Ainsi que nous l'avons évoqué plus haut,
l'adhésion au principe de prévention implique la prise en compte
par le droit des risques potentiels de fa~on a éviter que ceux-ci
n'entrainent éventuellement des dommages graves ou irréversibles
pour l'environnement ou la santé humaine. Le risque potentiel est ici
compris comme un risque qui n'est pas encore avéré, c'est-A-dire
que son existence ou sa réalité peut etre prouvée a
l'issue d'une expertise scientifique. La preuve scientifique de l'existence du
risque peut a l'inverse conduire l'autorité publique a décider de
la poursuite du projet envisagé. Le principe de prévention est
fondé ici sur une réalité completement différente.
Il s'agit des « mesures de gestion d'un risque connu »71.
Trop souvent en effet, quand on prévoit, on ne prévoit jamais le
pire, c'est-A-dire le risque le plus dommageable, celui que l'homme a jamais ne
devrait affronter parce qu'il ne s'en sortira certainement pas. Il est vrai que
l'homme justement a transcendé une certaine dimension de la prise de
risque que, aujourd'hui, nos fusées atteignent Vénus, meme si
l'on ne sait pas guérir un rhume du cerveau72. Plus
largement, des lors que l'on parle de « prévention » des
risques, la question doit etre posée sur le cadre plus
général de la gestion des risques, ou plut:t de la vie de l'homme
dans son écosysteme.
On peut rappeler ici que dans des traités
internationaux relatifs a l'information et la consultation préalable, il
est prévu des techniques tendant a informer l'Etat dans lequel est
projetée toute activité susceptible d'avoir des effets sensibles
sur l'environnement. C'est le cas par exemple de la Convention d'Espoo du
25/02/1991 dont les alinéas 2 et 3 de l'article 3 en parlent
suffisamment.
Nous dirons avec le regretté Professeur KISS et le
Professeur BEURRIER que le
principe de prévention s'applique a des
situations oil des réponses claires au plan
scientifique existent,
démontrant qu'une activité a, ou risque d'avoir des effets
71 LAVIEILLE (J. M.), op. cit., p. 89.
72 CESBRON (G.) cite par FOGUI (J. P.), « Demain
» Editions SOPECAM, 1991, p. 40.
nuisibles. Grace a cette certitude, la dégradation de
l'environnement peut etre empechée ou mitigée par une
intervention a la source des nuisances73.
Section II : Modalites d'application des principes de
prevention et de precaution
L'action préventive est une action anticipatrice
et a priori, qui est préférée aux mesures a
posteriori du type réparation, restauration ou répression
intervenant apres une atteinte avérée a l'environnement. On a
parfois opposé les deux types de mesures. En réalité,
elles ne sont pas exclusives mais complémentaires car il n'est pas
toujours possible de tout prévoir74. Dans certains cas
d'ailleurs, la prévision des effets néfastes d'un projet peut
etre tres délicate, car certaines modifications de l'équilibre
écologique ne peuvent apparaitre que tres tard, meme si
l'irréversibilité des dommages peut parfois etre
démontrée notamment en ce qui concerne la disparition d'especes
vivantes. Mais dans d'autres cas, cette notion n'est pas claire et peut etre
envisagée a différentes échelles de temps.
Néanmoins, l'ignorance ou l'incertitude quant aux conséquences
exactes a court ou a long terme de certaines actions ne doit pas servir de
prétexte pour remettre a plus tard l'adoption de mesures visant a
prévenir la dégradation de l'environnement. Autrement dit, face a
l'incertitude ou a la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre
des mesures de protection séveres a titre de précaution que de ne
rien faire. C'est en réalité « mettre concretement en oeuvre
le droit a l'environnement des générations futures
»75.
Ainsi pour « concrétiser » ce droit a un
environnement écologiquement viable des
générations
présentes et futures, des instruments existent pour mettre en
oeuvre
les principes de prévention et de précaution
(Paragraphe 1). Ces instruments
73 KISS (A.) et BEURIER (J. P.), op. cit.,
p. 136.
74 Ibidem,
75 Ibidem, p. 98.
permettent en meme temps de mesurer les effets d'une telle mise
en ceuvre(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Instruments de mise en oeuvre des
principes de prevention et de precaution
Pour prévenir, il faut connaitre et étudier a
l'avance l'impact, c'est-à-dire les effets d'une action, c'est une regle
de bon sens qui exige une étude scientifique. Précaution et
prévention sont deux aspects de la prudence qui s'impose dans une
situation susceptible de créer un dommage. La mise en ceuvre de ces
principes signifie soit ne pas agir, c'est-à-dire respecter une
obligation de s'abstenir, renoncer a une action non maitrisée, soit
prendre des mesures juridiques (techniques...) pour limiter les futurs effets
sur l'environnement et la santé76. Ces mesures techniques
notamment sont mises en ceuvre a travers la procédure d'études
d'impact environnemental (A) dont l'écho dans les textes et les
pratiques sous-régionaux CEMA C de l'environnement est
avéré(B).