Les stratégies de défense en matière d'OPA( Télécharger le fichier original )par Olivier de MAISON ROUGE Université Clermont 1 - DEA de Droit des Affaires 2001 |
§2. L'accès au conseil d'administration83. - Les statuts de la société « opéable » peuvent encore fortifier les conseils d'administration et assurer la sécurité de leurs membres par diverses dispositions relatives aux conditions de renouvellement des conseils, à leurs conditions de fonctionnement ou encore aux modes de révocation des administrateurs. Cette stratégie, si elle peut paraître bénigne, est cependant admise et mérite d'être développée au sein d'une société en parallèle avec un autre moyen de défense anti-OPA. L'objectif avoué est de verrouiller l'exécutif de la société. De la sorte, un raider aura plus de mal à prendre le contrôle de la société s'il lui faut franchir d'autres barrières juridiques internes à la société dont il a pourtant la majorité à l'assemblée des actionnaires. 84. - Selon la loi, les membres du conseil d'administration restent nommés par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société. Cette disposition n'est toutefois admise qu'en théorie car dans la pratique il en va autrement. Normalement toutes les candidatures sont reconnues. Or, le milieu des affaires sélectionne très souvent au préalable les postulants au conseil d'administration. Ils sont en réalité présélectionnés par le conseil lui-même et ensuite élus par l'assemblée sur « injonction » du conseil d'administration. Rappelons également qu'un membre désigné au conseil d'administration n'est pas obligatoirement actionnaire. Il a trois mois pour régulariser sa situation. 85. - En premier lieu, afin de rendre plus difficile les changements dans la composition du conseil d'administration, les statuts d'une société cible peuvent exiger que, pour être valablement désignés, les administrateurs doivent justifier d'une compétence ou d'une qualité particulière (diplôme ou ancienneté dans la profession) ou soient ressortissants français ou de l'Union Européenne ou d'un pays avec lequel la France aurait passé une convention d'établissement interdisant une telle discrimination. Dans le même esprit, les statuts peuvent envisager d'imposer des conditions particulières d'éligibilité plus draconiennes encore aggravant les règles relatives au cumul des mandats ou à l'obligation de non concurrence. Ces mesures peuvent instaurer un régime d'interdiction visant la nomination d'un administrateur par ailleurs actionnaire, salarié ou dirigeant d'une société concurrente. 86. - En second lieu, certains auteurs s'accordent à penser qu'une société peut instaurer une procédure d'agrément pour la nomination d'un membre du conseil d'administration40(*). Dans un tel cadre, un candidat au conseil d'administration doit donc correspondre en tous points aux exigences érigées par la société. Il est alors coopté s'il a obtenu l'accord préalable des instances concernées. Cette procédure serait admise à condition toutefois qu'elle ne supprime pas toute liberté de choix dans la composition des organes de la société. 87. - A cette condition sine qua non, la jurisprudence semble favorable à ces clauses relatives aux nominations des administrateurs. Elle affirme qui plus est qu'une telle rédaction des statuts assure un équilibre au sein des conseils d'administration entre les différentes catégories d'apporteurs de capitaux (notamment les minoritaires)41(*). En revanche, outre la liberté de choix évoquée plus haut, une telle clause ne doit pas non plus porter atteinte à la révocation ad nutum des dirigeants. 88. - En outre, à la condition expresse que leur accord soit reproduit dans les statuts, les actionnaires alliés auront intérêt à prévoir ainsi une répartition catégorielle des sièges, destinée à interdire à une nouvelle majorité d'occuper à elle seule l'ensemble des fauteuils. Un renversement de majorité sera encore retardé grâce à un échelonnement des mandats. 89. - Il existe enfin le cas des pactes extrastatutaires. Dans un tel cas, les actionnaires s'entendent pour faire entrer une personne déterminée dans le conseil d'administration. Il y véritablement collusion. Dans la pratique, ils s'avèrent prendre la forme de pactes d'actionnaires. Or la licéité semble douteuse à première vue car elle s'oppose à la liberté du droit de vote, principe d'ordre public. Toutefois, la loi du 24 juillet 1966 ne condamne pas les engagements de vote sauf s'il y a des garanties attachées au vote42(*). A contrario, l'engagement de vote sans contrepartie serait licite. La jurisprudence se montrerait favorable aux pactes d'actionnaires portant sur la désignation des membres du conseil d'administration à deux conditions toutefois :
* 40 R. VATINET, Les défenses anti-OPA, Rev. Soc. 1987, p.539 * 41 CA Paris, 17 déc. 1954 ; CA Douai, 24 mai 1962 ; Trib. Com. Paris, 1er août 1974 ; CA Amiens, 10 mars 1977 ; Cass. Com., 19 déc. 1983 ; Cass. Com., 24 févr. 1985. * 42 Art. L.242-9 Ccom
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