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Liberté de circulation et d'établissement dans l'UEMOA

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par Bagnon Gnagbo César ZOUHO
Université de Cocody-Abidjan - DEA de droit public 2006
  

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CHAPITRE II : LES PERSONNES MORALES

Au lieu d'agir isolement, il est fréquent que les individus unissent leurs volontés. L'univers économique, politique, social, culturel est ainsi constitué en dehors des individus, d'une multitude de groupes et de groupements dotés de la personnalité juridique que le droit désigne par l'appellation `'personne morale''. Les fondateurs de l'UEMOA n'ont pas manqué de percevoir que ces personnes morales sont des acteurs économiques dont la dimension et le dynamisme sont sans commune mesure, avec celles des personnes physiques ; les négliger dans le cadre de la liberté de circulation de d'établissement aurait été une profonde méprise à la base de la stagnation, voire de l'inutilité de l'organisation sous-régionale.

C'est pourquoi l'article 92, paragraphe 2 du traité assimile aux ressortissants des Etats membres, « les sociétés et personnes morales constituées conformément à la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale et leur principal établissement à l'intérieur de l'union... ».

Dans l'analyse de cette disposition, il n'est pas contre-indiqué de s'intéresser à la variété des entités prises en compte (Section I) avant d'étudier les conditions de jouissance des droits reconnus par le traité de l'UEMOA (Section II).

SECTION I : LA VARIETE DES ENTITES PRISES EN COMPTE

Dans le bénéfice des libertés communautaires, le traité de l'UEMOA établit une démarcation entre les sociétés d'une part (paragraphe I) et d'autre part les autres personnes morales (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES SOCIETES

Les sociétés sont au coeur de l'intégration économique en Afrique. Elles sont de par leur nombre et leurs activités, des acteurs incontournables dans le renforcement de la cohésion entre les Etats membres de l'UEMOA ; c'est d'ailleurs pourquoi le traité les assimile aux bénéficiaires des libertés communautaires. Il est fort regrettable cependant de constater que le traité de l'UEMOA, en étendant la liberté d'établissement aux sociétés, ait omis d'en donner une définition claire. Cela aurait permis d'éviter des interprétations conflictuelles et de mieux appréhender cette notion.

Il y a lieu dès lors, de s'attarder sur la notion de société, afin d'en cerner les contours (A); cette opération faite, on s'évertuera à établir une typologie de ces entités (B).

A- LA NOTION DE SOCIETE

La Notion de société n'est pas nouvelle. C'est pourquoi la conception communautaire de la société ne devrait pas en principe être trop éloignée de celle qui prévaut déjà en droit interne.

Ainsi, pour rendre compte de la société telle qu'elle est entendue par l'UEMOA, on pourrait se référer à la réponse donnée par l'article 1832 du code civil ivoirien qui dispose : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leurs industries en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée dans les cas prévus par la loi par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». De cette disposition, on peut retenir que la société doit permettre à ceux qui la constituent de faire des économies qu'ils repartissent entre eux. Il n'est pas superfétatoire ici de mettre en exergue la distinction opérée entre la société pluripersonnelle formée par deux ou plusieurs personnes et la société unipersonnelle oeuvre d'une seule personne.

La définition de la société qui vient d'être esquissée ne permet pas d'éluder la question relative à la nature juridique de cette entité. Le fait est que plusieurs positions doctrinales ont été adoptées à ce propos sans qu'aucune n'ait pu faire véritablement l'unanimité31(*). Il se pose alors la question de savoir quelle est la vision de l'UEMOA en ce qui concerne la nature juridique des sociétés bénéficiaires de la liberté de circulation et d'établissement. Cela revient en pratique à se demander si la société telle qu'entendue par l'article 92 du traité doit nécessairement avoir la personnalité juridique32(*).

A priori, la réponse à cette interrogation pourrait être négative. La dissociation société/personne morale étant perceptible dans les termes mêmes de l'article 92 du traité de l'UEMOA, on serait tenté d'affirmer qu'une société ne possédant pas la personnalité juridique pourrait jouir des libertés communautaires. Cependant, plusieurs indices poussent à admettre une position contraire. En effet, le droit communautaire exige des sociétés qu'elles soient constituées conformément à la législation des Etats membres et qu'elles soient rattachées à ceux-ci par des éléments comme le siège ; si l'on considère que le siège est un des attributs de la personnalité morale, on doit conclure que seules les sociétés jouissant de la personnalité juridique sont concernées par l'article 92 du traité de l'UEMOA. Cela dit, la distinction faite entre société et personne morale n'est pas fortuite ; elle peut s'expliquer par la volonté des rédacteurs du traité de l'UEMOA de reconnaître la prééminence des sociétés qui, de toutes les personnes morales, demeurent celles qui sont les plus dynamiques dans le domaine économique.

Cette observation faite, il est bon de noter que la notion juridique de société est à démarquer de celle d'entreprise33(*). Aussi l'article 92 définit-il la liberté d'établissement en référence aux sociétés alors que l'article 88 du traité pose des règles de concurrence visant les entreprises34(*).

Avec ce point, s'achève notre bref mais utile retour sur la notion de société. On peut s'estimer assez outillé pour en étudier la typologie.

