Partie 2 : L'intégration de la recherche des
causes et des circonstances d'incendie dans la méthodologie
opérationnelle.
I. L'évolution comportementale des sapeurs
pompiers
Toute profession doit impérativement savoir s'adapter en
tenant compte des évolutions sociologiques, des progrès
techniques mais surtout de la société dans laquelle elle
évolue.
Ces dernières décennies ont été
pour les SDIS, le temps de profondes réorganisations, tant sur le plan
structurel qu'à l'égard de la formation des personnels. Face
à l'évolution des risques et des moyens de les traiter, la RCCI
vient s'inscrire dans cette logique d'une meilleure compréhension de
l'éclosion des incendies, de leurs développements et des moyens
à mettre en oeuvre pour en limiter leur nombre.
I.1. La préservation de la scène d'incendie
Suite à un incendie, la qualité de la RCCI
menée va dépendre de << l'état de conservation
>> de la scène. Il est par conséquence primordial de
conserver en l'état et avec un maximum de précautions les futures
zones à investir afin de faciliter le travail des investigateurs.
I.1.1. Un soin particulier pour les << indices >>
exploitables
Pour mener à bien cet objectif, il semble
nécessaire de porter une attention et un soin particulier aux
éléments pouvant être ultérieurement
exploités par l'équipe RCCI.
Si l'on se réfère à l'article 434-4 du
code pénal, le fait d'effacer les traces ou indices d'un crime ou d'un
délit est sanctionné de trois années d'emprisonnement
associé à une lourde amende. Même si cette article n'est
cité qu'a titre indicatif, il permet de rappelé que le SDIS a une
responsabilité dans la préservation des éléments
pouvant permettre de déterminer la cause du sinistre. Il se doit,
à ce titre, de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires
à la protection et la préservation de la scène
d'investigation et de ses différents indices, tout en garantissant la
bonne sécurité du site et des intervenants.
I.1.2. La nécessité d'une concertation des
équipes engagées
Pour mener à bien cette mission, le travail individuel
est à proscrire. Il semble nécessaire d'introduire une notion de
<< concertation >> des équipes avant les opérations
de déblai et de dégarnissage. Elle permettra d'accompagner les
opérations de dégarnissage et de déblais en satisfaisant
les opérations de sécurisation du site que doit réaliser
le COS et ceux de matérialisation des indices dont a la charge
l'équipe RCCI.
I.2. La question du déblai
Le déblai, partie intégrante de la marche
générale des opérations (MGO) est une étape
cruciale de l'intervention tant ses conséquences auront des
répercutions sur la future RCCI effectuée.
Les méthodes de déblai actuelles ne sont pas
adaptées à la mise en place d'une investigation
ultérieure. Les sapeurs pompiers ont pour habitude de sécuriser
les lieux en vidant la pièce de son contenu et en grattant toutes les
traces de carbonisation empêchant toute lecture du feu. Les assureurs et
experts de justice en manifestent régulièrement le regret en ce
que cela porte atteinte au déroulement de leur mission.
Cette question doit être traitée avec un maximum
de précautions, de recul et d'attention pour permettre de proposer une
alternative aux méthodes actuelles, plus adaptées, tout en
garantissant la bonne sécurité du site, une non reprise de feu et
une bonne conservation des << vestiges » présents sur la
scène.
I.2.1. Le déblai point clé de toute
Investigation
La qualité d'une RCCI va en effet découler en
partie du déblai qui aura été préalablement
effectué. Cette opération, dans sa définition pose
problème dans la mesure où celle-ci consiste à supprimer
toute reprise de feu en pratiquant un << noyage » des parties
chaudes et en supprimant au maximum tout élément pouvant servir
de combustible afin de limiter les risques de reprise de feu.
Cette opération modifie donc par définition
considérablement l'aspect initial de la scène, rendant
très incertain le travail ultérieur des investigateurs.
Actuellement les officiers RCCI essayent, dans la mesure du
possible, de se rendre rapidement sur les lieux du sinistre pour pratiquer, en
accord avec le COS, les premières investigations avant que les
opérations de déblai ne soient réalisées.
