : NOTION DE DOMMAGE MORAL
Il convient dès le départ de circonscrire la
notion même du dommage moral, d en préciser les contours. Ainsi
notre premier chapitre sera divisé en trois sections qui auront pour
objet la définition du dommage moral, les caractères du
préjudice moral et de la responsabilité civile.
SECTION I : DEFINITION DU DOMMAGE MORAL.
Plusieurs auteurs ont défini le dommage moral ; mais nous
nous contenterons dans le cadre de cette étude de n en retenir que
trois.
Pour définir le dommage moral, H. Lalou part d une
notion fondamentale, la notion de droit et oppose le dommage moral au dommage
matériel en basant cette opposition sur la grande division des droits :
les droits patrimoniaux et les droits extra-patrimoniaux. « Un dommage,
écrit il, est une atteinte à un droit, or il existe deux
variétés de droits »9.
1° Les droits patrimoniaux, lesquels aboutissent à
procurer à leurs titulaires des satisfactions pécuniaires ou tout
au moins appréciables en argent, comme les droits réels, les
droits personnels, les droits intellectuels, les bénéfices
résultant de l'exercice d'une profession.
2° Les droits extra-patrimoniaux comme les droits
politiques, les droits inhérents à la personnalité (droit
à la vie, à la liberté de conscience ou de parole) et les
droits de famille résultant de la qualité d époux, de
parents,
d alliés. La distinction du dommage moral et du dommage
matériel correspond à cette grande division des
droits.10
9 LALOU H. ; Traité pratique de la
responsabilité civile, Paris, librairie Dalloz, ,1955, P. 105
10 LALOU H. ; Traité
élémentaire du droit civil belge, Bruxelles, Etablissements
Bruylant,1964,p 953 Etablissements Bruylant, 1964, p. 953.
C est sans doute cette idée maîtresse qui a
poussé Mazeaud et Tunc à définir cette notion d une
manière lapidaire en disant que : le dommage matériel, c est le
préjudice patrimonial, le préjudice moral, c est le
préjudice extra-patrimonial, non économique ».11
Nous disons quant à nous que le préjudice moral est une
souffrance subie par une personne par le fait d un tiers.
La notion que notre travail se propose d étudier est
une notion abstraite, insaisissable au premier abord. Peut être faudra t
il la concrétiser en relevant à travers la jurisprudence des cas
concrets. Ce sera l objet de notre second chapitre. Mais avant d en arriver
là, voyons dans une deuxième et troisième section les
caractères du dommage moral réparable et le rôle du dommage
dans la responsabilité civile.
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