Approche des représentations du "participatif" des journalistes des sites indépendants d'information @rrêtsurimages et Médiapart( Télécharger le fichier original )par Claire PHILIPP EAC - Master de Manager de projet culturel 2009 |
4.2.1. En quoi les journalistes percoivent leur role comme indispensable même au sein d'une organisation distribuée de production d'informationSur le web beaucoup d'internautes ne contribuent que ponctuellement a l'élaboration de contenus, néanmoins doit-on s'en priver ? D'aucuns pensent que ces participations hiératiques, qui font masse, contribuent a brouiller l'offre en matière d'information par le foisonnement suscité. Selon le concept de la . longue traine ., ces internautes contribuent a la pluralité de contenus, qui prend la forme d'une organisation distribuée. Nous faisons ici l'hypothèse que, l'un des points expliquant l'ambivalence des représentations des journalistes a l'égard des contributions amateurs, est qu'ils les perçoivent paradoxalement, a la fois comme non pertinentes, et comme menaçantes pour leur profession. Ce tiraillement les entralnerait alors a réaffirmer l'importance de leur role dans le processus d'information en décrédibilisant ou en relativisant l'apport des UGC en termes d'information. Cette production, comme l'a soulignée Clay Shirky (TED, Institution VS. Cooperation74), ne pourrait etre envisageable dans une structure de presse traditionnelle, qui doit par définition faire en sorte que chacun de ses journalistes soit le plus productif possible, parce qu'un organe professionnel hiérarchique a des coats de structure importants (coats d'encadrement permettant de diffuser l'information du haut vers le bas après validation). 0r dans un système coopératif, oil chacun peut contribuer a son rythme a la mise en commun des . connaissances ., les 80% des opérateurs les moins productifs peuvent également partager de la . valeur . qui, par définition, est trop . fine . pour etre atteinte par une institution dans le sens oil elle n'a pas les moyens de ratisser ces 80% de connaissances infimes individuellement. Si on regarde ces contributions, on constate qu'elles élargissent le champ spatial et temporel des points de vue et le système coopératif ne considère pas a priori ces dernières comme moins importantes que les premières dans la mesure oil elles ne sont pas considérées sous l'angle d'un coat. 74 http://www.ted.comitalksilangiengiclay_shirky_on_institutions_versus_collaboration.html En effet, le partage des connaissances s'auto structure puisque les contributeurs ne sont pas intégrés a la structure mais y participent en tant qu'individus (renvoie a la notion des . foules intelligentes . d'Howard Rheingold). L'organisation stratégique de l'ensemble par le sommet est remplacée par une coordination spontanée de chaque acteur qui fait que le classement a laissé place au tagging, la hiérarchisation a priori au . ranking .75/vote a posteriori, la communication interne aux citations-hyperliens sur les réseaux sociaux...
Cette nouvelle structuration peut être assimilée au concept de . long tail . développé par Chris Andersen sur le site Wired77. Cette théorie veut que des : . produits qui sont l'objet d'une faible demande, ou qui n'ont qu'un faible volume de vente, pourraient pris ensemble representer une part de marche egale ou superieure a celle des best-sellers si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix » comme a réussi a le faire « Amazon.com » (Mediamorphose, n°21, p.23). Bien que cette théorie prenne place dans une logique marchande, on peut la transposer au « marché . de l'information. En effet, si les coats d'organisation de la structure sont minimes, pourquoi délaisserait-on 80% des contributions même si elles n'apportent ne serait-ce qu'une seule information et ne concernent qu'un très faible nombre de lecteurs ? Dans leur ensemble elles font masse et permettent d'avoir un balisage de 75 En français : Classement. 76 CABANIS Alexandre, . Médias traditionnels et acteurs du web 2.0 : vers la cohabitation ou la convergence des acteurs de l'information et du divertissement ? ., Directeur de these Julien Levy, HEC,décembre 2006 p.23. 