Section 1 : Les entraves intrinseques
Nous examinerons ici successivement, puisqu'elles sont
évidentes, les entraves inhérentes aux autorités de
controle (Paragraphe 1) ensuite les entraves structurelles et fonctionnelles
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les entraves inhérentes aux
autorités de controle
Elles concernent l'approximation de la formation des
autorités juridictionnelles de controle sur les questions
d'environnement (A) et la dépendance du juge des autorités
politiques (B).
A- L'approximation de la formation des autorites
juridictionnelles sur les questions d'environnement
La question de la faible formation desdites autorités
est soulevée suite au constat de la frilosité du juge dans le
reglement des litiges (1). Cette attitude conduit a penser une
irresponsabilité virtuelle de l'administration publique dont certains
actes échappent parfois au controle du juge (2).
1) La frilosite constatee des juges dans le reglement
des litiges.
En Afrique Centrale la question de la spécialisation
des magistrats a fait couler beaucoup d'encre. Les justiciables l'ont subi et
les spécialistes du droit n'ont pas manqué de le décrier.
Telles furent les critiques avancées par la doctrine camerounaise
dominante, incarnée par certains orfevres du droit tels les Professeurs
Joseph OWONA et Jean Marie BIPOUM WOUM.
Dans ce pays notamment, au sein des formations
juridictionnelles administratives, siegent les juges de l'ordre judiciaire. On
comprend aisément quelle pourrait être la nature des
décisions qu'ils prennent. Or le droit de l'environnement est un droit
qui fait essentiellement appel aux notions de droit public qui plus est
international, entouré de notions d'une tres forte technicité
pour les non initiés. La formation essentiellement privatiste de ces
derniers est-elle de nature a leur permettre de rendre une décision
dénuée de toute critique ? Que non !
Même dans les pays oil il existe un dualisme
juridictionnel caractérisé par l'existence des tribunaux de
l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif comme le Cameroun, le Gabon, on
ne trouve pas dans la structure desdits tribunaux des chambres ou section qui
soient exclusivement réservées a l'examen des litiges
environnementaux.
Bien plus, la difficile adaptation du juge a des
phénomenes nouveaux comme celui de l'environnement s'explique par
l'évolution des conflits d'environnement présentant de plus en
plus souvent un caractere international208. Qui plus est, dans un
litige impliquant l'administration publique, on observe une certaine
partialité du juge qui est tres souvent hésitant quant a
condamner l'administration publique. On peut a partir de la, militer pour une
condamnation progressive de l'administration publique dans le proces des
atteintes a l'environnement.
208 HUGLO ( Ch.) : « Le juge et l'environnement,
un défi ».
2) L'irresponsabilité virtuelle de
l'Administration publique
L'administration disposant ou étant maitre de nombreux
ouvrages dont l'étude d'impact préalable n'a pas
été faite ou encore disposant de gigantesques entreprises
agricoles et industrielles, doit être poursuivie judiciairement lorsque
ses activités violent les regles protectrices de l'environnement.
L'administration doit aussi pouvoir obtenir des autorisations
nécessaires pour entreprendre des activités agricoles dans
certains secteurs et se livrer a une étude d'impact
minutieuse209. Les activités industrielles devraient
être soumises a ces mêmes conditions. Mais ce n'est pas toujours le
cas, l'administration étant tres souvent juge et partie. Il est
regrettable actuellement en Afrique Centrale que l'exigence de l'autorisation
n'atteigne pas les organismes publics ou parapublics alors même qu'ils
sont, dans la plupart des pays, de grands « défricheurs de
l'agriculture industrielle >>210. La locution latine juridique
« patere legem quam ipse fecisti >> qui signifie
littéralement « Tu dois souffrir de la loi que tu as faites
toi-même >>211 n'est donc que tres peu
exploitée en droit de l'environnement de l'Afrique centrale.
Peut-être est-ce l'une des manifestations de la dépendance des
autorités de controle au pouvoir politique.
B- La dépendance des autorités de controle
vis-à-vis du pouvoir politique
La dépendance des autorités de controle a
l'instance politique souleve ou du moins relance le débat sur la
problématique de l'indépendance des juges (1) et se
caractérise par ailleurs par la faculté offerte aux
autorités politiques de choisir les personnalités non magistrats
comme juges (2) a la cour CEMA C.
209 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 51
210 KAMTO (M.), op. cit., p.
197
211 BILONG (S.) : Droit Administratif
Général, cours polycopié de 3eme année
de Licence en droit et science politiques, FSJP de l'Université de
Dschang année académique 2004 - 2005.
1)
La problematique de l'independance des
juges
En Afrique Centrale et plus précisément au
Cameroun, la question de l'indépendance du juge est une épineuse
préoccupation majeure. L'indépendance du juge y est fortement
discutée pour des motifs évidents.
D'abord au niveau du parquet, l'indépendance du
magistrat demeure une gageure a cause du principe de la subordination
hiérarchique des membres du parquet. Ensuite au niveau des juges du
siege, l'indépendance tant vantée est un leurre et l'adage selon
lequel « la parole est libre et la plume serve » demeure un simple
slogan. Enfin, les magistrats d'Afrique Centrale a l'instar de ceux du Cameroun
sont nommés par Décret du Président de la
République qui est la plus haute autorité politique du pays et
par ailleurs Président du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
On mesure par la combien les décisions des
différents juges peuvent etre fortement influencées, ou a tout le
moins sont influençables, surtout dans une cause oil l'administration et
a plus forte raison le Président de la République est partie. Le
juge ne pouvant abonder que dans le sens de la préservation des
intérets de l'administration meme si les agissements fautifs de ce
dernier crevent l'ceil. Cette dépendance du juge se matérialise
davantage lorsque le pouvoir politique dispose de la faculté de choisir
des personnalités non magistrats comme juges notamment au niveau de la
Cour communautaire de la CEMA C.
2) Le choix politique des juges non
magistrats
La faculté est généralement reconnue
au pouvoir politique de choisir les juges des juridictions supra nationales.
Pour ce qui est de la Cour de Justice de la CEMA C, les juges peuvent etre
choisis parmi les personnalités de bonne moralité
présentant des garanties d'indépendance,
d'intégrité et possédant une compétence notoire en
droit ou en économie. Un tel procédé est de nature a
entraver l'intégrité du vote qu' un membre peut émettre
vis-à-vis de son pays. Car en l'état actuel des mentalités
africaines oil la personne nommée « doit » allégeance
et fidélité a
l'autorité de nomination, l'on voit mal un membre de la
cour voter forcément contre l'Etat de qui il tient le mandat pour
siéger a la cour.
Cette situation peut par ailleurs susciter une interrogation,
celle de savoir si ces personnalités désignées pour
remplir la fonction de magistrat seraient en mesure de rendre des
décisions juridiquement exemptes de reproches sur un domaine aussi
sensible qu'est l'environnement ?
La somme de ces entraves est impressionnante et se
décompte davantage au niveau des structures et du fonctionnement des
institutions de controle.
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