Paragraphe II : Une épargne par tête peu
signifiante
Déterminons d'abord le solde net entre les fonds
reçus des émigrés burkinabé et les fonds
renvoyés par les travailleurs étrangers résidant au
Burkina Faso. Le tableau suivant donne des renseignements.
Tableau 2. Les renvois des fonds des
émigrés et des immigrés (en millions de francs
CFA
ANNEE
|
EPARGNE RECUE
|
EPARGNE VERSEE
|
SOLDE NET
|
1990
|
38029
|
22014
|
16015
|
1991
|
31869
|
19934
|
11935
|
1992
|
34096
|
18555
|
15541
|
1993
|
33193
|
17501
|
15692
|
1994
|
44609
|
28289
|
16320
|
1995
|
46984
|
27332
|
19652
|
1996
|
56984
|
27336
|
29648
|
1997
|
51118
|
28725
|
22393
|
1998
|
54434
|
28597
|
25837
|
1999
|
59227
|
28391
|
21885
|
MOYENNE
|
45054,3
|
24667,4
|
19491,8
|
Source : Ministère de l'Economie et
des Finances
De ce tableau il ressort que le Burkina reçoit plus
d'épargne du reste du monde que le reste du monde n'en reçoit de
lui.
Si l'on rapporte maintenant ces différentes
épargnes aux effectifs correspondants, on s'aperçoit que la
contribution par tête d'émigré Burkinabé est plus
faible que la contribution par tête d'expatrié au Burkina. Sur la
période considérée en effet, un Burkinabé de
l'étranger rapatrie en moyenne46 4 879 FCFA par an tandis
qu'un étranger résidant au Burkina renvoie en
moyenne47 dans son pays 410 617 FCFA par an, en considérant
que tout le monde est actif et que toute chose est égale par
ailleurs.
Au vu de ce qui précède, deux hypothèses
se dégagent : ou la population migrante burkinabé refuse de
contribuer au développement du Burkina, ou elle n'en a pas la
capacité.
45 Nata PODA, « Migration et développement
au Burkina Faso » in Forum national sur les
migrations : quelle politique de migration pour le Burkina Faso
au 21è siècle ?, Ouagadougou, Ministère de
l'Intégration Régionale, 2001
46 Montant annuel moyen de l'épargne (45 054
300 000 FCFA) sur effectif total (9 234 919, cf. annexe 1)
47 24 667 400 000 FCFA sur 60 074 (voir cet
effectif des étrangers vivant au Burkina dans Mathieu OUEDRAOGO et
Toubou RIPAMA, Analyse des résultats du RGPH 2006, état et
structure de la population, INSD, septembre 2008).
On peut remarquer que la population migrante burkinabé
étant dans sa majorité issue du milieu rural, elle manque de
qualification et donc de professionnalisme, ce qui limite la valeur
ajoutée qu'elle dégage de son activité et donc la valeur
de l'épargne rapatriée. Si cette population s'est
spécialisée dans l'agriculture, on peut néanmoins
distinguer les ouvriers agricoles (notamment en Côte d'Ivoire, au Ghana
et en Italie) des propriétaires terriens (principalement en Côte
d'Ivoire et au Ghana). Les petits emplois ne rémunèrent
certainement pas bien ; l'agriculture est peut-être liée aux
aléas climatiques et à la conjoncture internationale (termes de
l'échange) mais les propriétaires terriens devraient être
les plus nantis.
Mais pourquoi dans les mêmes conditions certains
migrants contribueraient plus que d'autres ? Théoriquement on pourrait
imaginer que ceux qui contribuent plus sont ceux qui gagnent plus. Si cela
n'est pas le cas, c'est qu'un autre facteur entre en ligne de compte :
l'intérêt à agir.
On remarque en effet que les Burkinabé d'Italie,
quoique étant dans leur majorité des ouvriers exerçant
dans l'agriculture, sont ceux parmi la diaspora qui contribuent plus au
développement du Burkina. Les vieux propriétaires fonciers
burkinabé de la Côte d'Ivoire et du Ghana privilégient
l'investissement dans les pays d'accueil. Ainsi dénombre-t-on plusieurs
fortunés d'origine burkinabé dans ces pays et qui n'ont
pratiquement rien investi au Burkina. L'intérêt à agir est
donc l'attachement.
Il ne suffit donc pas d'avoir les moyens matériels pour
participer à l'édification de la nation d'origine. La
volonté d'y participer demeure fondamentale.
Il est évident que des difficultés objectives
constituant des freins au rapatriement de l'épargne peuvent être
identifiées. Il s'agit entre autres de l'inadaptation des circuits dits
formels, du faible niveau d'instruction de la diaspora, de la volonté
d'escapade de certains migrants qui jurent une fois sortis de ne plus remettre
pied au Burkina ainsi que du faible accompagnement par l'Etat des
Burkinabé résidant à l'extérieur.
Ces difficultés ne sont pas insurmontables mais
nécessitent qu'on leur accorde une attention particulière. Des
voies et moyens peuvent être trouvés en vue d'améliorer le
rapatriement de l'épargne qui sert à des fins diverses au
Burkina.
|