L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
C ) Les règles d'articulation des instruments et les procédures de contrôleLes procédures de contrôle des aides à l'environnement dépendant de l'instrument qui leur est applicable, il convient d'exposer en premier lieu les règles régissant leur articulation. Rappelons ici les principes gouvernant l'applicabilité des instruments : le RGEC a pour objet de dispenser la Commission de l'examen de mesures dont la compatibilité avec le marché unique ne fait aucun doute. Il constitue un régime dérogatoire, aux conditions d'application restrictives, contrairement aux Lignes directrices qui restent l'instrument principal d'appréciation de la compatibilité des aides à l'environnement. Il faut donc tout d'abord déterminer les règles conditionnant l'exemption catégorielle et le renvoi aux Lignes directrices. Le RGEC pose en son chapitre I des dispositions communes devant être respectées par toutes les aides, tandis que son chapitre II prévoit des dispositions spécifiques définissant des dispositifs d'aide. Ces dispositifs - ou « types de mesures » selon l'expression de la Commission - sont en quelque sorte des modèles prédéfinis d'aides, précisément décrits. Seront alors compatibles de plein droit les régimes d'aides à l'environnement, lorsque ces régimes et toutes les aides pouvant être accordées sur leur fondement respectent l'ensemble des dispositions générales et les conditions pertinentes établies au titre des dispositifs d'aides. Les aides à l'environnement accordées sur le fondement d'un régime d'aide et les aides ad hoc bénéficieront de l'exemption s'ils répondent aux mêmes conditions communes et particulières174(*). On comprend donc bien l'intérêt que peuvent trouver les Etats à conformer les mesures qu'ils mettent en oeuvre aux dispositifs décrits par le règlement. Cependant, le RGEC a établi des seuils qui, s'ils sont franchis, écartent le mécanisme d'exemption catégorielle et imposent à l'Etat de satisfaire aux conditions de notification. Cette obligation s'applique, pour le cas des mesures en faveur de la protection de l'environnement, aux aides individuelles ad hoc ou accordées sur le fondement d'un régime d'aide dont l'équivalent subvention brut est supérieur à 7,5 millions d'euros par entreprise et par projet d'investissement175(*). Les lignes directrices, quant à elles, trouvent à s'appliquer à toute aide non notifiée, à toute mesure non couverte par le RGEC, soit parce que celle-ci ne remplit pas l'ensemble des conditions des chapitres I et II, soit parce qu'elle franchit le seuil de notification individuelle, et à toute aide notifiée qui aurait pu néanmoins bénéficier de l'exemption catégorielle176(*). Plusieurs procédures de contrôle sont alors établies. En premier lieu, les aides à l'environnement peuvent être analysées sur le fondement de l'art 87 CE paragraphe 3 (c), qui reste la base principale de leur compatibilité177(*). Dans ce cadre, deux types d'appréciation sont prévues : une procédure de contrôle standard et une procédure d'appréciation détaillée. Le recours à une de ces procédures est fonction du franchissement d'un seuil ou de la réalisation de certaines situations spécifiques178(*). Le chapitre 3 des Lignes directrices prévoit une appréciation standard des mesures accompagnée d'un système de présomptions légales pour les aides inférieures audit seuil. Tout d'abord, comme pour le RGEC, des dispositifs d'aides sont définis aux points 73 à 146 ; ils ont ici encore pour objet de décrire précisément les critères et paramètres de modèles prédéfinis d'interventions. Ces critères garantissent que l'effet incitatif, la proportionnalité de l'aide et les distorsions de concurrence qu'elles induisent laissent apparaître un bilan global positif179(*). Les Lignes directrices déterminent donc pour chaque dispositif d'aide des paramètres spécifiques, des intensités d'aides et des conditions justifiant la dérogation à la règle de l'incompatibilité. L'intérêt de ces dispositifs prédéfinis est qu'ils établissent des présomptions légales de compatibilité180(*), qui pourront comme on l'a dit être opposables à la Commission du fait de leur caractère contraignant relatif. Si une aide relevant de la procédure standard ne correspond cependant pas au modèle d'un dispositif, elle sera analysée de manière générale sur le fondement du critère de mise en balance décrit aux points 15 à 37 et sera déclarée compatible si son bilan global est positif181(*). Par ailleurs, une procédure d'analyse détaillée est prévue pour les mesures dépassant le seuil établi ou correspondant à certaines situations spécifiques, en raison « des risques accrus de distorsion de la concurrence et des échanges »182(*) qu'elles induisent. Les mesures seront soumises à cette appréciation détaillée si elles sont couvertes par un REC dont les dispositions prévoient une notification individuelle, ou si elles sont couvertes par les Lignes directrices et sont supérieures à un seuil qui varie en fonction de leur objet. Relèvent par exemple de cette appréciation détaillée les aides au fonctionnement en faveur des économies d'énergie lorsque leur montant dépasse 5 millions d'euros par entreprise pendant 5 ans183(*). Le chapitre 5 des Lignes directrices est consacré à l'énumération des éléments qui seront contrôlés à l'occasion de l'analyse détaillée. Il décrit de manière extrêmement précise les conditions de compatibilité et les critères