Liberté de circulation et d'établissement dans l'UEMOA( Télécharger le fichier original )par Bagnon Gnagbo César ZOUHO Université de Cocody-Abidjan - DEA de droit public 2006 |
B- LE CONSTAT D'UNE SUBORDINATION
Pour jouir de la qualité de travailleur, l'accomplissement de la prestation par le ressortissant doit intervenir en faveur d'une personne, à qui incombe l'obligation de verser la rémunération. Cela induit l'existence d'une relation entre le travailleur d'un côté et l'employeur de l'autre côté. Notons que la qualité de l'employeur ne saurait avoir d'effet déterminant dans la mesure où celui-ci pourrait être aussi bien une personne physique qu'une personne morale, ressortissante communautaire ou non. Mais quelle doit être la nature du lien unissant le travailleur à son employeur ? Une telle question renvoie tout d'abord à se demander si le ressortissant doit être, comme en droit interne, nécessairement lié à son employeur de façon expresse20(*), c'est-à-dire par un contrat de travail, pour pouvoir bénéficier des avantages liés à la qualité de travailleur. La question se pose avec d'autant plus d'acuité que les relations de travail en Afrique ne sont pas toujours matérialisées par des contrats. En la matière, le contrat de travail ne devrait pas constituer une formalité substantielle. Dans la volonté d'étendre le champ d'application de la notion de travailleur, il est plus que probable que celle-ci prenne en compte non seulement les liens issus d'un contrat de travail mais aussi ceux qui découlent de l'existence d'une simple relation de travail21(*). Cela étant admis, on peut dès à présent soulever la question de la distinction entre travailleur salarié et travailleur indépendant. Sur ce point, force est de constater que le droit interne établit une nuance entre travailleur salarié et travailleur indépendant, le premier étant seul soumis à la législation sur le travail22(*). Il en ressort que, à la différence du travailleur indépendant, qui agissant pour son propre compte se borne à promettre à autrui l'exécution d'une prestation ou la fourniture d'un service, le salarié se place sous l'autorité d'un employeur pour l'exécution de son travail. Ainsi, à la dépendance économique, s'ajoute une dépendance juridique du travailleur salarié vis-à-vis de l'employeur qui conserve la direction du travail et corrélativement les profits et les risques. La distinction travailleur salarié / travailleur indépendant est elle reprise par le droit communautaire pour le bénéfice de la liberté de circulation et d'établissement ? L'examen de certaines dispositions du traité de l'UEMOA permet de révéler d'emblée que le traité prend en compte aussi bien le travailleur indépendant que le travailleur salarié. Ainsi, le travailleur salarié est visé par l'article 91 paragraphe 1 qui dispose : « (...) la liberté de circulation et de résidence implique l'abolition des discriminations en ce qui concerne la recherche et l'exercice d'un emploi » ; quant au travailleur indépendant, il est encadré par l'article 92 paragraphe 3 qui précise que le droit d'établissement comporte l'accès aux activités non salariés ainsi que leur exercice. Il est à noter une légère différence quant au régime applicable aux deux catégories de travailleurs. En effet, le travailleur salarié se voit reconnaître la liberté de circulation notamment pour « la recherche et l'exercice d'un emploi » tandis que le travailleur indépendant est beaucoup plus concerné par la liberté d'établissement en raison de l'exercice « d'activités non salariées ». Le contenu de la notion étant cerné, il sied à présent de se focaliser sur le critère de l'extranéité. * 20 Il faudrait noter à ce niveau que, en droit interne, le lien entre le travailleur et son employeur doit résulter d'un accord exprès entre les deux parties. Cf. article 2 du code du travail ivoirien précité.
* 21- A propos de la notion de relation de travail, il y a lieu de retenir ce qui suit : « Sur le plan de l'analyse juridique, une partie de la doctrine moderne a systématisé les modifications intervenues dans les rapports entre employeur et travailleur en cherchant à expliquer ces rapports sans faire appel à la technique contractuelle. Les obligations des parties se rattacheraient moins à un contrat conclu entre elles qu'à la relation de fait qui est résultée de l'accomplissement d'un travail dans l'entreprise sous l'autorité du chef d'entreprise. Cette relation de travail se substituerait au contrat dont l'existence, la validité ou l'absence cesseraient d'avoir des répercutions sur le statut du travailleur (...) ce sont les auteurs Allemands qui ont élaboré la théorie de la relation de travail en opposant cette notion à celle de contrat de travail ». RIVERO (Jean), SABATIER (Jean), DROIT DU TRAVAIL, PUF, Paris, 1960, P.157.
* 22- Voir article 2 du code du travail ivoirien précité. |
|