Chapitre 3
PARTENARIAT ET SEPARATION
L'implication qu'affiche le capital investissement dans son
intervention, son suivi et sa sortie, du premier instant de son intervention
à celui de la séparation, constitue l'essence même de ce
métier destiné à encourager l'innovation des PME.
Ce partenariat entre l'investisseur financier et
l'entrepreneur se veut être de plus en plus actif, permettant au premier
de s'assurer de la bonne gestion du projet et de son contrôle, et au
deuxième de disposer de l'assistance d'experts qui outre l'apport
financier, se porte providence d'une aide relationnelle et
stratégique.
La sortie du capital investisseur concrétise le fruit
d'un partenariat actif se traduisant par la réalisation de plus-values
au moment de la cession des titres par la voie la plus avantageuse. Pour
l'entrepreneur, il est temps de voler de ses propres ailes une fois que
l'entreprise aura atteint les objectifs antérieurement visés dans
le business plan.
Nous essayerons dans ce chapitre de présenter tous les
attraits relatifs au partenariat entre le capital investisseur et
l'entrepreneur puis ceux relatifs à leur séparation.
Section 1 : le partenariat :
Le partenariat entre le capital investisseur et
l'entrepreneur est l'un des aspects les plus importants du capital
investissement. Un partenariat destiné à pallier l'importante
prise de risque de l'investisseur qui n'a d'autres garanties que celles de la
réussite du projet et les hommes qui sont à sa tête.
La vie en commun du capital investisseur et de l'entrepreneur
est animée par un certain nombre de relations que nous tenterons
d'exposer dans ce qui suit.
I. Le suivi des participations (le monitoring)
:
Le suivi des engagements ou monitoring est un accord de
principe définissant le style de relations entre l'entrepreneur
(actionnaires affiliés) et le capital investisseur et régissant
les règles de vie en commun. Le fondement de cet accord est forgé
du texte même du pacte d'actionnaires et celui de la lettre d'intention
répondant, ainsi, à plusieurs préoccupations :
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S'assurer que le plan de développement qui a
été approuvé est bien mis en oeuvre ; Ajouter de la valeur
à la participation ;
Suivre l'inversement et rendre des comptes aux investisseurs
;
La prévention des risques éventuels.
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Deus types de suivi des engagements peuvent être
opérés par le capital investisseur définissant le style de
relation qu'il a à entretenir avec l'affilié : le hand on et le
hand off.
L'approche hand on :
Cette approche fait référence aux relations
étroites liant le capital investisseur à son affilié,
impliquant la forte présence de ce dernier notamment en matière
de gestion, par le biais de ses interventions au conseil d'administration ou au
conseil de surveillance.
Ce type, le plus souvent utilisé lors de financement
d'entreprise en création ou en poste création, permet au capital
investisseur, muni généralement d'un droit de veto, de jouer un
rôle prépondérant dans la gestion de celle-ci, afin de
s'assurer de sa bonne orientation.
L'approche hand off fait référence à un
suivi attentif mais sans activisme particulier. Le capital investisseur se
comporte plus comme un actionnaire vigilant que comme un véritable
partenaire.
La forme la plus extrême du hand off est celle
qualifiée de « sleeping partner » ou partenaire dormant, qui
se tient à l'écart de tout développement de son
investissement.
Le style de monitoring adopté dépend de la
diversité qu'affiche l'entreprise : le statut juridique de l'entreprise,
son secteur d'activité, le cycle de vie dans lequel elle se situe, le
projet mis en oeuvre, l'évolution du marché,..., autant
d'éléments déterminant son degré d'implication dans
la gestion, le suivi et le contrôle de son investissement.
En général, les capital-investisseurs optent le
plus souvent pour une approche hand on respectant, ainsi les bases et la
logique du métier, privilégiant le partenariat actif et
l'assistance au management, ils mettent ainsi leur savoir faire au service de
l'entrepreneur, afin de lui permettre :
> de prendre tout au long de son parcours, les
décisions stratégiques les plus adéquates notamment en
matière d'investissement ou de croissance externe, d'où la
nécessité de recourir à une assistance
expérimentée dans l'étude l'évaluation et la
sélection de projet :
> de définir une stratégie financière,
la part leurs connaissances dans le domaine et les modèles internes de
mesure de la rentabilité qu'ils développent.
> de faciliter son intégration dans le tissu
économique, grâce à l'assistance relationnelle qu'il lui
procure, facilitant la recherche d'éventuels partenaires financiers ou
commerciaux.
