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L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état

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par Olivier PEIFFERT
Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009
  

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Table des matières..........................................................................................................106

Bibliographie...................................................................................................................108

Introduction : Droit des aides d'Etat et protection de l'environnement

« Le développement durable - répondre aux besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures - est un objectif fondamental assigné par les traités. Il implique que les politiques économiques, sociales et environnementales soient abordées dans un esprit de synergie. Les tendances qui menacent la qualité de vie future, si elles ne sont pas inversées, entraîneront une très forte augmentation des coûts à charge de la société ou deviendront irréversibles ». Par ce rappel, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis au Conseil européen de Göteborg les 15 et 16 juin 2001 expriment clairement les ambitions de l'Union européenne (UE) : à l'heure où les problématiques environnementales impliquent des choix politiques, économiques et sociaux décisifs, les actions et politiques menées à l'échelon supranational s'orientent vers la conciliation entre croissance économique et protection de l'environnement. La quête de cet idéal, du fait de son envergure, induit nécessairement une consécration au sein du droit de l'UE et plus précisément du droit matériel communautaire sur lequel repose une part prépondérante de la construction européenne. L'objectif de développement durable conduit dans ce cadre à la rencontre entre les normes ayant pour objet la protection de l'environnement et celles afférentes au contrôle des activités économiques ; c'est un aperçu de cette rencontre que la présente étude entend décrire.

La Communauté européenne (CE) est dotée depuis son origine d'une politique de la concurrence qui traduit son orientation libérale ; cette politique repose sur diverses composantes parmi lesquelles les règles afférentes aux aides d'Etat. La Communauté est également compétente, depuis l'Acte unique européen de 1986, pour mettre en oeuvre des actions en matière de protection de l'environnement ; le traité de Maastricht de 1992 lui attribuera ensuite le soin de mener une politique en la matière. L'exercice de ces deux politiques a donné naissance à ce qu'il est convenu d'appeler des « branches » du droit communautaire : d'une part, le droit de la concurrence, au sein duquel on distingue le droit des aides d'Etat, et d'autre part le droit de l'environnement. Or ces branches du droit, puisqu'elles traduisent autant l'orientation productiviste de la Communauté que sa volonté de préserver l'environnement, ont vocation à se rencontrer afin de réaliser l'objectif du développement durable. Il s'agit alors de décrire l'interaction de ces normes, mais aussi les conséquences normatives qu'elle induit. Puisque l'objet de cette étude est l'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'Etat, cette seconde matière sera le sujet principal des développements qui suivent.

Le droit des aides d'Etat a pour objectif, en tant que composante du droit de la concurrence, d'assurer que celle-ci « n'est pas faussée dans le marché intérieur1(*) ». Il vise donc à préserver les structures concurrentielles des marchés dans l'intérêt général de la Communauté : c'est par son objet même un droit économique. Cependant, cette conception libérale de l'organisation économique est pragmatique et non finaliste. En effet, la construction européenne est fondée sur le concept de « concurrence moyen », en vertu duquel l'efficience économique induite par la libre concurrence n'est que présumée et peut être écartée s'il est établi que des restrictions de concurrence laissent apparaître un bilan économique global positif2(*). L'économie de marché n'est donc pas une fin en soi mais bien un moyen de parvenir aux objectifs du traité. En ce domaine, la Communauté dispose de compétences bien établies, au point que le Traité sur le fonctionnement de l'UE tel qu'issu de la réforme de Lisbonne classe la politique de la concurrence parmi les compétences exclusives3(*). Le droit des aides d'Etat se distingue cependant, eu égard à ses destinataires, des autres composantes du droit communautaire de la concurrence : est ici visée la puissance publique lorsqu'elle intervient dans l'économie et non de simples opérateurs privés. En résulte un ensemble de considérations et de normes fort singulières qui conduisent certains auteurs à discerner, au sein de la politique de la concurrence, une véritable politique des aides d'Etat4(*). Il convient ici d'en rappeler les règles fondamentales.

