Paragraphe I : Les retours périodiques au
pays
En ce qui concerne les Burkinabé de Côte
d'Ivoire, on enregistre des retours de chômeurs, des retours avec
intention d'installation en vue de rentabiliser des activités agricoles,
commerciales ou autres, des retours d'enfants devant suivre leur
scolarité...
Pour ce qui est des Burkinabé d'Europe, notamment
d'Italie, il s'agit de visites
au cours des vacances qui se déroulent dans les mois
d'août et de décembre.
Les questions suivantes ont été posées aux
Burkinabé de l'étranger contactés dans le cadre de cette
étude :
- Quel type de contact avez-vous gardé avec votre
famille et vos amis au Burkina ?
- Vous rendez-vous de temps en temps au Burkina pour des
vacances ? (si oui, précisez le temps passé) Qu'en est-il de vos
enfants résidents ?
- Avez-vous l'intention de rentrer définitivement au
Burkina un jour ? Si oui, quand ? Sinon, pourquoi ?
La plupart des réponses rencontrées font
état d'un retour bref et régulier mais les intentions de retours
définitifs sont indécises. Plus fréquents sont les
contacts téléphoniques avec les membres de la famille et les
amis. Certains interviewés prétextent craindre des malheurs si
leurs visites au pays étaient plus fréquentes en faisant allusion
aux sorciers qui ne prendraient pas bien leurs réussites. Mais
ils disent répondre toujours présent à l'appel lorsqu'il
s'agit d'événements importants comme les décès et
autres funérailles de proches, les mariages...
Quelle que soit la nature des retours (visites à la
famille, réponses à des difficultés rencontrées ou
stratégie de redéploiement des activités et donc de
limitation des risques), ceux-ci montrent bien des relations intenses existant
entre le migrant et sa communauté d'appartenance.
Cette volonté de retrouver les siens peut
également s'observer à travers une vie associative
organisée de la communauté des migrants suivant des
caractéristiques bien définies.
Paragraphe II : La vie associative
Lorsque l'on parcourt l'« annuaire des structures
associatives de la diaspora burkinabé » produit par le Conseil
Supérieur des Burkinabé de l'Etranger (CSBE), on ne se doute pas
que les Burkinabé de l'étranger s'organisent en association.
S'afficher comme un groupe unitaire est l'objectif des
associations de ressortissants de Burkinabé éparpillés sur
un territoire donné. Reynald BLION30 rapporte les propos d'un
responsable de l'association des jeunes Burkinabé de Treichville :
« on a créé cette association pour rappeler
à nos enfants nés en Côte d'Ivoire l'importance
pour eux de connaître leur culture. (...) Quand tu couches chez quelqu'un
qui, en t'accueillant peut t'aider à faire
fortune, il ne faut pas pour autant oublier d'où tu viens,
ton pays d'origine... ». Comme pour dire que celui qui couche
sur la natte d'autrui couche à terre et qu'il faut bien se
30 Reynald BLION, Les Burkinabé de
Côte d'Ivoire entre « intégration » et circulation
migratoire, Mondes en développement, Tome 23, n° 91, 1995, p.
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le rappeler à tout moment en vivant dans la
solidarité les Burkinabé de l'étranger s'organisent
toujours en association partout où ils sont.
L'annuaire 2008 dénombre en effet un total de 139
associations réparties dans 21 pays européens, africains et
asiatiques. De façon détaillée, on en a : 28 en France, 01
en Espagne, 03 en Tunisie, 01 en Belgique, 01 au Pays Bas, 01 au Luxembourg, 05
en Allemagne, 01 en Russie, 02 en Suisse, 05 en Arabie Saoudite, 02 au Mali, 01
au Niger, 01 au Japon, 02 en Algérie, 08 au Ghana, 01 au Togo, 01 au
Bénin, 32 en Côte d'Ivoire, 16 au Sénégal, 01 en
Mauritanie, et 26 en Italie.
Dans leur ensemble, on peut distinguer une première
catégorie d'associations que l'on pourrait qualifier de
fédératives, une deuxième catégorie d'associations
tenant compte de l'entité territoriale de provenance ou de celle
d'accueil ou des deux à la fois et enfin une troisième
catégorie d'associations liées à la profession. Comme
exemples d'associations fédératives, on a l'Union des
Burkinabé de Belgique, l'Association des Burkinabé
résidant au Bénin (ABRB)...
Pour la deuxième catégorie, on a d'une part les
associations de ressortissants d'une zone déterminée du Burkina
résidant dans le pays d'accueil (exemple : Association des
Ressortissants de la Province d'Oubritenga en Côte d'Ivoire) et d'autre
part les associations de Burkinabé résidant dans une zone
donnée du pays d'accueil (exemple : Comité d'Organisation des
Burkinabé de l'Ouest de la France). On distingue aussi les unions de
Burkinabé ressortissant d'une région du Burkina et
résidant dans une région précise du pays d'accueil. Par
exemple, l'Association des ressortissants de Béguédo via
Annunciata (Lecco, Italie).
