Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray( Télécharger le fichier original )par Rania Kassir Universite Libanaise - DEA 2008 |
Chapitre III : Ethique élective :524(*)A. Hapax existentiel : Le lointain amour du prochain : l'orphelinat :525(*)Dans la préface à son ouvrage La puissance d'exister intitulée Autoportrait à l'enfant, Michel Onfray revient sur ses quatre années d'orphelinat chez des prêtres salésiens. Grâce à certains souvenirs amers, il atteste la vérité de son jugement : « Je n'ai jamais vu beaucoup les chrétiens aimer leur prochain. »526(*). Il voit donc que la devise générale de ces prêtres salésiens était : pour être obéis, soyons d'abord craint. Celle-ci est tout à fait contraire à l'esprit de Mai 68.527(*) A ce propos, tous ceux qui ne respectent pas leurs ordres et la discipline vont subir les tourments corporels : violents coups de pieds aux fesses, claques qui démanchent le cou, coupes données sur les joues. « Ces contempteurs de corps », selon l'expression de Nietzsche, ne savent s'y adresser autrement que sur le mode brutal. Plusieurs exemples relatés par le philosophe vont appuyer cette haine du prochain et de son corps. Le curé qui ouvre la vanne d'eau bouillante aux petits garçons qui s'attardent un peu dans la salle de bain. Un autre qui mettait les coupables dehors dans la nuit noire et froide suite à un léger chuchotement dans la chambre à coucher. Le prêtre pédophile qui abuse des petits garçons. Le prêtre infirmier qui déculotte et tripote ceux qui avouent un mal de tête... Du septembre 1969 à novembre 2005, trente-cinq années séparent Onfray de ces quatre années d'enfer. Durant ces années, une philosophie a vu le jour faisant passer Onfray du « je suis mort à l'âge de dix ans »528(*) (vie subie) à « pour ne pas mourir des hommes et de leur négativité, il y eut pour moi les livres (...) serein sans haine, ignorant le mépris, loin de tout désir de vengeance (...) je ne veux que la culture et l'expansion de cette puissance d'exister »529(*) Face à cet état de fait (vie), Michel Onfray entend fonder une philosophie jubilatoire qui dit un oui à la vie. Cette philosophie est présente dans tous les secteurs étudiés par le philosophe (éthique, érotique, esthétique...). Dès lors, la question qui nous préoccupe ici est d'étudier particulièrement la possibilité d'un hédonisme sur le plan d'une relation générale avec autrui.530(*) D'où le plaidoyer pour une intersubjectivité joyeuse heureuse et pacifiée contre l'amour du prochain des prêtres.531(*) Or cette intersubjectivité ne peut être accomplie, selon Onfray, que par le truchement d'une philosophie particulière, à savoir l « éthique élective ». * 524 Cf, La sculpture de soi, op.cit., pp.136-190 * 525 Cf, La puissance d'exister, op.cit., pp.15-49 * 526 La philosophie féroce, op.cit., p.113 * 527 Mai 68 est un évènement historique qui s'est développé en France en mai et juin 1968. Ce mouvement de contestation politique, sociale et culturelle luttait pour : la libération sexuelle, la montée du féminisme, la transformation des relations entre parents et enfants, entre hommes et femmes, entre Noirs et Blancs et entre classes sociales. Pour plus d'information sur Mai 68, consultez l'ouvrage suivant : Serge DAVID, Jean QUELLIEM, Caen 68, Editions du bout de Monde, 2008, 200p. * 528 La puissance d'exister, op.cit., p.15 * 529 Ibid., p.49 * 530 La question de l'intersubjectivité sexuée est une partie de l'intersubjectivité générale. Elle sera étudiée dans le second chapitre intitulé : « l'érotique solaire. » * 531 Pour Onfray, il y a deux sortes d'amour du prochain au sein du christianisme : l'amour du prochain des prêtres qui est sadique, et l'amour du prochain des gens du commun qui est masochiste. |
|