L e reporting :
Il est vrai que le partenariat actif s'avère d'une
grande importance pour la société cible, encore faut-il assurer
au capital investisseur une parfaite transparence au moyen d'outils de
communication efficaces, mis en place entre les intervenants.
L'entreprise se doit donc de communiquer aux
capital-investisseurs toutes les données nécessaires, en vertu de
la priorité dont ces derniers jouissent ou de la clause d'information
contenue dans le pacte d'actionnaires.
Grâce aux informations fournies, la société
de capital investissement est en mesure de réaliser par elle-même
les éléments écrits d'un bon monitoring :
- un tableau de bord claire, précis et complet sur
l'exploitation de l'entrepreneur qui doit être mis a jour
régulièrement. Il doit pouvoir indiquer toutes les informations
liées au volume d'activité, a la rentabilité et a la
trésorerie ;
- des prévisions budgétaires et de
trésorerie ainsi que des bilans prévisionnels ;
- des situations financières complètes (bilans,
tableaux de comptes de résultats) trimestriellement ou semestriellement
;
- des états comparatifs permettant de comparer
prévisions et réalisations.
II. Les choix financiers du capital investisseur
:
Le partenariat liant le capital investisseur a son
affilié le confronte a deux questions majeures : - La première
est relative a la gestion : faut-il s'y impliquer ?
- La deuxième est relative au refinancement ;
procédera-t-on a un éventuel refinancement ?
1. La contribution à la gestion :
La question primordiale que se pose le capital investisseur lors
de toute prise de participation est celle relative a son éventuelle
intervention dans la gestion de l'entreprise.
Le capital investisseur soucieux quand au devenir de sa
participation, désire devenir associé aux prises de
décisions, il redoute, cependant, le risque inhérent aux
responsabilités d'administrateur.
Cette responsabilité peut être engagée
dans le cadre de la responsabilité générale et solidaire
du Conseil d'Administration ou a titre personnel, elle répond d'une
bonne gestion et du souci d'administrateur a prendre les décisions qui
s'imposent pour éviter tout problème pouvant compromettre la
situation de l'entreprise.
La défaillance des administrateurs dans la prise de
décision qui leur incombe, contraignant l'entreprise au
dépôt de bilan, peut amener un tribunal a prononcer la liquidation
de celle-ci et l'appel au comblement de passif.
Principal risque pour le capital investissement actif, le
comblement de passif va a l'encontre des administrateurs responsables de la
faillite de l'entreprise et vise a satisfaire aux dettes qui n'ont pas
été réglées par la liquidation.
Afin de remédier a ce danger et pour satisfaire a
leurs désirs de suivre minutieusement leurs participations, le capital
investisseur peut recourir a deux procédés selon les types de
société financée :
· intégrer le conseil de surveillance qui se borne
au contrôle, pour les sociétés dirigées par un
directoire et un conseil de surveillance ;
· nommer des censeurs qui ont des voix consultatives et
occupent les postes d'observateurs pour les sociétés
dirigées par un Conseil d'Administration.
2. Le refinancement :
L'injection de nouveaux capitaux propres dans la
société cible présente un problème pour la
société de capital investissement, surtout si ce refinancement ne
fait pas partie d'une stratégie financière
préétablie. Toutefois, il peut être envisagé en tant
que stratégie de financement telle que celle développée
par les américains par « les tours de financement ».
2.1. Le refinancement simple :
Le refinancement simple, prévu ou imposé par
l'évolution de la situation de l'entreprise, consiste à injecter
de nouveaux fonds dans l'entreprise un certain temps après le premier
financement.
Si le refinancement a été prévu, sa mise
en place est systématique sauf défaillance aux conditions
préalables qui lui sont assorties, ou si la situation financière
de l'entreprise s'est gravement détériorée de telle sorte
qu'un nouvel apport serait considéré comme un soutien abusif,
condamné par la loi.
Si le refinancement n'a pas été prévu et
que la situation dégradée de l'entreprise le motive, le capital
investisseur peut s'abstenir de le réaliser et de risquer de mettre en
péril sa mise initiale. L'enjeu est de savoir si ce financement
sauverait l'entreprise, ou au contraire, serait une perte supplémentaire
pour la société de capital investissement qui sera amenée
à réaliser une analyse approfondie sur cette nouvelle
augmentation de capital.