77 http://www.wired.com/ l'information beaucoup plus fin que ne pourrait le faire une équipe rédactionnelle professionnelle. Ce a quoi certains professionnels pourraient rétorquer qu'elles . brouillent . l'information par trop d'information et qu'elles ne sont pas pertinentes du fait même qu'elles ne sont pas professionnelles, raison pour laquelle elles doivent être modérées, sélectionnées et hiérarchisées par une équipe de journalistes qui a pour mission d'être un intermédiaire facilitant et une garantie pour le lecteur. Beaucoup de journalistes pensent ainsi que leur role est plus important que jamais et est même amené a se développer, dans la mesure oil il répond selon eux a un besoin de repères en terme de légitimité des sources et d'analyse parmi le foisonnement d'informations qu'offre la toile. Ainsi, suite a la question . 0il va la presse a votre avis ? ., le journaliste Jérome Bouvier rejette l'idée d'une autosuffisance de chacun en termes de consommation d'information. Pour lui, au contraire les agrégateurs de contenus appellent a un renouveau de la demande.78 Pierre Haski, l'un des fondateurs de Rue 89, site qui voulait a l'origine faire de l'information . a trois voix ., déclare : 3 Nous travaillons avec nos internautes sur leurs propositions de contenus, et, parfois, lorsque nous reperons un commentaire, nous incitons son auteur a developper. C'est ce que nous appelons le "participatif encadre". Dans ce cas, le journaliste est essentiel, il s'efface, mais cette contribution n'existerait pas sans lui. Cela nous amene a recueillir de tres beaux temoignages [...] *79. Ces propos renvoient a la thèse de Clay Shirky, qui évoque que les membres de l' . Institution . rappellent toujours que leur role est indispensable a l'organisation de l'ensemble qu'elle soit hiérarchique, décentralisée ou distribuée. 0r, il s'avère que de nouveaux outils ont accompagnés cette transformation de l'organisation du web, dont la possibilité pour les internautes de tagger eux même les contenus qu'ils mettent en ligne. Ce phénomène génère une nouvelle
taxinomie du web qui permet une meilleure 78 ,4 L'ame d'un journal, ce bien précieux ., Liberation, 20 janvier 2009, interview par Frédérique Roussel de Jérome Bouvier, initiateur de l'édition spéciale des assises internationales du journalisme (Maison des Métallos, 20/01/09), journaliste et ancien rédacteur des RFI. 79 "Nous sommes les numéros 1 des pure players", interview de Pierre Haski, Electron libre, 10.02.09, http://electronlibre.info/Nous-sommes-Numero-1-des-pure,257 plus élaborés par un seul (le webmaster80), mais adoptés collectivement. Selon Tim 0'Reilly, . Le tagging se prete a des associations multiples et redondantes, plus semblables a celles que notre cerveau réalise, qu'a des catégories rigides .. Contrairement a une hiérarchisation et une structuration constituées a priori par une rédaction par exemple, la progression de l'internaute sur une . plate-forme d'intelligence collective . va être propre en fonction de la navigation de tag en tag, qu'il va opérer par préférence. Ce qui fait que, l'offre s'adapte a l'internaute et non l'inverse selon une structuration de sens . auto-générée ., qui appelle de plus en plus au web sémantique81. Cette structuration distribuée inquiète Bertrand Pecquerie au sujet du devenir des journalistes, menacés d'automatisation. Cela serait un véritable danger pour la démocratie selon lui82. La crainte latente est de se faire concurrencer par des multitudes d'internautes amateurs, se réduisant a des agrégateurs de contenus, sans qu'il y n'ait de contrôle final par le journaliste. 0r, ce processus de référencement et de navigation par lien procède d'une intelligence collective. La capacité de coordination de la communauté est évincée, celle-ci étant percue comme une entité floue puisque distribuée. C'est oublier que ce phénomène ne procède pas uniquement en un calcul d'algorithmes, mais également de facteurs inter-relationnels qui, a grande échelle, ont plus de chances de donner lieu a une hiérarchisation plus objective, que si cette dernière n'était que le fait d'une rédaction. Ainsi, la communauté est un espaces régit par des règles implicites, qui permettent a ses membres de valider ou non une information, même si ces codes ne sont pas reconnues par les journalistes. 80 Définition : administrateur de site (Cf. Petit Larousse 2009). 81 Cf. Définition du <4 web. 3.0 », lexique, annexe 7.2. 82 Extraits choisis de : <4 Et si les journalistes disparaissaient ? ., Télérama.fr, 14/01/09, Interview de Rick Edmonds (analyste au Poynter Institute, observatoire des médias américains) et Bertrand Pecquerie (Directeur du World editors forum, observatoire réunissant des rédacteurs en chefs du monde entier). Propos recueillis par Emmanuelle Anizon et 0livier Pascal-Moussellard. |
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