3. 2.1 Pauvreté et conditions de vie des
ménages
Il a été précisé au début
de ce travail que le but principal de l'étude est de mesurer et
d'analyser la pauvreté infanto-juvénile au Congo. Cependant, il
est simple de constater qu'un profil de la pauvreté des ménages
s'avère indispensable à cet effet ; les enfants étant
naturellement issus des ménages. Des raisons secondaires justifient
cette nécessité. D'abord, au sens de l'approche indirecte de
mesure de la pauvreté des enfants qui fait une présomption d'une
induction du bien-être des enfants par celui des ménages. Ensuite,
la disponibilité préalable dans la source des données, de
l'indice de richesse des ménages dont nous voudrions simuler la
compréhension, selon notre optique par les besoins de base.
3.2.1.1 Construction de l'indice de richesse des
ménages
L'indice de richesse des ménages (IRM) par l'approche
des seuils relatifs nommés «quintiles de bien-être
économique» a été élaboré par les
experts de ORC Macro via une (ACP), sur la base des informations relatives aux
biens durables possédés par les ménages et certaines
caractéristiques du logement. Cependant les cinq quintiles ne sont pas
décrits dans le rapport final (Cf. Rapport d'analyse EDSC-I 2005, p.22),
bien que l'IRM ait été inséré dans le fichier
EDSC-I 2005 disponible. Cet indicateur ne nous étant pas familier, nous
en faisons une simulation, question d'approcher, un tant soit peu, une facette
des variables caractéristiques de chacune des 5 classes ou quintiles.
Les notations suivantes sont adoptées dans le présent travail
:
Le plus pauvre F Plus pauvre : classe 1
Second F Pauvre : classe 2
Moyen F Moyen Pauvre : classe 3
Quatrième F Riche : classe 4
Le plus riche F Plus riche : classe 5
L'agrégation du type Ward (minimisation à chaque
étape de la perte d'inertie inter-classes) a permis de classifier les
5879 ménages à partir d'un ensemble de 11 dimensions :
- Biens durables culturels et de cuisine (1) ;
- Biens durables de locomotion (2) ;
- Indice de peuplement de logement (3) ;
- Électricité (4) ;
- Natures : du sol (5), du toit (6), des murs (7) et des
combustibles de cuisine (8) ;
- Équipements sanitaires (9) ;
- Source d'eau potable (10) et durée d'aller-retour pour
prendre de l'eau potable (11).
Les résultats sont inscrits sur l'arbre de la figure 3.1
ci-dessous.
Figure 3.1 : Dendrogramme [ou arbre] de classification
des ménages selon les biens durables possédés et certaines
caractéristiques de logements
Classification hierarchique directe
Source : I'auteur I EDSC-I
2005
ATM
ATCC
ATSE
ATT
ATMS
VNGFX
VOCA
TRSAB
SCE
TRBA
SANWC
CHASC
TOLT
CHASM
CARO
GAZ
ORDI
CELEC
TELFIX
TV
CIAG
CHRB
TELPORT
CIM
TOLM
PAY
RIVFL
PUITS
BRIQ
FRGPU
BPLS
FSLATM
NELEC
IPL2
BPLM
IPL3
IPL1
FSLATC
RDIO
MQMN
RBPCL
FSLAMC
RFGR
RBLOG
RBEXT
PTRL
FSLAMM
ELEC
Coupe verticale imposée ici
Cet arbre, à travers la coupure que nous lui avons
imposé, renseigne sur le nombre de classes souhaitées,
à savoir cinq (5). Notons qu'une coupure idéale du
dendrogramme,
réaliserait une partition en trois classes au lieu de
cinq, ce qui serait un résultat plus pertinent mais manquerait
d'adhésion à l'approche des «quintiles» dont nous
faisons une simulation. Les cinq catégories de ménages sont:
· classe 1 : regroupe les
ménages qui se rassemblent autour des variables que sont
l'approvisionnement en eau potable tantôt par les sources (SCE)
tantôt par les rivières/fleuves. Leurs logements présentent
des murs faits en terre battue (TRBA) ou d'autres matériaux (ATM), de
toiture en paille/chaume (PAY) et le sol en terre ou sable (TRSAB). De par les
caractéristiques du Congo, voire des PVD en général, l'on
présumerait ces types de spécificités comme tributaires
des ménages ruraux. Et l'on sait que de tels ménages sont plus
enclins à la pauvreté en infrastructures et à la
vulnérabilité de l'existence humaine ;
· classe 2 : regroupe les
ménages qui se rassemblent autour des variables que sont l'utilisation
de fosses ou latrines traditionnelles dans le ménage (FSLATM) comme
sanitaires, des murs en briques faites de terre cuite/non cuite (BRIQ) et le
sol couvert de bois/planches (BPLS) ou d'autres matériaux (ATMS). Ces
ménages sont sans toilette/ Nature (SANWC), utilisent d'autres
combustibles de cuisine (ATTC) et consomment de l'eau potable issue des puits
(PUITS), des forages publics (FRGPU) ou d'autres sources d'eau potable (ATSE).
