PARAGRAPHE II : LES ETUDES EMPIRIQUES DE DETERMINATION
DU TAUX DE CHANGE
REEL D'EQUILIBRE
Au regard des différents modèles
théoriques, nous distinguons dans la littérature empirique une
batterie de variables macroéconomiques qui caractérisent
l'évolution des fondamentaux du TCRE.
Les travaux de Williamson (1985) ont été les
pionniers dans ce domaine. Ils définissent le FEER comme le TCRE qui
permet à la balance courante d'atteindre une cible donnée lorsque
l'équilibre interne est réalisé.
10 Pour une analyse comparative de ces trois
modèles, voir par exemple MacDonald(2000) et Isard Peter (2007).
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Soto et Elbadawi (2008) ont dans une étude
adoptée les modèles FEER et BEER très proches. Ils
montrent à travers des techniques économétriques, qu'aucun
rôle n'est dévolu ni aux fondamentaux ni à la dynamique
d'ajustement du TCR dans ces modèles.
Cependant, beaucoup de travaux récents reprenant cette
approche, utilisent des équations de commerce extérieur. En
inversant ces équations de commerce extérieur, on obtient une
relation entre le TCR et la balance courante. Pour calculer un TCRE, cette
approche exige de disposer des élasticités estimées du
commerce extérieur. Ce modèle a été retenu par
Borowski et Couharde(1998) dans leur étude pour la France. Toutefois,
les résultats auxquels ils ont abouti ne sont pas concluants. D'autres
approches calculent le TCRE par équations réduites. Elles
s'appuient sur les relations de long terme qui existent entre le TCR et des
variables économiques fondamentales agissant sur les équilibres
internes et externes. La cointégration permet de mettre en
évidence ces relations de long terme [Aglietta, Baulant & Coudert,
(1998)]. Toutes ces études ont été menées sur les
séries chronologiques.
Dans les travaux les plus récents, une attention
particulière a été apportée sur les études
en panel. A cet effet, Dufrenot et Yehoue (2005) ont recouru aux techniques de
cointegration en panel pour estimer les déterminants du TCR. Cette
étude a révélé que l'ouverture d'une
économie déprécie le TCR de son équilibre pendant
que le progrès technique l'apprécie. Quant à la politique
monétaire, elle fait apprécier le TCR. Milesi -Ferretti et Lee
(2008), avec les mêmes techniques11, ont abouti aux
résultats suivants : le TCR s'apprécie à
l'équilibre lorsque la consommation gouvernementale s'accroit ; quand
les termes de l'échange s'améliorent et quand le pays accumule
des actifs nets étrangers. De même la libéralisation du
commerce fait déprécier le TCR d'équilibre et l'effet
Balassa est significativement faible dans cette étude. Pour les
objectifs de cette étude, nous présentons deux modèles
empiriques de détermination du TCR d'équilibre ; basés sur
des systèmes d'équations générant le niveau
d'équilibre du TCR.
11 Les auteurs ont utilisé la méthode
des moindres carrées ordinaires dynamiques avec effets fixes individuels
dans cette étude.
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A - Cadre empirique d'analyse du modèle
d'Edwards(1994)
Les modèles théoriques qui se sont
développés visent à relier le TCRE à un ensemble de
variables appelées « fondamentaux ». Ce modèle
théorique met en exergue l'équilibre du TCR et est
dérivé du modèle simplifié d'Edwards (1994) repris
par G. Nébié (2008). Le modèle prend en compte la plupart
des faits stylisés d'une petite économie ouverte en
développement. Il admet que seules les variables réelles jouent
un rôle dans la détermination du TCR d'équilibre de long
terme, mais que des facteurs aussi bien réels que nominaux influencent
le niveau du TC observé à court terme. Le modèle fait
l'hypothèse d'une petite économie ouverte, qui produit et
consomme des biens échangeables et non échangeables. Les
importables et les exportables sont agrégés en un bien unique
échangeable. Le secteur public consomme des biens échangeables et
non échangeables et finance ses dépenses par des taxes et le
crédit intérieur. Le pays détient aussi des actifs
monétaires nationaux et étrangers. Le TCN est fixe et il est
également admis qu'il y a des taxes à l'importation. Le prix des
biens échangeables en termes de monnaie étrangère est
supposé fixe et égal à l'unité (Pe = 1). Le
modèle est représenté par le système
d'équations ci-après.
R = CC + CK (5)
M = CI+RC (6)
L'équation N°5 définit la variation du
stock d'avoi rs extérieurs. Et l'équation N°6 montre que les
variations de la masse monétaire (M) sont déterminées par
les variations du crédit intérieur (CI) et des réserves de
change (RC). L'équilibre de long terme est atteint quand le
marché des biens non échangeables et le secteur extérieur
sont simultanément en équilibre. Ce qui implique que le compte
courant (CC) est égal au compte de capital (CK). Cependant à
court terme, il peut y avoir des écarts entre ces deux comptes. Ce qui
entraine une accumulation ou une diminution de réserves de change(RC).
