Section II : L'apatridie et l'abandon de la
nationalité
On définit l'apatride comme un individu qui n'a aucune
nationalité. C'est une situation qui résulte
généralement de la déchéance de la
nationalité d'origine sans acquisition d'une autre nationalité.
L'abandon de nationalité quant à lui, est un acte positif
c'est-à-dire découlant de la volonté de l'individu.
Le cas des Burkinabé de l'étranger peut
être perçu comme une absence de nationalité due à un
désintérêt individuel ou une défaillance de l'Etat
qui conduit soit à une situation d'apatridie soit à l'acquisition
d'une autre nationalité.
Paragraphe I : Le désintérêt pour
la nationalité burkinabé
Pourquoi un désintérêt ? A la question de
savoir pourquoi refuser la nationalité, on peut associer celle de savoir
pourquoi avoir la nationalité. Il convient d'observer que le fait de
posséder la nationalité d'un pays confère des droits
civils et politiques faisant de l'individu un citoyen à part
entière du pays concerné, ce qui le différencie du
ressortissant. Les droits civils sont le droit commercial, le droit rural, le
droit social... Autrement dit, le citoyen a le droit de
38 Reynald BLION, les Burkinabé de Côte
d'Ivoire entre « intégration » et circulation migratoire,
Mondes en développement - tome 23, 1995, p.88
contracter (en matière commerciale ou de mariage) et de
jouir d'une propriété quelconque. Les droits politiques quant
à eux, font du citoyen électeur et éligible dans le pays
dont il a la nationalité. En outre, le fait de posséder la
nationalité confère des avantages non juridiques sous forme de
traitement de faveur selon les Etats.
Au vu de ce qui précède, que gagne t'on à
être Burkinabé de jure ? On peut remarquer que la plupart
des textes communautaires (le Traité CEDEAO de 1975, le Traité
UEMOA de 1994, l'Acte constitutif de l'Union africaine de 2001, ...) et
internationaux (les Conventions n°97 de 1949 et n°143 de 1975 et les
Recommandations n°86 de 1949 et n°151 de 1975 de l' OIT sur les
travailleurs migrants, la Convention des Nations Unies sur la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
adoptée en 1990 et entrée en vigueur en 2003, etc.) garantissent
des droits aux immigrés. Il s'agit notamment du droit :
- de contracter ;
- d'accéder à la propriété ;
- d'emprunter ;
- d'ester en justice ;
- de s'affilier à une organisation syndicale ;
- de participer à la sécurité sociale ;
- à tous les avantages fiscaux et sociaux dont
bénéficient les travailleurs nationaux.
Selon Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber,
« c'est parce que des hommes décident de partir pour des
raisons objectives et souvent douloureuses, c'est parce qu'ils sont
obligés de quitter une terre qui ne peut les nourrir, un
village surpeuplé, un pays qui ne leur offre guère
d'espoir ni d'avenir, qu'ils s'expatrient. Ils partent pour obtenir ce
qu'ils n'ont pas obtenu chez eux » 39. Ainsi, les
Burkinabé de l'étranger sont allés à la recherche
du mieux-être ; ils sont prêts à tout pour l'avoir y compris
en abandonnant leur nationalité d'origine pour en acquérir une
autre ou tout simplement s'en
39 Cités par R. Roxane A. MEDAH in
«l'intégration des étrangers naturalisés au Burkina
Faso», mémoire de fin de cycle, ENAM, 2005, p.6
débarrasser si elle a des répercussions
négatives. Par exemple en Côte d'Ivoire, « des
Burkinabé ont accepté de changer de nationalité pour ne
pas bloquer l'avenir de leurs enfants et pour garantir la
prospérité de leurs activités40 ».
Les motivations peuvent donc être d'ordre socio-économique.