En outre, ils ne sont pas électrifiés (NELEC). Il s'agit des
ménages «semiruraux», vulnérables mais ayant des
conditions de vie relativement meilleures que celles des ménages de la
classe 1;
· classe 3 : ménages aux
caractéristiques suivantes : murs en bois ou planches (BPLM), 1 à
6 pièces à coucher (IPL1, IPL2 et IPL3), fosses/latrines
traditionnelles en commun (FSLATC) comme sanitaires. Ces
spécificités sont communes aux ménages ruraux et aux
ménages urbains ;
· classe 4 : chasse d'eau en commun
(CHASC) ou fosses/latrines modernes dans le ménage (FLAMM) comme
sanitaires, possession de radio (RDIO), toiture en tôles (TOLT), moins de
15 minutes pour chercher de l'eau (MQMN). De telles spécificités
caractérisent les ménages «semi-urbains»,
présumés avoir un bien-être meilleur que celui des deux
premières classes43 ;
· classe 5 : renferme les
ménages qui utilisent le butane (GAZ), le pétrole (PTRL) et le
charbon de bois (CHRB) comme combustibles de cuisine. Ils sont
électrifiés (ELEC) au point qu'ils utilisent des combustibles
électriques pour la cuisine, la réfrigération pour les
aliments (RFGR), la télévision (TV), le téléphone
fixe (TELFIX) et l'ordinateur (ORDI). La
43 Jusque-là nous nous réservons de
localiser et d'apprécier le bien-être des ménages de la
classe 3.
possession d'un téléphone portable (TELPORT),
d'une voiture/Camion (VOCA), les logements aux murs cimentés/agglos
(CIAG), au sol en vinyle/gerflex (VNGFX), cimentés (CIM) ou
carrelés (CARO) sont aussi leurs caractéristiques d'habitation.
Pour les lieux d'aisance, ces ménages utilisent les fosses/latrines
modernes en commun (FSLAMC), aux fosses/latrines modernes dans le ménage
(FSLAMM) ou chasse-eau dans le ménage (CHASM). Enfin, pour
s'approvisionner en eau potable, c'est l'eau de la Société
Nationale de Distribution d'Eau (SNDE) qui est consommée à
travers un robinet extérieur (RBEXT), le robinet privé du
logement (RBLOG) ou le robinet de la parcelle (RBPCL). L'on voit qu'il s'agit
dans cette classe des ménages caractérisés par des
indicateurs qui leur confèrent le statut de ménage urbain et donc
de niveau de vie relativement meilleur par rapport aux classes 1, 2 et 4. En
effet, ils ont un cadre de vie assaini, possèdent des actifs modernes et
bénéficient d'un accès aux moyens de communication et de
transport.
Ces résultats pourraient être assimilés
à un prélude d'une facette de profil de pauvreté des
ménages congolais : bien-être inégalitaire discriminant les
plus pauvres des plus riches. Mais ils restent toutefois mitigés
même après cette séparation catégorielle. En effet,
à l'intérieur même de chacune des «classes
socio-économiques» de ménages, existent des
disparités, lesquelles sont révélées par la figure
3.2 qui complète l'arbre précédent.
