71. - L'absorption de filiales cotées
ou non peut accroître considérablement la taille boursière
de la société et rendre ainsi toute OPA plus onéreuse. Le
but ici recherché est donc de « grossir pour être plus
difficile à croquer ou à digérer ».
Mais la présence d'actionnaires minoritaires dans les
sociétés absorbées peut néanmoins conduire à
la dilution des actionnaires majoritaires36(*).
Bien que les inconvénients soient les mêmes, la
société cible peut également acquérir d'autres
sociétés, et ce pour parvenir au même objectif.
Cette stratégie de défense a toutefois un
coût qu'elle doit pouvoir assumer et justifier auprès de ses
actionnaires.
72. - Une société qui craint
faire l'objet d'une OPI peut en effet tenter de se prémunir par une
politique d'acquisition appropriée. Elle peut ainsi imaginer d'absorber
son propre concurrent appliquant en cela l'adage selon lequel « la
meilleure défense reste l'attaque ».
L'idée étant qu'en acquérant une
entreprise appartenant au même domaine d'activité, une
société peut ainsi éviter une prise de contrôle par
vie d'OPA de la part d'une autre société concurrente, cette
dernière risquant alors de se trouver en position dominante et abusive
sur ledit marché. Il faut alors que ce marché soit
déjà suffisamment concentré pour que l'initiateur de l'OPA
subissent les foudres du conseil de la concurrence.
Tant que les autorités françaises et que la
Commissions Européenne pourront s'opposer aux conséquences d'une
OPA qui viendraient à restreindre les conditions de la concurrence et
notamment résulter en un abus de position dominante. Une telle menace ne
saurait manquer d'être prise au sérieux par un initiateur
potentiel.
73. - Une société
« opéable » peut encore choisir d'acquérir
une société appartenant à un secteur
réglementé.
En France, certaines activités font parties de secteurs
réglementés comme l'audiovisuel, la banque, la santé,
l'exécution d'une mission de service public, la défense nationale
ou la presse. Ainsi, les sociétés qui exercent ces
activités réglementées sont soumises à des statuts
particuliers qui peuvent éventuellement servir de parade anti-OPA. La
cession ou l'acquisition de ces secteurs spécifiques entraîne
ipso facto un droit de regard et l'émission d'un avis de la
part des autorités concernées.
De la sorte, posséder une banque ou un
établissement de crédit dans le patrimoine de l'entreprise ou
à travers un groupe de sociétés est susceptible d'alerter
le Comité des établissements de crédit en cas d'OPA non
seulement pour en prendre le contrôle mais aussi pour franchir certains
seuils de participation37(*). L'initiateur doit encore en informer le gouverneur
de la Banque de France depuis la loi NRE du 15 mai 2001.
74. - Plusieurs groupes français ont
mis sur pied un tel dispositif dans leur stratégie d'ensemble anti-OPA.
Une OPA soumise à l'accord des autorités administratives autres
que celles prévues dans la procédure de l'offre peut constituer
un facteur dissuasif, en particulier pour un acheteur étranger.
Toutefois, une telle filiale à elle seule ne saurait constituer un
facteur totalement dirimant. Tout dépend en effet de la
célérité du Comité des établissements de
crédit.
75. - La société susceptible
d'OPA peut enfin décider d'acquérir une société aux
Etats-Unis. Deux cas se sont effectivement présentés et de tels
procédés amènent à penser que ces investissements
sont très efficaces dans l'échec d'une OPA.
Des OPA européennes peuvent être conduites
à l'échec si elles portent sur une société qui
possèdent des actifs, des intérêts ou des actionnaires aux
Etats-Unis38(*). Ces
points de rattachement outre-atlantique peuvent donner lieu à
l'application des lois anti-trust américaines. Des blocages peuvent
ainsi être ordonnés par les autorités boursières,
par la Security and Exchange Commission (SEC), la division anti-trust du
département de la justice, de la Federal trade commission (FTC), voire
même le président lui-même en vertu de l'amendement
Exon-Florio si la transaction visée est de nature à porter
atteinte à la sécurité du pays. Une telle tentative d'OPA
peut donner à de longs et onéreux procès dissuadant tout
raider même des plus audacieux.
76. - L'affaire Minorco-Consolidated
Glodfields illustre parfaitement le propos. En octobre 1988, Minorco SA, une
société de droit luxembourgeois lançait une OPA contre
Consgold sur le marché boursier de Londres. Les dirigeants de cette
dernière ont saisi les tribunaux fédéraux de l'État
de New York aux fins d'empêcher la réalisation de
l'opération au motif que Minorco n'aurait pas respecté les lois
anti-trust. En appel, la cour admit sa compétence. Elle constata que
Consgold avait parmi ses actionnaires des américains qui
représentaient 2,5% du capital social et qu'il y avait bien trust selon
la législation américaine. Devant les obstacles judiciaires ainsi
dressés, Minorco préféra retirer son offre.
77. - De même, La société
d'investissements Hoylake avait projeté de racheter British American
Tobacco (BAT). Or, peu de temps auparavant, BAT avait acquis une compagnie
d'assurances américaine : Farmers. De la sorte, il fallait l'accord
des « insurance commissionners » avant que tout changement
de contrôle puisse être opéré. A l'instar de Minorco,
Hoylake préféra tourner casaque.
B. Le renforcement du fonctionnement de la
société