Ainsi l'état stationnaire de long terme est atteint sous quatre
conditions :
· il y a un équilibre interne, c'est-à-dire
un équilibre dans le secteur non échangeable ;
· il y a un équilibre externe, avec R = 0 = CC = CK
= m (avec m = monnaie nationale ; R est le stock d'avoir extérieur) ;
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· le budget de l'état est en équilibre, avec
G = t et CI = 0 (avec G la dépense de l'Etat et t le taux d'imposition)
;
· il y a un équilibre du portefeuille.
Sous ces conditions, le TCR (coté à l'incertain)
est dénommé taux de change réel d'équilibre de long
terme, TCRE, c'est à dire :
TCRE =e* =E* Pe
Pn (7)
Avec, Pe , le prix étranger et Pn, le prix
intérieur.
Le marché des non échangeables est en
équilibre quand :
Cn ( e, a ) + gn
=Sn(e) (8)
La consommation réelle du gouvernement en biens non
échangeables en termes de biens échangeables a été
définie comme gn. Aussi, Pn peut-être exprimé comme une
fonction des actifs réels notés a ; de gn ,Pt et Rc (restrictions
au commerce). Avec Sn(e) qui désigne l'épargne nationale fonction
du TC.
Pn = n( a , g n ,
P t , rc ) (9)
Avec ?n/?a >0; ?n/?gn >0; ?n/?Pt >0; ?n/?rc >0.
L'équilibre dans le secteur extérieur exige que
la monnaie nationale (m) définie en termes de TCN soit égale
à zéro [m = 0]. L'équation suivante de m peut-être
déduite des équations précédentes :
t
m = S t e - ç e ,
a + CK + g n -
( ) ( )
E
(10) Quand les dépenses publiques sont
entièrement financées par des taxes, R = 0 et va coïncider
avec m = 0. Des équations N°5 et 6, il es t possible de trouver une
relation d'équilibre entre e, a, gn et Rc.
TCRE = e* =X(a , g
n , Pt, rc) (11)
Avec ?x/?a <0 ; ?x/?gn <0 ; ?x/?Pt >0 ; ?x/?rc
<0.
Une augmentation des actifs réels (a) accroit le prix
des biens non échangeables et entraine une appréciation du TCR
afin de maintenir l'équilibre de long terme. Une augmentation des
dépenses publiques en biens non échangeables (gn) a le même
effet sur le TCRE. Une augmentation des prix des biens échangeables (Pe)
généralement entraîne une dépréciation du
TCR, dans la mesure où les prix des biens non échangeables et le
TC restent constants. L'effet global d'une taxe à
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l'importation dépend des dépenses initiales en
biens non échangeables et en biens importations. Un accroissement des
tarifs sur les biens d'importations aggrave le solde du compte courant en
augmentant la facture des importations, abaisse la demande de biens
échangeables, accroit la demande et les prix des biens non
échangeables puis tend à entrainer une appréciation du TCR
de long terme. Mais une augmentation des tarifs sans aucun effet de
substitution, va accroître le prix des biens échangeables (Pe)
seulement et dépréciera le TCR. Il est donc possible d'observer
simultanément, une dépréciation réelle et une
aggravation du solde du compte courant.
L'équation NI1 stipule que le TCRE de long terme e st
fonction de variables réelles seulement. La valeur des actifs
réels, la consommation publique, les prix des échangeables et les
restrictions au commerce dans cette équation sont influencés par
les variations d'autres variables réelles comme les chocs des termes de
l'échange (TE), les changements dans les dépenses publiques, le
progrès technique, les évolutions dans les restrictions aux
mouvements de capitaux et au commerce. Des changements dans ces variables
réelles peuvent faire dévier le TCR de son niveau
d'équilibre. Cependant, les modifications des variables nominales, comme
le crédit intérieur et le TCN, affectent aussi l'évolution
du TCR, mais à court terme.
Dans cette approche, les fondamentaux de l'économie
affectant le TCR sont souvent classés en fondamentaux externes et
internes. Les fondamentaux internes peuvent se subdiviser entre les
fondamentaux de politique économique et ceux qui ne sont pas liés
à la politique économique. Les fondamentaux externes les plus
importants, qui affectent le TCR à long terme, comprennent les termes de
l'échange, les transferts internationaux (aide extérieure et taux
d'intérêt réels mondiaux). En ce qui concerne les
fondamentaux internes de politique économique, on peut citer les
restrictions aux importations, les taxes à l'exportation, le
développement financier, les subventions, le contrôle de change et
des capitaux, les dépenses publiques. Le progrès technique et
l'amélioration de la productivité sont les deux plus importants
fondamentaux qui ne sont pas liés à la politique
économique.
Les variables définissant le TCR d'équilibre
d'après l'équation NI1, ne sont pas à nos yeux
susceptibles de caractériser la dynamique de ce taux dans l'espace
UEMOA. Ceci pour plusieurs raisons. Du fait de la mise en place d'un Tarif
Extérieur Commun (TEC) dans cet espace, la variable restriction
commerciale n'est plus une évidence. En ce qui concerne les actifs
financiers réels (somme de la monnaie
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nationale et de la devise), au regard de la politique
monétaire menée par la BCEAO, basée sur la
stabilité des prix et parfois une politique de stérilisation des
réserves de change, cette variable ne saurait être un bon
indicateur pour l'objectif de cette étude. De ce fait, nous nous
tournons vers d'autres modèles plus pertinents.
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