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Le sound design musical des lieux publics haut de gamme

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par Benoit REBUS
Institut International de l'Image et du Son - Master of arts, spécialité SON 2007
  

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3. Application actuelle en situation (constatations et propositions)

3.1 Etat des lieux (visites, écoutes, rencontres)

Rapport de visite de plusieurs boutique de luxe
Saint-Germain-Des-Prés/Saint-Sulpice, Paris
Jeudi 07.12.2006 // 14h

Ces visites ont été l'une de mes premières démarches lorsque j'ai entammé ce mémoire. J'ai voulu me rendre dans des magasins de «luxe» du quartier de Saint-Germains-Des-Prés avec une oreille candide, en quasi-innocence de toutes notions liées à la socio/musicologie détaillées précedemment.

Première boutique ; Yves Saint-Laurent. L'espace me revient d'abord en mémoire, divisé en deux parties sur la gauche et sur la droite, la musique que je percoit me heurte de part son volume de diffusion, trés fort à mon gout, en tout cas trop par rapport à l'ambiance calme qui régne en de début d'aprés-midi. Autre constat qui va rapidement se généraliser à l'ensemble des magasins que je visite dans la demie-journée, la qualité excécrable des enceintes !! Leur implantation est partielle, vaguement étudiée, pas franchement optimisée.

Idem chez Christian Lacroix, Burberry, Kenzo, ArmaniÉ aucune de ces marques, pourtant des références «haut de gamme» dans la mode, ne m'ont satisfaite en terme d'audition pure. Le contenu étant difficilement qualifiable dans la mesure ou il est délicat et laborieu de rester plus d'une heure dans chaque magasin pour en juger la programmation. Mais qu'importe, le peu de temps ou je suis resté, je n'ai pas spécialement été attiré, ni intéressé par un seul morceau, c'est dire si, avec la médiocrité de la sonorisation, la sensation de confort m'a gagnéÉ

Je crois que sans aller plus loin dans les arguments, il y a déjà là énormément à faire. Si cela ne tenait qu'à moi, je ferai réaménager toute l'installation sonore de ces magasins. Seulement voilà, je ne connais pas les conditions dans lesquelles ces boutiques ont été construites, quels budgets ont été alloués, avec quels partenaires les ma»tres d'oeuvre ont travailléÉ toutes ces composantes diverses justifient peut-être finalement trés simplement les constats basiques que j'ai réalisé. Cela n'empêche que je ne comprend pas comment est-ce que des marques d'une telle dimension peuvent se satisfaire de ci peu.

Je considère qu'à partir du moment oü la musique est traitée avec le même investissement que le premier magasin H&M venu, une marque ne peut tout bonnement pas prétendre se positionner dans le «haut de gamme». Pour moi, ce secteur représente bien plus que de beaux produits sur de belles étagères, encore une fois, le luxe est un état d'esprit, au-delà la qualité intrinsèque des produits. Je dirai que la valeur ajoutée qu'est la marque de fabrique n'est que l'accès «minimum» au haut de gamme. Seulement cela ne suffit pas pour y être vraiment, comme peut l'être Vuitton par exemple.

Vuitton a une vraie conception globale du luxe. Le «vaisseau amiral» de l'avenue des Champs-Elysées le prouve à lui seul. L'architecture est incroyable, le design est travaillé par des icônes du genre, la sonorisation développée par des spécialistes, on y trouve même une gallerie d'art au 7è étage auquel on accède par un ascenceur conceptuel signé Olafur Eliasson ! Tout est cohérent. C'est une philosophie.

