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L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état

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par Olivier PEIFFERT
Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009
  

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2 ) La nécessaire préservation des objectifs de la politique des aides d'Etat

Le droit des aides d'Etat, à l'instar de toute branche du droit communautaire de la concurrence, est intrinsèquement lié à la doctrine du libéralisme économique ; si l'action de la Communauté vise à établir « un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans la marché intérieur » selon la formule de l'art 3 CE paragraphe 1 (g), cet objectif doit être lu en relation avec les dispositions de l'art 4 CE paragraphe 1 en vertu desquelles la politique économique est fondée sur le « principe d'une économie de marché où la concurrence est libre ». En effet, la libre concurrence est le fondement de l'économie de marché239(*). Elle renvoie à deux conceptions : celle du libéralisme de stratégie et celle du libéralisme de conviction.

Le libéralisme de conviction a reçu une consécration officielle à l'occasion du Traité de Maastricht qui a introduit la formule précitée de l'art 4 CE. Cette conception du modèle économique adopté par la Communauté traduit la croyance profonde en ce que l'économie de marché est « la forme idéale d'organisation de la société »240(*). Or l'économie de marché est indissociable de la libre concurrence. Ainsi, « il est vrai que si la concurrence fonctionne bien, le coût de production baisse, donc le prix baisse, les quantités vendues augmentent, les produits proposés sont plus variés et de meilleure qualité241(*) ». La montée en puissance de cette doctrine peut être rattachée à l'influence qu'exerce l'Ecole de Chicago outre-Atlantique, même si les droits américains et européens de la concurrence divergent quant aux finalités poursuivies : le droit communautaire penche en faveur d'une « concurrence-moyen » et non d'une « concurrence-fin »242(*). Une récente contribution de Neelie Kroes, actuelle Commissaire européenne chargée de la concurrence, à la revue Concurrences illustre particulièrement bien cette conviction243(*). Après avoir rappelé que l'organisation libérale des marchés constitue le modèle économique le plus efficace, l'auteur en expose les enjeux : « les marchés compétitifs créent les conditions propices à l'innovation et à la prospérité des entreprises et enrichissent ainsi l'Europe. Plus de richesse signifie plus de moyens à la disposition des gouvernements pour préserver les fondements de nos sociétés et garantir la justice sociale ». Les impératifs socio-économiques sous-jacents au libéralisme sont donc fondamentaux.

Au delà de ce libéralisme de conviction, le libéralisme de stratégie renvoie quant à lui aux fondements même de l'intégration européenne ; il correspond à la conception originelle de la politique de la concurrence. En ce sens, la libre concurrence est perçue comme un moyen de réaliser le marché unique : le point (g) de l'art 3 CE précité fait référence à cet objectif. L'économie de marché est donc au service de la méthode communautaire en tant que « complément nécessaire à la réalisation du marché intérieur »244(*). En effet, les entreprises comme les Etats membres, lorsqu'ils adoptent des comportements contraires au principe de la libre concurrence, peuvent favoriser la création de barrières aux échanges intracommunautaires que les règles afférentes aux libertés de circulation s'efforcent de faire disparaître. Ainsi considéré, le droit de la concurrence constitue un des « deux piliers du Marché intérieur », un « principe structurel de l'ordre juridique communautaire », visant à garantir « l'unité du marché et l'intégration économique »245(*). L'existence même du droit des aides d'Etat peut s'expliquer par cet objectif, qui constitue un particularisme du droit communautaire. Ainsi, certains auteurs ont pu relever que d'autres modèles de droit de la concurrence, notamment le droit américain, ne se sont pas dotés d'un régime d'interdiction des aides d'Etat246(*). C'est certainement car la poursuite de l'objectif d'intégration des marchés, conçu comme un moteur de l'intégration politique, est un élément de l'identité du droit communautaire de la concurrence247(*). Le droit des aides d'Etat fait donc partie des éléments fondamentaux de la méthode fonctionnelle basée sur la « voie légaliste et mercantile »248(*). De plus, en tant que droit communautaire de la concurrence, il constitue une branche du « droit-« modèle politique » » dont se saisissent les entreprises multinationales et les groupes d'intérêt transnationaux, véritable ressort de la dynamique du spillover. 249(*)