Le Traité instituant la communauté européenne (traité CE) contient au Chapitre 1 de son Titre IV les dispositions essentielles du droit communautaire de la concurrence. Parmi celles-ci, les art 87 CE à 89 CE décrivent les règles relatives à « l'encadrement »5(*) des aides que les Etats accordent à des entreprises. L'art 87 CE contient les règles de fond : il pose en son paragraphe 1 le principe général de l'incompatibilité des aides qui portent atteinte à la concurrence avec le marché unique. En effet, « sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». On remarquera ici le choix des termes : le recours à la notion d'incompatibilité n'est pas neutre et traduit au plan sémantique une certaine déférence à l'égard des destinataires de cette norme. En effet, alors que les règles de concurrence applicables aux entreprises privées font référence en leurs art 81 CE et 82 CE au concept d'interdiction, le droit des aides d'Etat prend acte que, même au sein d'une économie de marché où la concurrence est libre, l'intervention de la puissance publique peut participer au bon fonctionnement des mécanismes marchands spontanés6(*). En résulte l'aménagement de nombreuses exceptions au principe d'incompatibilité aux paragraphes 2 et 3 de l'art 87 CE. Les aides compatibles de plein droit établies au paragraphe 2 ne sont pas celles qui seront ici retenues : par leur objet, elles ne concernent pas la protection de l'environnement7(*). Inversement, la référence aux aides qui peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun inscrite au paragraphe 3 est fondamentale ; elle vise notamment : « b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie » et « c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ». On le verra, c'est par le recours à ces dispositions que l'environnement a fait son entrée en droit des aides d'Etat. De l'art 87 CE mais surtout de la jurisprudence8(*), on peut tirer une définition de la notion d'aide : tout d'abord, il s'agit d'une aide octroyée par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat, ce qui comprend toute aide versée sur la base de fonds publics par l'Etat ou ses démembrements et même par certains organismes de droit privé ; ensuite cette aide doit constituer une faveur, induisant l'enrichissement de l'entreprise bénéficiaire par un accroissement de son actif ou par une diminution de son passif, en l'absence de toute contrepartie ; enfin cette aide doit affecter les échanges entre les Etats membres par les répercussions qu'elle entraine sur le bon fonctionnement du marché intérieur, tout en portant atteinte à la concurrence entre les entreprises9(*). L'art 88 CE pose quant à lui des règles procédurales. Il consacre tout d'abord le rôle central de la Commission dans le contrôle des aides d'Etat, puisque c'est elle qui est chargée de l'analyse de la compatibilité des aides et de leur examen permanent. Au titre de la procédure, on retiendra principalement que tout projet d'aide nouvelle ou toute modification d'une mesure d'aide existante doit être notifiée à la Commission qui procédera à son examen. Durant cette phase, l'Etat membre est tenu par une obligation de standstill lui interdisant de mettre à exécution la mesure notifiée ; en cas de non respect de ces règles, l'aide sera déclarée illégale. Ensuite, la Commission rendra une décision établissant l'incompatibilité ou la compatibilité, le cas échéant assortie de conditions, de l'aide notifiée10(*). Enfin, l'art 89 CE, quant à lui, confère au Conseil le pouvoir d'adopter des règlements relatifs à l'application des art 87 CE et 88 CE.