2.2. Le concept de tour de table :
Ce concept utilisé à l'origine par les
américains, de plus en plus adopté par les investisseurs
financiers dans le monde, consiste à financer l'entreprise en plusieurs
tours (rounds) : financer d'abord la constitution et le
démarrage, puis, une fois la production entamée, un second
round servira à prendre des parts de marché et à
lancer efficacement l'entreprise. D'autre sufinancements peuvent intervenir
après quelques mois pour soutenir la croissance ou prévoir
l'introduction en bourse.
Ce concept sert à amortir dans le temps les financements
colossaux que requièrent les nouvelles créations surtout dans le
domaine des nouvelles technologies.
III. La gestion des conflits :
Tout au long de leur vie en commun, investisseur et
entrepreneur peuvent rencontrer un certain nombre de problèmes auxquels
il faudra trouver une solution. Pour remédier aux divers
problèmes, ci-après cités, le capital investisseur devra
mettre en place un mécanisme de gestion des conflits afin
d'éviter l'option radicale.
1. Une différence d'interprétation d'une
clause d'un protocole :
En cas de divergence dans l'interprétation des clauses
d'un pacte précédemment signé, les parties feront, d'abord
recours aux juristes qui ont contribué à l'élaboration du
texte en question, dans une tentative de règlement à l'amiable.
Si le conflit persiste, ils auront à faire recours à l'arbitrage
des instances juridiques compétentes.
2. Un reporting peut fiable :
Le reporting constitue la base de dialogue entre les managers
opérationnels et le capital investisseur, il est fondé sur la
sincérité du détail d'information attestant de la
situation de l'entreprise permettant à l'investisseur de mesurer les
efforts, de cerner les difficultés et d'anticiper sur l'avenir.
Les conflits relatifs au reporting débutent souvent par
une dégradation de la situation de l'entreprise. Les gestionnaires loin
de réaliser les objectifs antérieurement énoncés
dans le business plan, embellissent le reporting afin d'altérer
l'appréciation du capital investisseur.
L'investisseur devra dans ce cas, intervenir pour
déterminer les causes exactes de cette dégradation en essayant
d'obtenir les données réelles de l'entreprise. Il peut même
être amené à changer sa politique de monitoring, passant
ainsi d'une relation souple basée sur la confiance à une autre
plus stricte.
Il faut signaler que, dans le but de rendre des comptes
à ces investisseurs, le capital investisseur est tenu de mesurer la
performance de son portefeuille périodiquement. Il est donc important
que la somme des reportings périodiques reflète la situation
annuelle sans écarts à l'arrivée.
3. Les divergences d'opinions stratégiques
:
La divergence d'opinions entre l'investisseur et
l'entrepreneur au sujet de stratégies à adopter (acquisition,
ouverture de nouveaux marchés, développement de nouveaux
produits, changement d'orientation stratégique...) est, le plus souvent,
réglée par recours aux clauses du pacte d'actionnaires, celles-ci
précisent en effet, le cas où l'investisseur disposerait d'un
droit de veto.
Les conflits d'intérêts souvent à
l'origine de cette divergence sont très dangereux, et doivent être
traités avec délicatesse afin de trouver un compromis entre les
divers partenaires et éviter, ainsi, l'éclatement du partenariat.
Toutefois, la meilleure solution est celle privilégiant le dialogue par
la multiplication des réunions et l'examen en commun des
opportunités.
4. Le remplacement des dirigeants :
La défaillance de l'équipe dirigeante pousse le
capital investisseur à exprimer le besoin de la remplacer. Une telle
situation peut être débloquée de deux façons. La
première est de recourir aux voix juridiques, la deuxième,
préconise de résoudre le problème à l'amiable et la
négociation avant d'opter pour la première jugée
coûteuse, longue et préjudiciable pour l'entreprise.
Outre les mesures de règlement à l'amiable, le
capital investisseur peut intervenir de deux façons différentes
qu'il soit actionnaire majoritaire ou minoritaire.
S'il est minoritaire et estime que l'équipe dirigeante
a failli sans espoir d'amélioration, il peut recourir aux instances
juridiques compétentes et demander une expertise de gestion ou
entreprendre une action en abus de majorité.
Par contre, s'il est majoritaire, il a le droit, voir le devoir,
de remplacer l'équipe dirigeante s'il estime que cette procédure
serait bénéfique à l'entreprise.
Nous conclurons cette section en mettant l'action sur le
dynamisme de l'économie qui fait qu'il est, en général,
impossible pour un projet de suivre les traits qui lui ont été
dessinés dans le business plan, dés lors, chacune des parties
doit faire des concessions sur ces propres intérêts.
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