B- TYPOLOGIE DES SOCIETES BENEFICIAIRES DE LA LIBERTE

DE CIRCULATION ET D'ETABLISSEMENT

Le traité de l'UEMOA n'énumère pas les types de sociétés qui pourraient être considérés comme bénéficiaires de la liberté de circulation et d'établissement. Cette lacune ouvre droit à toutes sortes de supputations puisqu'il y a « presque autant de formes de sociétés que de sortes de fromages ».35(*) S'adonner à une taxinomie dans le cadre de notre travail serait une entreprise périlleuse, à même de nous détourner de nos objectifs.

A la vérité, on peut se demander quels types de société pourraient jouir des libertés communautaires. Sur ce point, le silence du traité de l'UEMOA autorise un regard extensif sur la notion de société qui permet d'y inclure les sociétés de droit civil, les sociétés de droit commercial ainsi que les sociétés coopératives. 

On appelle sociétés de droit civil, les sociétés dans lesquelles « les associés répondent des dettes sociales indéfiniment (mais non pas solidairement) sur leur patrimoine personnel et les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec l'agrément de tous les associés »36(*). Cette forme de société est fréquemment utilisée dans l'immobilier (avec notamment les sociétés civiles immobilières) ou par des personnes exerçant la même profession libérale (les sociétés civiles professionnelles de médecins, de notaires, etc.) ou encore en matière agricole.

Les sociétés commerciales, quant à elles se définissent tantôt par leur forme, tantôt par leur objet37(*). Les sociétés commerciales par la forme sont soit des sociétés de personnes (c'est l'exemple de la société en nom commercial et de la société en commandite simple), soit des sociétés de capitaux (c'est l'exemple de la société anonyme), soit des sociétés de forme hybride (à l'image de la société à responsabilité limitée. Sont aussi qualifiées de commerciales, les sociétés qui ont pour objet « l'accomplissement habituel des actes de commerce (échange dans les domaines industriels, financiers, artisanal, intermédiation, courtage, etc.) ».38(*)

Les sociétés coopératives, elles, sont conçues comme des sociétés à objet civil ou commercial selon le cas créées dans le but d'éliminer le profit capitaliste, soit par la mise en commun de moyens de production, soit par l'achat ou la vente de bien en dehors des circuits commerciaux. Leur but n'est pas de réaliser et de partager un profit, mais d'améliorer le sort de leurs membres qui reçoivent éventuellement des ristournes sur les résultats bénéficiaires39(*).

Ces sociétés coopératives sont diversifiées. On distingue entre autre, les sociétés coopératives ouvrières de production, les sociétés agricoles, ou encore les sociétés coopératives de commerçants détaillants.

Bien qu'elle soit encore perfectible, la vision qui vient d'être proposée permet de déduire des termes du traité, un éventail de société susceptible de bénéficier des libertés communautaires. Reste à présent la question des autres personnes morales.

* 31- Pour ce qui concerne les positions les plus connues, on peut citer celle qui voit dans la société un contrat ou encore celle qui y découvre une véritable institution. A côté, on a la position de ceux qui pensent que la société est nécessairement une personne morale.

* 32 -A ce niveau, il faut rappeler qu'en droit interne, certaines sociétés n'ont pas la personnalité juridique ; ce sont notamment les sociétés en participation et les sociétés créées de fait.

* 33- Si pour Paul DIDIER, la société est « une entreprise qui doit son capital à deux apporteurs au moins et, en fait, parfois, à des centaines, des milliers, des millions d'actionnaires», on constatera cependant que les notions de société et d'entreprise ne coïncident pas toujours même si dans bien des cas il est préférable que l'entreprise soit exploitée sous la forme sociétaire. Ainsi il est bon de retenir que « toute entreprise n'est pas une société, à preuve les entreprises individuelles dont le nombre dépasse celui des sociétés. La réciproque est tout aussi vraie : toute société n'exploite pas nécessairement une entreprise »

COZIAN (Maurice), VIANDIER (Alain), DEBOISSY (Florence), DROIT DES SOCIÉTÉS, Litec, 19ème Ed., Paris, 2006, P.16

* 34- Ainsi l'article 88 § a du traité interdit de plein droit « les accords, associations et pratiques concertés entre entreprise ayant pour objet de restreindre ou de fausser la concurrence ».

* 35- COZIAN (Maurice), VIANDIER (Alain), DEBOISSY (Florence), op.cit. ; P. 18

Selon les auteurs, il est possible d'adopter un grand nombre de classification des sociétés en fonction des sensibilités des uns et des autres.

* 36 -DIDIER (Paul), les sociétés commerciales, PUF, Paris, 1965, P. 28.

* 37 - l'acte uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique dispose ainsi en son article 6 : « le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou son objet »

* 38- Site du Centre National de Promotion des Investissements du Mali www.cnpi-mali.org, consulté le 17/07/08

* 39- Il est possible de dégager les principes directeurs des sociétés coopératives

-le principe de la variabilité du capital

- le principe de la double qualité : patron et salarié par exemple

- le principe altruiste : la vocation de la coopérative n'est pas seulement économique, elle est également sociale et morale.

- le principe démocratique : le coopérateur a droit à une voix, quelle que soit sa participation au capital.

COZIAN (Maurice), VIANDIER (Alain), DEBOISSY (Florence), op.cit. ; P. 13

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