Flagship Louis Vuitton, Champs Elysées // Paris

Rencontre avec Gregory Cauzot

Music Manager des Galeries Lafayette, Paris Mardi 19.12.2006 // 12h

En me rendant déjeuner avec Gregory Cauzot aux Galeries Lafayette, je traverse d'abord l'espace Lafayette VO réservé aux jeunes. J'ôte alors le casque que j'ai sur les oreilles, comme un réflexe pour écouter la musique qui y est diffusée. Première constatation, le volume est assez fort mais nous sommes bien là dans un étage exclusivement réservé à la mode pour les jeunes donc le volume correspond bien au contexte de diffusion. Quant à la sélection musicale, on passe d'une house «soulful», à des rhythmes beaucoup plus calme en quelques secondes autant dire qu'à fort niveau on percoit trés nettement le changement ! Il faut savoir qu'aux Galeries Lafayette le logiciel de gestion de la musique est aléatoire. Il fonctionne comme une énorme base de donnée répartie en fonction des magasins et des étages (Lafayette Homme, Lafayette Femme, Lafayette Maison...) mais au sein de ces différents espace, la musique s'enchaine de maniére totalement aléatoire. Cela signifie donc qu'un même artiste voir un même morceau peut passer plusieurs fois dans la journée. Autre probléme, malgré un enrichissement fréquent de la base de donnée musicale, il se peut qu'un morceau récemment ajouté ne passe pas dans le magasin avant plusieurs jours ! Enfin, nous venons de le voir, il se pose un probléme de cohérence flagrant d'un morceau à l'autre. Cependant Gregory me confiera par la suite que sa sélection est cohérente d'une maniére globale, les styles de musique sont liés, il est simplement victime du hasard lors du passage des morceaux.

La coupole

Passons à un autre espace, le rez-de-chaussé de la coupole qui abrite, en ce mois de décembre un énorme sapin de no`l et toute la décoration qui va avec. Là encore on se heurte à un probléme de niveau sonore mais il est majoritairement dü à la foule qui se presse aux rayons parfumerie et autres sac à mains de luxe. Sur le plan de la musique, je trouve que la diffusion est relativement bien gérée compte tenu du brouhaha général des visiteurs. La programmation nous met immédiatement dans le bain, c'est du 100% no`l ! Gregory défendra son point de vue par rapport à cela. Malheureusement, ces directeurs voulaient cette ambiance, il est donc obligé de s'y plier. Cependant ce n'est pas pour autant que la sélection est mauvaise, loin de là. Tous les crooners sont au rendez-vous et le tout dégage une atmosphere féérique. Je me met alors à la place du touriste japonais qui se retrouve dans ce bain de no`l, je pense que c'est exactement ce à quoi il rêvait inconsciemment de trouver dans un lieu comme les Galeries Lafayette à la veille de Noël. Nous reviendrons sur la notion de recul par rapport avec qui l'on travaille, et en cela, les Galeries sont un exemple assez frappant. Ce magasin est quand même une, si ce n'est, l'icône du shopping à Paris avec tout ce que cela comporte; visiteurs internationaux, événements ponctuels (soldes, les 3J...), espaces multiples et singuliers. Les paramétres de sound design dans un lieu comme celui-ci sont infiniment nombreux et complexes.

Lors de mon entretient avec Gregory, il m'explique qu'à ses débuts aux Galeries, (été 2005) il pensait trop par rapport à son background personnel c'est à dire la musique soulful. Cette musique est rhythmée et s'inspire de la musique soul et de musique électronique house. Ainsi, ces playlists regorgeaient de perles soulful, cependant, sur une journée entiére cela devenait abrutissant et la qualité même des morceaux choisis empatissait. Il a donc repensé son approche pour ouvrir sa programmation aux influences même de la soulful, à savoir donc la musique noire américaine des années 70. La résultante de cette ouverture d'esprit est un mélange subtil d'une musique à la fois trés chaleureuse et rhythmée. Aujourd'hui, il comprend pourquoi c'est lui qui fait la musique aux Galeries et non pas le premier mélomane venu. Il a réussi à véritablement personnaliser l'identité musicale du lieu gr%oce à sa patte. En effet, il me semble fondamental qu'un sound designer apporte sa touche propre lors d'une étude d'identité de quelque marque que ce soit au même titre qu'un architecte va dessiner sur sa planche une idée de base qu'on lui demande tout en ajoutant le brin de génie pour lequel on le solicite. C'est ce qui s'appelle avoir un nom.

Sonorisation

La diffusion sonore aux Galeries Lafayette est assez disparâtre car encore une fois, il existe de multiples espaces de tailles et d'architectures trés différentes. Il est évident que l'on n'a pas sonorisé la coupole du «main store» de la même maniére que l'espace Lafayette VO qui est bas de plafond. Il est donc facile de comprendre ici que la configuration technique du son est à nouveau trés complexe. Gregory Cauzot m'a d'ailleurs montré un aperçu des plans techniques de différents étages à réajuster. Les budgets 2007 étant bouclés, Gregory Cauzot est en charge de combler les manques de présence sonore qu'il a remarqué. Par exemple, au rayon des chaussures pour femmes, il souhaite ajouter des caissons de basses sur tout l'étage, le devis s'éléve à environ 40 000 euros! Immédiatement, on comprend que la moindre retouche coüte une fortune compte-tenu des proportions du magasin.