La politique communautaire de l'environnement est, elle, fort différente, tant par les objectifs qu'elle poursuit que par le degré de transfert de compétences qui la caractérise. En premier lieu, elle vise à parvenir à « un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement11(*) » au sein de la Communauté. Son objet est cependant difficile à appréhender ; l'environnement est une « notion caméléon », qui se prête mal à une définition exhaustive. On peut décrire son contenu en se fondant sur certains facteurs qui seront l'objet de la politique environnementale : « l'homme, la faune et la flore, le sol, l'eau, le climat et le paysage, et l'interdépendance entre ces différents facteurs, les biens et l'héritage culturel, le site, la conception et les dimensions d'un projet 12(*)». Cette notion ne se réduit pas à une envergure strictement naturelle. En plaçant l'homme au centre des enjeux qu'elle soulève, elle vise alors ses milieux et conditions de vie et s'étend à l'environnement social et culturel. Pour la forme, on utilisera parfois ici le terme de « milieu naturel » bien que celui-ci soit réducteur. Ajoutons que l'objectif de protection de l'environnement doit être atteint dans le cadre d'une compétence concurrente, ce qui induit l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité13(*). Cette politique connaît aujourd'hui de nombreux domaines d'intervention et la législation commune en matière environnementale concerne désormais tant la protection des milieux que l'encadrement des activités économiques14(*). Cependant, cet important acquis matériel ne sera abordé qu'indirectement et de façon résiduelle puisqu'il ne trouve ici d'intérêt que lorsqu'il ouvre des hypothèses d'application du droit des aides d'Etat. A l'inverse, la dimension horizontale de la protection de l'environnement est fondamentale. En effet, au-delà de la politique de l'environnement stricto sensu, une approche globale des problématiques environnementales est nécessaire, les enjeux que ces dernières soulèvent ne se prêtant pas à une gestion sectorielle. Cette approche globale repose sur un fondement juridique : le principe d'intégration.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la rencontre entre droit de l'environnement et droit des aides d'Etat : la libre concurrence peut être limitée alors même que la protection de l'environnement a vocation à s'exporter vers les autres politiques sectorielles de la Communauté. L'interaction était donc inévitable. Ce processus conduit alors à deux problématiques fondamentales : en premier lieu, il faut se demander comment cette rencontre s'est réalisée, ce qui pose la question de la méthode ; en second lieu, il convient de décrire les conséquences de cette rencontre, c'est la question du résultat. A n'en pas douter, cette interaction est fondée sur un principe juridique, une véritable méthode, celle de l'intégration de la protection de l'environnement en droit communautaire et par conséquent en droit des aides d'Etat, (Partie I). Or l'intégration de l'environnement a pour objet d'infléchir les différentes politiques sectorielles de la Communauté afin de parvenir à ce qu'elles participent à la protection de l'environnement. Il convient d'expliquer en quoi le droit des aides d'Etat peut contribuer à cet objectif fondamental (Partie II).

L'étude du processus de mise en cohérence environnementale induit par le principe d'intégration revêt, en droit des aides d'Etat, un intérêt particulier : en cette matière, il est permis de parler d'une véritable réussite tant la protection de l'environnement a su entrainer des développements normatifs spécifiques. Néanmoins, le droit des aides d'Etat n'a pas délaissé ses fondements et cette rencontre s'inscrit dans le contexte d'une dialectique conflictuelle. L'intégration a conduit en ce domaine à un statu quo, défini par le recours aux sciences économiques : celui de la conciliation entre protection de l'environnement et libre concurrence, certainement induit par l'objectif de développement durable.

* 1 art 2 CE paragraphe 1 g)

* 2 A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, 3° éd. 2008, L.G.D.J., n° 6

* 3 art 3 TFUE paragraphe 1 b)

* 4 v. not. T. KLEINER et A. ALEXIS, Politique des aides d'Etat : une analyse économique plus fine au service de l'intérêt commun, Concurrences, 4-2005, p.45 à 52 ; . MARTIN et C. STRASSE, La politique des aides d'Etats est-elle une politique de concurrence ?, Concurrences 2005 n° 3, p. 52 à 59

* 5 Ce terme a été utilisé pour décrire des règles visant à limiter certaines opérations financières privées ; on l'utilise ici par analogie puisque, comme on le verra, le droit des aides d'Etat conduit in fine à la limitation des interventions étatiques ; v. A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 371

* 6 L. DUBOUIS et C. BLUMANN, Droit matériel de l'Union européenne, 5° éd., 2009, coll. Domat Droit public, Montchrestien, n° 937 ; A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 371 ; M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, éd. de l'Université de Bruxelles, 2007, n° 3

* 7 pour ces aides, v. M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 291 et s.

* 8 v. not. CJCE, 24 juill. 2003, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg, aff. C-280/00, Rec. I-7747, pt. 74 pour une définition de la notion d'aide

* 9 pour une analyse complète des éléments de définition de l'aide d'Etat, v. M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 7 et s.

* 10 pour une analyse complète de la procédure de contrôle des aides d'Etat, v. M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 548 et s.

* 11 art 2 CE

* 12 Y. PETIT, Environnement, 2007, Répertoire Dalloz de droit communautaire, n° 2

* 13 pour une description de la compétence communautaire en matière environnementale, v. idem, n° 67 à 98

* 14 pour une étude de l'acquis matériel en droit de l'environnement, v. idem, n° 149 et s.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon