Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray( Télécharger le fichier original )par Rania Kassir Universite Libanaise - DEA 2008 |
Chapitre IV : Erotique solaire :A. Hapax existentiel : des histoires mal construites :La trahison, l'adultère, l'abandon des enfants, leurs mauvais traitements.... c'est là que l'arbre généalogique de Michel Onfray plantait ses racines. Onfray dans la préface de son ouvrage Les vertus de la foudre544(*) nous relate que l'époux de sa grand-mère maternelle renonce à s'occuper de ses enfants après avoir découvert que son épouse le trahit. Las ! La mère d'Onfray et ses frères ne sont pas les enfants du père officiel mais plutôt d'un autre homme, un ouvrier agricole. Dès lors, sur l'instigation de son mari, l'épouse accepte de déposer son enfant (la mère d'Onfray) dans un cageot au pied d'une église de village en Normandie. La fille abandonnée va être prise en charge par des familles payées par l'Assistance sociale et où elle serait exploitée, frappée, humiliée... Toujours est-il que cette victime émissaire devenue mère rendra le même à son fils(Onfray). Afin de s'écarter de ce fragment de son identité, Michel Onfray met au point une « érotique solaire » qui s'avère un plaidoyer pour des histoires bien construites, raisonnables et contractuelles. Alors, suivons Onfray tout d'abord dans sa déconstruction de la morale dominante, la morale chrétienne pour se pencher après sur sa propre morale. B. Les deux modes de l'usage chrétien du corps :Comme il est déjà bien connu, la sexualité a depuis longtemps encouru le blâme des moralisateurs chrétiens. Tous réclament un renoncement radical à la chair.545(*) Cette « virginité absolue » s'accompagne d'une misogynie puisque depuis la faute originelle on associe la femme à la tentation et la concupiscence. Dès lors, s'éloigner du plaisir c'est détester les femmes. Et renoncer à celle qui provoque la faute originelle c'est permettre à l'homme, qui a jadis obéi aux tentations de la pécheresse, de se racheter. L'idéal serait donc le détournement de l'énergie sexuelle vers les prières, la méditation...toute activité sublimée. Néanmoins, le désir sexuel surgit au milieu de ce climat empoisonné546(*). Il montre alors que l'homme ne peut être un ange sans matière, sans chair, sans sexe et sans phallus.547(*) Pour restaurer cet état de fait, le christianisme se hâte de fixer le désir et d'empêcher son nomadisme. La libido posée comme un problème va être encagée dans le mariage chrétien. Ce dernier est le meilleur des remèdes puisqu'il nous délivre d'un mal plus grand que la sexualité conjugale.548(*) Cette codification de la libido se trouve dans la célèbre phrase de Paul de Tarse : « Il serait bon pour vous que vous continuerez à vivre seuls, comme moi. Mais si vous ne pouvez pas vous maîtrisez, mariez-vous : il vaut mieux se marier que de brûler de désirs. » (1 Corinthiens,7, 8,9) En un mot, si la chasteté dans l'absolu (virginité) s'avère utopique pour les uns, il reste à pratiquer la chasteté dans le relatif (mariage).549(*) Cette dernière nous amène à examiner la question du « désir comme manque ». * 544 Cf. Les vertus de la foudre, pp.9-19. Plus voir les premières pages de la préface de son ouvrage La puissance d'exister. * 545 Ce rejet hic et nunc de la sexualité a été abordé de façon récurrente dans l'oeuvre de Nietzsche. A titre d'exemple, dans Crépuscule des idoles, Nietzsche avait dressé un portrait ironique de la sexualité telle qu'elle est vue par le christianisme. A cet effet, il avait mis en relief la célèbre formule qu'on y lit dans le Nouveau testament : « Si ton oeil est pour toi une occasion de faute arrache-le ». Cela signifie que pour empêcher que des faits fâcheux ne se produisent, il suffit de réduire à néant tous les passions et les désirs. Nietzsche voit en cette attitude une « forme aiguë de la bêtise » car les dentistes ne sont pas autorisés à arracher les dents pour empêcher qu'elles ne nous fassent plus mal. Dans cette logique, Nietzsche avant Onfray a repoussé l'extirpation radicale ou le castrisme soutenu par l'Eglise. (Cf. Crépuscule des idoles, op.cit., La morale une anti-nature, pp.43-50) * 546 Cet incident nous rappelle la phrase de Nietzsche : « le christianisme a donné du poison à boire à Eros : il n'est pas mort, mais il a dégénéré en vice, » (Cf., Nietzsche, Par delà le bien et le mal, chapitre IV : Maximes et intermèdes §168, p.108) * 547 Onfray décrit l'ange dans la partie « la machine à faire des anges » de son ouvrage L'Art de jouir, op.,cit., pp.145-153. * 548 Cf. Théorie du corps amoureux, op.cit p.114 ; p.124 ; p.125 et La puissance d'exister, op.cit., p.127 * 549 Cf. La puissance d'exister, op.cit., p.127 |
|