Enfin, on a dans la catégorie des associations
liées à la profession des exemples comme l'Association
Burkinabé des Taxis à Paris, l'Association des Burkinabé
de la Banque Africaine de Développement (BAD), l'Association des
Etudiants Burkinabé de Genève...
On peut se demander si le nombre élevé
d'associations dans un pays donné ne montre pas leur désunion. Il
convient de remarquer qu'il y a une coordination entre ces associations. Ceci
est visible pendant les cérémonies comme la fête nationale,
la fête du 8 mars ou même l'accueil des autorités nationales
en l'occurrence le Président du Faso qui ne manque jamais l'occasion de
rencontrer les Burkinabé résidant dans les pays qu'il visite.
Enfin, afin d'encadrer la diaspora et de lui donner une
structure administrative dont elle relèvera, les autorités ont
créé par décret n°93-132/PRES/PM/REX du 7 mai 1993,
le Conseil Supérieur des Burkinabé de l'Etranger (CSBE). Au fil
du temps, des modifications se sont avérées nécessaires et
ont produit l'actuel texte qui régit le CSBE : le décret
2007-308/PRES/PM/MAECR du 24 mai 2007. Il assigne aux CSBE les missions
suivantes :
> assurer la protection des Burkinabé de
l'étranger et leurs biens ;
> assurer leur pleine participation au développement du
Burkina Faso et promouvoir son rayonnement dans le monde ;
> faciliter leur réinsertion dans la vie nationale.
Conscientes des missions à elles assignées, les
autorités du CSBE travaillent de concert avec les missions diplomatiques
et consulaires, les associations de Burkinabé de l'étranger et
les délégués consulaires mis en place pour servir de
relais de l'administration. L'union des fils du Burkina à
l'étranger et la solidarité entre eux et avec leurs frères
restés au pays sont le credo du CSBE qui organise
régulièrement31 des assemblées
générales au cours desquelles il insiste sur la solidarité
comme bloc fondateur du Burkina Faso traduisant l'unité de la nation.
On peut par ailleurs retenir que le rattachement au pays est
aussi lié à des variantes d'ordre social comme l'existence de
parents proches. Parmi les Burkinabé de l'étranger, certains ont
des conjoints et enfants ou des parents directs au Burkina, ce qui explique
leurs visites régulières. Ceux pour qui ce lien n'existe pas ne
sont pas prompts à s'y rendre à l'exception de cas isolés
pour raison de vacances. A titre d'illustration, Reynald BLION écrit que
« les
31 Depuis sa création, le CSBE est à sa
troisième assemblée générale
femmes participent à la circulation migratoire
entre le village d'origine et le lieu d'installation de leur mari en Côte
d'Ivoire par leurs visites et séjours au village plus fréquents
et souvent plus longs notamment au moment de l'hivernage que ceux de leur mari.
Pour celles qui sont en situation de polygamie, les rôles vont se
répartir indifféremment entre les co-épouses pour alterner
séjour à l'étranger et retour au village de telle
sorte qu'il est rare que les épouses cohabitent en Côte d'Ivoire
»32 et pour les migrants en Italie «il semble que
ceux qui ont fait venir leur femme et leurs enfants espacent de plus en plus
leurs visites au village alors qu'auparavant ils profitaient des congés
annuels pour rentrer au Burkina (...) »33. Cela signifie
donc que l'existence de conjoint au village explique largement les retours
périodiques des émigrés.
Chez d'autres, les retours au pays s'expliquent par des
réalisations économiques que l'on verra à la
deuxième partie de cette étude.
Dans tous les cas, on peut observer dans une certaine mesure,
une adéquation des modes de vie de Burkinabé vivant à
l'étranger avec les critères énoncés par Michel
BRUNEAU à savoir : la conscience et le fait de revendiquer une
identité ethnique et nationale, l'existence d'une organisation
politique, culturelle ou religieuse du groupe dispersé (vie associative)
et l'existence de contacts sous diverses formes réelles ou imaginaires
avec le territoire ou le pays d'origine. Il existe donc une diaspora
burkinabé qui reste rattachée au pays d'origine.
Le rattachement est effectif d'autant plus que des
Burkinabé de l'étranger entretiennent des relations
réelles (retours périodiques ou définitifs, contacts
téléphoniques...) ou imaginaires avec le Burkina. Le rattachement
n'est pas seulement matériellement constatable par les comportements
vestimentaires et alimentaires ou la possession de propriétés au
Burkina. Il s'exprime aussi à travers des signes comme
l'intégrité et l'humilité qui caractérisent le
Burkinabé.
Cependant, on ne peut ignorer que même si rattachement il y
a, le contraire ne
puisse pas s'observer. Quels peuvent donc être les cas de
non rattachement ?
32 Reynald BLION, « Studi Emigrazione/Etudes
Migrations » XXXIII n°121, 1996, p.63
33 Reynald BLION, op. cit., p.64
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