Note : Les valeurs
affichées sur l'axe horizontale sont les scores normalisés. Pris
sur le facteur 1, ces scores ou poids constituent un indicateur composite de
pauvreté des ménages, au point de l'assimiler à l'indice
de richesse des ménages (Asselin, 2002). Le passage de ces scores
à un indice de pauvreté multidimensionnel a fait l'objet d'une
description plus haut. Pour le cas des ménages, notons que ce passage ne
relève pas de nos objectifs. A l'inverse, il s'avérera
indispensable pour le cas des enfants dont nous essayerons de mesurer
l'incidence, la profondeur et la sévérité de la
pauvreté.
Classe 5
Classe 4
Classe 2
Classe 3
Source : I'auteur EDSC-I 2005
Classe 1
Figure 3.2 : Hypercube de contingence de la
catégorisation des ménages semblables selon la zone de
résidence et certaines caractéristiques de la qualité
d'habitation.
Comme l'on sait que la classification produit des
résultats plus robustes qu'une ACM (M. Volle, 1981), cela est
corroboré ici, d'autant plus que certaines variantes sont confuses sur
la représentation de la figure 3.2 ci-dessus : la visualisation n'est
guère élégante au point de confondre le positionnement de
certaines modalités de variables sur un facteur, d'en oublier d'autres
et d'affecter de manière grossière une modalité dans une
classe voisine. Tel est le cas des postes NELEC ET ATMS, qui apparaissent dans
la classe intermédiaire (classe 3 encerclée), alors qu'elles sont
caractéristiques de la classe 2. Il en est de même des postes
VOCA, CELEC, TELEFIX, PTRL, RBPCL et CHASM, qui ne sont pas visualisables alors
qu'ils devraient apparaître dans la classe 5 du bas. Cependant, cette
représentation a ses avantages. Ici particulièrement, non
seulement elle fait apparaître sans ambiguïté les cinq
classes matérialisées par cinq rectangles, elle les oppose deux
à deux le long du premier axe factoriel, par rapport au milieu de
résidence. Le premier axe (facteur 1) est pour ainsi dire un axe
spatial, centré autour des ménages de classe intermédiaire
(classe 3) ou classe des ménages «moyen pauvre». Il oppose les
classe 1 et 2 aux classes 4 et 5 ; c'est-à-dire les ménages
urbains «plus riches» et «riches» aux ménages ruraux
«plus pauvres» et «pauvres». Une autre particularité
de ce graphique résiderait dans la hiérarchisation de l'ordre des
modalités des variables qui sont ordonnées de manière
à positionner celles décrivant le bienêtre, proches des
ménages riches le long du facteur 1, simulant à cet effet une
détérioration du bien-être lorsque l'on se déplace
de la gauche vers la droite : c'est la consistance ordinale sur le premier axe
factoriel (COPAF).
Note 3 : L'on fera attention sur
les signes des scores le long de l'axe 1. Ici particulièrement, ils sont
inversés. Cela ne modifie aucunement l'interprétation des
oppositions entre les classes 1, 2 avec les classes 4, 5. C'est le comportement
d'un hypercube de contingence restreint à un seul axe : il se
présente sur une diagonale et inverse les signes des
coordonnées.
Cela étant, il apparaît un second prélude de
profil de pauvreté des ménages congolais, à savoir une
pauvreté qui revêt un caractère régionale.
Malheureusement, les deux précédentes analyses
échappent à la mesure quantitative de l'état de
bien-être des ménages. En effet, elles illustrent des
considérations générales, en termes d'indicateurs qui
regroupent les ménages homologues à la vue de certains attributs
fondamentaux de l'habitat. Aussi, elles permettent de comprendre les dimensions
impliquées dans chaque modalité de l'indice de richesse des
ménages (IRM) dont elles ont donnée une facette. Cependant, elles
ne décrivent pas plus ou moins exactement ce qui se passe à
l'intérieur de chaque classe identifiée. Afin de connaître
le nombre de ménages en déficit de telles ou telles autres
caractéristiques, des détails chiffrés sur les
caractéristiques de l'habitat s'avèrent indispensables.
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