Outre ces motivations socio-économiques, des
préoccupations d'ordre politique peuvent être
évoquées. Les Burkinabé de l'étranger
n'étaient ni électeurs ni éligibles ni dans leurs pays
d'origine ni dans leurs pays d'adoption à l'exception de ceux ayant la
double nationalité. Par plus d'une occasion ils l'ont fait savoir aux
autorités burkinabé mais celles-ci ont toujours observé un
mutisme jusqu'à la récente adoption par l'Assemblée
Nationale de la loi portant vote des Burkinabé de l'étranger.
D'autres raisons peuvent expliquer certainement l'absence de
nationalité.
Paragraphe II : Les difficultés dans
l'obtention des preuves de la nationalité
L'immigré a très souvent besoin de document
à produire par l'Administration du pays dont il est originaire. Les
services consulaires devraient pouvoir jouer un rôle dans ce sens s'ils
étaient en nombre suffisant. Le Burkina Faso en effet est l'un des pays
qui comptent peu de représentations diplomatiques et
consulaires41. Cette représentation, même minime, n'est
pas liée à la présence de Burkinabé de la diaspora.
Par exemple, le Burkina Faso compte une ambassade en Egypte, une en Tunisie,
une au Maroc, une en Libye et une en Algérie ; soit cinq au total en
Afrique du Nord, chacune comportant un service consulaire. Ces pays
n'accueillent pourtant que peu de Burkinabé. Par contre dans des pays
comme le Gabon, le Togo et le Bénin, il n'existe même pas de
consulat alors qu'ils accueillent un nombre important de Burkinabé. La
répartition des consulats dans l'espace ne permet pas la prise en charge
conséquente de la diaspora. Même la multiplication des consuls
honoraires, qui
40 Reynald BLION, Les Burkinabé de
Côte d'Ivoire entre « intégration » et circulation
migratoire, Mondes en développement, Tome 23, n° 91, 1995,
p.89
41 Le Burkina Faso compte au total 34
représentations diplomatiques et consulaires dont 28 ambassades. On
dénombre également un gros effectif de consuls honoraires.
font l'objet de critiques du fait de leur indisponibilité
constante, ne peut venir à bout du problème.
Le CSBE travaille à combler le défaut de
représentations consulaires. Pour cela, il dispose de
délégués dans les principales localités où
résident des Burkinabé et initie régulièrement des
missions consulaires dans les zones concernées.
Les délégués consulaires sont les points
focaux du CSBE dans leurs circonscriptions de résidence. Ils collectent
les demandes de documents officiels (certificats de nationalité, actes
d'état civil, cartes consulaires passeports...) qu'ils transmettent
à l'ambassade ou au consulat dont ils relèvent. Ce dernier
service se charge du traitement de ces demandes. Il convient de noter que les
délégués consulaires n'existent pas dans toutes les
localités où résident des Burkinabé. Par ailleurs,
le manque de confiance dans ce personnage et la faiblesse de ses moyens
handicapent fortement l'action du délégué consulaire. La
solution du délégué consulaire a donc une
efficacité limitée.
L'autre solution est l'organisation de missions consulaires.
Ces missions ont entre autres objectifs de délivrer des documents de
voyage et autres documents administratifs (cartes d'identité, carnets de
voyage CEDEAO, actes de naissance, certificats de nationalité, actes
d'individualité) aux Burkinabé de l'étranger et de
collecter des demandes de passeports ordinaires en vue de leur
établissement à Ouagadougou. Selon le CSBE, cela entre dans le
cadre de la protection et de la défense des intérêts des
Burkinabé de l'étranger. Malheureusement ces missions ne peuvent
s'effectuer partout où de besoin et autant de fois que nécessaire
au regard de la contrainte budgétaire que rencontre le CSBE. Ce sont
donc des missions sporadiques qui ne peuvent atteindre les objectifs
escomptés.
Il est à noter que le CSBE travaille en synergie avec
les consulats généraux et honoraires et les missions
diplomatiques à l'étranger dont les attributions se
complètent, ainsi qu'en collaboration avec les ministères de la
Sécurité et de la Justice dans l'accomplissement de ces
missions.
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