La mise en oeuvre du principe de precaution presuppose d'une
part une plus grande implication du public dans la prise des decisions et
d'autre part un recours plus systematique a l'expertise
scientifique66. Il s'agit de deux parametres importants dans
l'application du principe de precaution. L'apport des experts doit cependant
être envisage de fa~on un peu differente et sur une base plus soutenue
que dans le cadre de la methode traditionnelle d'evaluation des risques, pour
d'avantage tenir compte des facteurs d'incertitude scientifiques et de
l'evolution des connaissances.
Le recours au principe de precaution necessite ainsi un
difficile exercice
d'arbitrage entre les craintes du public ou sa perception
du risque et les assertions
des scientifiques fondees sur les resultats des
recherches empiriques ou des
65 GOGARD (O.) Le principe de precaution dans la
conduite des affaires humanitaires, INRA,
Maison des sciences de l'homme,
Paris, 1997, p. 5 ; cite par GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.), op.
cit.
66 TRUDEAU (H.), op. cit., p. 35.
hypotheses theoriques investies a ce jour. Tant le citoyen
que l'expert doivent trouver un forum approprie pour exprimer leurs vues. Selon
KOURILSKY et VINEY, l'analyse des risques doit etre effectuee par deux cercles
distincts, un compose exclusivement d'experts scientifiques, l'autre comprenant
quelques uns de ces experts, mais aussi des economistes, des acteurs sociaux et
des representants du public. Le premier cercle rend compte de ses conclusions
sur le plan scientifique, tandis que le second cercle procede a une analyse des
coilts, benefices a partir des conclusions du premier cercle. Les celebres
auteurs envisagent differentes options possibles. Les decideurs publics sont
saisis des conclusions des deux cercles, qui peuvent tendre vers le
consensualisme, mais ne l'atteignent pas necessairement67. Cette
solution n'est pas moins soutenable, puisqu'elle permet d'atteindre au moins
trois objectifs : d'abord l'acces a l'information, la participation du public
au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement tel
que preconise la Convention d'Aarhus du 26/06/199868, ensuite elle
donne la possibilite aux decideurs de prendre des decisions eclairees. Enfin et
surtout elle permet de realiser la cooperation qui est l'un des objectifs du
droit international de l'environnement, « s'unir ou perir
>>69. D'ailleurs, « tout serait simple s'il appartenait
au savant d'evaluer le risque et au politique de prendre la decision qui permet
d'y faire face >>70.
Des garanties d'impartialite et de competence dans
l'appreciation des preuves soumises doivent entourer le travail de l'autorite
publique appelee a decider si elle aura ou non recours a la prevention devant
un risque apprehende. Ces memes garanties apparaissent aussi essentielles
devant le choix et l'eventail possible des mesures de precaution, pour tenir
compte notamment des interets economiques, sociaux ou autres, qui seront
affectes.
67 Cite par TRUDEAU (H.), op. cit., note de
bas de page n° 95, p. 35.
68 Voir notamment les articles 6 a 8 de la
Convention d'Aarhus du 25/06/1998 sur l'acces a l'information, la participation
du public au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere
d'environnement.
69 L'expression est de Monsieur Albert EINSTEIN, cite
par LAVIEILLE (%. M.), op. cit., p. 12.
70 GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.), op. cit.,
p. 3.