qui seront utilisés pour apprécier la réalisation de ces conditions. Par dérogation, les aides à l'environnement pourront également être analysées sur le fondement du point (b) du paragraphe 3 de l'art 87 CE184(*). Cette base est applicable aux aides « visant à promouvoir la réalisation de projets importants d'intérêt commun constituant une priorité pour l'environnement »184(*). Un tel projet doit alors être mené à l'échelle communautaire ; il doit contribuer à un intérêt général dans le domaine de l'environnement et les avantages en découlant bénéficient nécessairement à l'ensemble de la Communauté ; son effet incitatif doit être réel et sa dimension substantielle185(*). L'intérêt du recours au point (b) du paragraphe 3 de l'art 87 CE réside en ce que la Commission pourra autoriser des taux d'aides supérieurs à ceux établis dans les Lignes directrices. Notons ici la situation particulière des mesures en faveur des dispositifs de piégeage du CO2 dans le secteur de l'énergie et des réductions de taxes environnementales accordée à des entreprises qui participent par ailleurs à des systèmes de permis échangeables. La Commission, manquant d'expérience en ces domaines, n'a pas défini de dispositifs d'aides pour ces mesures ; Elles seront néanmoins analysées directement sur le fondement du point (c) du paragraphe 3 de l'art 87 CE. Les mesures en faveur des dispositifs de piégeage du CO2 pourront également être contrôlées sur la base du point (b) dudit article186(*).Concernant les aides que comportent les systèmes de permis échangeables, les Lignes directrices prévoient, sans l'indiquer explicitement, une appréciation qui diffère des autres dispositifs établis. Les solutions n'étant pas encore réellement établies en cette matière, la Commission a établi certains critères visant à contrôler les distorsions de concurrence et la nécessité et la proportionnalité des aides accordée par le recours à ce type d'instrument187(*). Reste enfin la procédure spéciale applicable aux aides accordées sous forme de réductions ou d'exonérations de taxes environnementales188(*). Celles-ci, pour être autorisées, doivent contribuer au moins indirectement à la protection de l'environnement et ne peuvent porter atteinte à l'objectif poursuivi par la taxe. Les allègements fiscaux ne peuvent excéder 10 ans et ne peuvent aller en deçà, pour les domaines de l'électricité et des produits énergétiques, du niveau minimum communautaire établi par la directive 2003/96/CE189(*). Pour les réductions ou exonérations d'écotaxes inférieures au niveau minimum communautaire de taxation ou ne faisant pas l'objet de mesures d'harmonisation communautaire, la Commission contrôlera le respect des conditions de nécessité et de proportionnalité sur le fondement des conditions cumulatives exposées aux points 158 et suivants des Lignes directrices. Les régimes généraux d'imposition, s'ils peuvent être considérés comme des aides d'Etat - c'est-à-dire si la condition de sélectivité est remplie - seront quant à eux analysés sur la base des procédures précédemment décrites190(*). Ainsi, le contrôle des aides d'Etat pour la protection de l'environnement répond à des modalités diverses. Par ailleurs, la sécurité juridique induite par les dispositifs d'aides établis par le RGEC et les Lignes directrices a pour objet d'inciter les Etats membres à s'en saisir ; ils permettent d'assurer la compatibilité des régimes d'aides ou des aides ad hoc qu'ils instituent. C'est pourquoi leur étude permet d'appréhender les mesures qui par nature permettent de concilier protection de l'environnement et respect de la concurrence. * 174 règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 3 * 175 Ibid., art 6 * 176 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 14 * 177 Ibid., pt. 12 * 178 Ibid., pt. 13 * 179 Ibid., pt. 38 et s. * 180 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 38 et s. * 181 Ibid., pt. 71 ; cette solution n'était pas acquise, la Commission préférant antérieurement se référer à l'art 87 CE paragraphe 3 (b) lorsqu'il s'agissait de dépasser les termes de ses encadrements : P. THIEFFRY, Protection de l'environnement et droit communautaire de la concurrence, préc., n° 82 et s. * 182 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 40 * 183 Ibid., pt. 160 * 184 Ibid., pt. 147 * 185 Ibid., pts. 147 et s. * 186 Idem, pts. 68 et 69 * 187 Ibid., pts. 139 et s. ; v. ég. infra Partie II), Chp I), B) Le contrôle des instruments fondés sur le marché * 188 les taxes environnementales sont celles « dont la base imposable spécifique a manifestement un effet négatif sur l'environnement ou qui vise à taxer certaines activités, certains biens ou services de manière à ce que les prix de ces derniers incluent les coûts environnementaux et/ou que les fabricants et les consommateurs soient orientés vers des activités qui respectent davantage l'environnement. » ; Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 70 paragraphe 14 ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 17 paragraphe 10 ; v. infra Partie II), Chp I), B) Le contrôle des instruments fondés sur le marché * 189 Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, JOUE L 283 du 31 oct. 2003, p. 51-70 ; v. Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 151 et s. et règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 25 * 190 P THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement (2008-2014), préc., n° 26 et s. |
|