Cette méthode ne peut être
considérée comme satisfaisante dans la mesure où elle
suppose que des équipes d'investigateurs soient d'astreinte dans le
département et surtout que l'investigation soit limitée dans le
temps afin de ne pas monopoliser les intervenants qui ne peuvent quitter les
lieux du sinistre tant que le déblai n'est pas réalisé et
que les lieux ne sont pas sécurisés.
La RCCI se doit de trouver dans l'action des SDIS, une
alternative permettant de garantir la bonne sécurisation des lieux tout
en préservant au maximum l'état du site.
Cette notion est fondamentale et préliminaire à la
mise en place d'une culture RCCI au sein du département.
La question délicate du déblai peut
néanmoins trouver des réponses dans la mise en application de
nouvelles technologies mises à la disposition des SDIS.
I.2.2. Les perspectives d'évolution
Les évolutions scientifiques et le perfectionnement des
nouvelles technologies mises à la disposition des services de lutte
contre l'incendie permettent une reconsidération des procédures
opérationnelles actuelles.
Les nouvelles générations de Fourgon Pompe Tonne
(FPT) et l'évolution du matériel permettent de poser une
réflexion sur une éventuelle évolution du
déblai.
Plusieurs évolutions technologiques sont à
disposition :
> La première est l'utilisation systématique
de camera thermique ou de thermomètre laser permettant de localiser et
de refroidir les points chauds sans modifier l'aspect de la scène.
> La seconde méthode consisterait à utiliser en
fin d'extinction une eau dopée,
> La dernière méthode consisterait à
utiliser un tapis de mousse en guise de protection.
La mousse permet en effet d'agir sur différents
paramètres :
Elle supprime l'apport de comburant,
Elle permet un refroidissement des points chauds,
Elle permet de conserver la scène dans son état
initial,
Elle peut présenter une durée d'action relativement
longue (suivant le type de mousse) Elle permet de limiter les
dégâts et préserve les biens.
Les nouvelles générations de Fourgon Pompe Tonne
(FPT) avec injecteurs et réserves d'émulseurs, directement sur
l'engin, permettent une mise en oeuvre rapide de lances à mousse.
Il semble intéressant de mettre en place au sein des SDIS
une réflexion sur ce sujet et pourquoi pas, lancer une
expérimentation de cette technique opérationnelle.
Certains paramètres restent cependant à prendre
en compte. La mousse a en effet la particularité d'être un corps
gras, ce qui peut engendrer des détériorations de biens, son
coût n'est pas négligeable et l'utilisation de certains
composés chimiques dans la fabrication des émulseurs peut
fausser les analyses effectuées par des experts de justice.
Une connaissance parfaite des différents constituants
chimiques de l'émulseur est donc nécessaire.
Une première solution concernant la
traçabilité des différents composés chimiques
constituant l'émulseur serait de se référer aux fiches
descriptives rédigées par le fabriquant.
Cette solution n'est pourtant pas réellement
satisfaisante. En effet, il est fondamental que la traçabilité de
ces composés chimiques soit des plus précises et des plus fiables
possibles.
Les nouvelles techniques scientifiques se portent d'avantage sur
l'analyse de l'émulseur par spectro-chromatogramme.
Il semble en effet plus fiable de réaliser une
première spectro-chromatographie de l'émulseur seul permettant
ainsi d'obtenir << une carte d'identité témoin >> du
produit.
Les analyses par spectro-chromatogramme effectuées
ensuite sur la scène permettront de procéder par superposition
des résultats, et d'éliminer les << traces >> de
l'émulseur pour ne conserver que les autres paramètres
(8).
Plusieurs pays utilisent également le système CAFS
(Compressed Air Foam System) autrement dit un système de production de
mousse par air comprimé.
Le principe est d'injecter dans l'eau l'émulseur au moyen
d'air comprimé. Ce procédé est directement utilisé
lors de la phase d'extinction.
Cette technique permet d'obtenir différents types de
mousses allant de la mousse liquide à la mousse dite sèche. Cette
technologie déjà en application dans le Val D'Oise sur les
nouvelles générations de véhicules de secours routiers
(VSR) présente cependant un coût important à l'achat.
(8)Informations recueillis auprès du Colonel
PICARD, directeur du CEREN de Valabre
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