B- Les entraves fonctionnelles
Ces entraves sont de deux ordres : d'une part on note la
possibilité de recourir a l'expertise (1) et d'autre part la transaction
(2).
1) La possibilite de recourir a
l'expertise
Le recours du juge a l'expertise s'inscrit dans la logique de
la relativité du mode juridictionnel de reglement de conflit.
L'expertise tout comme la transaction paralyse l'action des juges. En plus,
même lorsqu'il est saisi, le juge hésite a trancher parce que,
comme nous l'avons noté plus haut, sa formation de base ne lui donne pas
des aptitudes particulieres dans la connaissance des problemes environnementaux
« souffrant de l'éparpillement et de la technicité
>>218. Le droit pénal de l'environnement
nécessite la consultation des experts.
Par ailleurs, la mise en oeuvre du principe de
précaution présuppose d'une part un recours plus
systématique a l'expertise scientifique. L'apport des experts doit
cependant être envisagé de fa~on un peu différente et sur
une base plus soutenue que dans le cadre de la méthode traditionnelle
d'évaluation des risques, pour davantage tenir compte des facteurs
d'incertitude scientifique et de l'évolution des connaissances. Des
garanties d'impartialité et de compétence dans
l'appréciation des preuves soumises doivent entourer le travail de
l'expert appelé a donner son point de vue sur le recours ou non a la
prévention devant un risque appréhendé. Ces mêmes
garanties doivent apparaitre aussi essentiellement devant le choix et
l'éventail possible des mesures de précaution, pour notamment
tenir compte des intérêts économiques, sociaux ou autres
qui seront affectés. Pour cela, l'expert doit trouver un forum
approprié pour exprimer ses vues219.
218 MORAND DEVILLER (%.) : Droit de l'environnement,
édition ESTEM, Universités francophones, 1996, p. 72.
219 Voir les auteurs Kourilsky et Viney qui
proposent que l'analyse des risques soit effectuée par deux cercles
distincts, un composé exclusivement d'experts scientifiques, l'autre
comprenant quelques-uns de ces experts, mais aussi des économistes, des
acteurs sociaux et des représentants du public. Le premier cercle rend
compte de ses conclusions sur le plan scientifique, tandis que le
L'intervention de la transaction ou de l'arbitrage constitue un
autre moyen d'effritement des pouvoirs des juges formes.
2) L'intervention de la transaction ou de
l'arbitrage
Notons a toutes fins utiles que l'institution des modes de
reglement extra pretorien des litiges en droit de l'environnement tels que la
transaction et l'arbitrage220 amenuisent egalement l'action des
juges, puisque d'ailleurs le legislateur camerounais du 05 Aotit 1996 pose
cette procedure non juridictionnelle comme la procedure par defaut en ces
termes : « Dans le cas contraire, et a defaut de transaction ou
d'arbitrage definitifs, l'Administration competente procede a des poursuites
judiciaires conformement a la legislation en vigueur >>221.
Cette competence des arbitres est consacree a l'origine par la Convention de
Bamako qui stipule : « Si un differend surgit entre les Parties a propos
de l'interpretation, de l'application ou du respect de la presente Convention
ou de tout protocole y relatif, ces Parties s'efforcent de le regler par voie
de negociation ou par tout autre moyen pacifique de leur choix222...
Si les Parties en cause ne peuvent regler leur differend par les moyens
mentionnes au paragraphe 1 du present article, ce differend est soumis soit a
l'arbitrage d'un organe ad hoc mis sur pied par la Conference a cette fin, soit
a la Cour Internationale de Justice223... L'arbitrage des differends
entre Parties par l'organe ad hoc prevu au paragraphe 2 du present article
s'effectue conformement aux dispositions de l'annexe V de la presente
second cercle procede a une analyse des coots/benefices a
partir des conclusions du premier cercle, et envisage differentes options
possibles. Les decideurs publics sont saisis des conclusions des deux cercles,
qui peuvent tendre vers le consensualisme, mais ne l'atteignent pas
necessairement : P. KOURILSKY et G. VINEY, note 3, pp. 69 a 72., cite par
TRUDEAU (H.), op. cit., p. 35.
220 Voir les articles 91 et 92 de la loi camerounaise
n° 96/12 du 05 Aout 1996 precitee.
221 Article 90 alinea 2 de la loi camerounaise n°
96/12 du 05 Aout 1996 precitee.
222 Article 20 alinea 1 de la Convention de Bamako
du 30/01.1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique Des dechets dangereux et
sur le controle des Mouvements transfrontieres et la gestion des dechets
Dangereux produits en Afrique.
223 Article 20 alinea 2 de la Convention de Bamako
precitee.
Convention »224. De maniere complete, c'est
l'annexe 4 a la Convention de Bamako qui detaille le recours a
l'arbitrage225.
Cette eviction des juges peut tirer sa
légitimité de la lenteur des procedures, du cout
élevé des proces et des balbutiements des juges face aux
questions environnementales sur lesquels ils n'ont qu'une connaissance sommaire
et m'éme approximative. Surtout lorsqu'il s'agit de veiller a
l'application des principes du droit de l'environnement oil ils ne comprennent
certainement pas grand-chose.
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