Le principe d'interdiction des aides d'Etat est lui aussi avant tout justifié par la doctrine libérale : « dans le cadre d'un économie de marché où la concurrence est libre, les entreprises doivent aborder le marché sur la base de leurs forces propres et la concurrence entre elles ne peut être faussée par l'octroi, par les Etats, d'aides à certaines entreprises ou productions »250(*). Lorsque l'on connaît les enjeux du bon fonctionnement de l'économie de marché pour l'UE, on comprend alors qu'une aide indue porte atteinte non seulement au potentiel de croissance du marché unique251(*), mais également à la dynamique de l'intégration européenne. Rapporté au principe d'intégration de l'environnement, ce second aspect permet d'envisager le débat suivant une autre interaction conflictuelle : « intégration » européenne versus « intégration » de l'environnement. En tout état de cause, et indépendamment de ces enjeux politiques et économiques, le maintien du libre jeu de la concurrence constitue avant tout une obligation juridique : les institutions communautaires, liées par les art 2 CE et 3 CE, doivent veiller au bon fonctionnement de l'économie de marché. Elles ne peuvent accepter par principe une dérogation à ces règles uniquement parce qu'elle serait fondée sur la protection de l'environnement.

Confrontée à ces problématiques, le principe d'intégration conduit alors à la conciliation des objectifs contradictoires et soulève la question de son effectivité : « Confrontée aux politiques « résistantes », l'intégration des exigences environnementales ne parvient pas à véritablement réorienter les objectifs poursuivis par ces dernières. » « L'importance des divergences idéologiques, les discordances spatio-temporelles et socio-économiques se conjuguent à l'apathie politique des autorités face aux implications sociologiques et financières engendrées par une mise en cohérence environnementale des politiques communautaires. » « Le processus de mise en cohérence semble placé sous le sceau complexe de la conciliation des objectifs. »252(*)

* 239 A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 5 ; L. DUBOUIS et C. BLUMANN, Droit matériel de l'Union européenne, préc., n° 828

* 240 A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 5

* 241 C. CRAMPES, Economie, environnement et concurrence, préc., , p. 18

* 242 A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 6 ; les auteurs parlent ici de « conception pragmatique » et de « conception fondamentaliste » du principe de libre concurrence ; L. DUBOUIS et C. BLUMANN, Droit matériel de l'Union européenne, préc., n° 828

* 243 N. KROES, La libre concurrence n'est pas une fin en soi..., Concurrences 2006 n° 3, Editorial

* 244 M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET préc., n° 1

* 245 N. RUBIO, Commerce, concurrence et protection de l'environnement en droit communautaire, préc., p. 147

* 246 v. not. S. MARTIN et C. STRASSE, La politique des aides d'Etats est-elle une politique de concurrence ?, Concurrences 2005 n° 3, p. 52 à 59, n° 52

* 247 D. J. GERBER, Les doctrines européennes et américaines du droit de la concurrence, in G. CANIVET (sous la direction de), La modernisation du droit de la concurrence, 2006, Coll. Droit et économie, LGDJ, p. 120

* 248 v. not. J. LACROIX et P. MAGNETTE, Théorie politique, préc., p. 11

* 249 pour une analyse critique de la place du droit et des juristes dans la construction européenne, v. A. VAUCHEZ, Droit et politique, in C. BELOT, P. MAGNETTE et S. SAURUGGER (sous la direction de), Sciences politiques de l'Union européenne, 2008, coll. Etudes politiques, Economica, p. 53, v. p. 58 et p. 54

* 250 M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 2

* 251 v. not. A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 630 et 631

* 252 N. HERVE-FOURNEREAU, Le « principe » d'intégration des exigences de la protection de l'environnement : essai de clarification juridique, préc., p. 672 et s.

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