L'état des lieux que je dresse à ce propos est correct puisqu'encore une fois, c'est un chantier trés compliqué. Evidemment j'aimerai encore plus de chaleur et de précision, car dans certains espaces la musique est vraiment diffusée de façon grossiére. Le probléme étant que la fréquentation du magasin est tellement importante en terme de volume qu'elle génére un bruit de fond insupportable. D'un autre point de vue, on ne vient pas aux Galeries Lafayette pour écouter de la musique dans des conditions audiophiles c'est évident !

C'est pourquoi, lorsque je me projéte dans ce que je veux faire moi, je pense que je m'attaquerai à des lieux plus petits, plus cosy dans lesquels il y aurait un paysage sonore général adapté pour diffuser de la musique afin que le travail de programmation soit légitimement apprécié. Ma volonté absolue étant de prendre en charge de A à Z un chantier, depuis sa conception jusqu'à sa construction et être responsable de la musique qui y sera diffusée. C'est pourquoi je pense qu'il serait bon de travailler en association avec des bureaux d'études d'architecture. Les architectes étant à l'origine de projets de construction que ce soit dans le cadre de magasins, de restaurants ou encore d'hôtels. Il serait d'ailleurs trés profitable de pouvoir entrer en contact avec des cabinets prestigieux tels que Peter Marinos Architects et Carbondale (Louis Vuitton, Champs Elysées), Studio Sofield Inc. (Gucci, Milan), Matteo Thun (Porsche Design Store, Londres), Massimiliano Fuksas et Doriana O. Mandrelli (Emporio Armani, Hong Kong), Emmanuelle Duplay (LaBulleKenzo, Paris) etcÉ Malheureusement toutes ces personnes sont trés occupées et donc peu accessibles.

Rencontre avec Guiom Huret (Strategic Sound) Samedi 27 janvier 2007 // 23h

Purple Bar, HTMtel Hilton Arc de Triomphe, Paris

Après six mois de recherche intense je retrouve enfin la trace de Guiom Huret ! J'avais appris l'existence de cet homme au mois de juillet 2006 lors d'un mariage célébré à la maison blanche auquel je me produisais.

La Maison Blanche, vue de l'avenue Montaigne // Paris

Une dame d'un certain %oge nous avait alors complimenté (avec Léo Caillard, ancien iiis) à propos de la musique que nous diffusions en première partie de soirée. Elle avait ressentie quelque chose d'assez fort pour nous transmettre ces émotions quant à l'intérêt de la sélection, de la qualité et surtout du niveau sonore de la musique. Nous lui expliquons alors que nous sommes DJ résidents du restaurant «GEORGES» au sixième étage de Beaubourg, ce qui justifie en soit notre volonté de bien faire les choses.

Terrasse du Georges // Paris

Nous lui exposons ensuite notre intérêt pour le sound design et elle nous dit que son fils évolu dans ce milieu et aurait travaillé pour les plus grands (Armani, Vuitton...). Elle prend donc nos coordonnées et promet de les transmettre à son fils. Peut-être un mois se passe sans aucune nouvelle malgré une veille attentive de la boite mail... et un beau midi du mois d'aoüt Guiom Huret me contacte et se présente sommairement proposant une rencontre prochaine. Le temps passe encore et nous nous oublions un peu jusqu'à ce que je finisse par égarer son numéro... J'essai alors de retrouver sa trace via les mariés de la soirée à la «Maison Blanche» et j'apprend le nom de la plateforme qu'il a développé : Strategic Sound. Au même moment, Frederic Victor Sieuzac, mon directeur de mémoire, me dit qu'il vient justement d'entrer en contact avec cette société... coincidence !

Un rendez-vous est alors organisé samedi 27 janvier au bar de l'hôtel Hilton Arc de Triomphe oü nous nous produisons avec Frederic. Aprés m'être imprégné de l'univers de cet homme et de sa vision des choses quant à la musique, je vais à sa rencontre. Il commence trés rapidement à m'exposer sa démarche actuelle aprés avoir trés succintement évoqué son travail au sein de diverses majors multinationales aux Etats-Unis (EMI - New York) puis en France (BMG et SONY). Mais aujourd'hui tout ca est du passé et ne fait que justifier son désir d'aller plus loin, de véritablement penser le futur de la consommation de la musique. Il se dit passionné par la musique mais au-delà de ca, il se pose de vraies questions quant à l'importance qu'occupe la musique dans la vie de tous les jours.

Il constate que l'écoute musicale dépasse véritablement l'aspect loisir tel que pouvait-être classée la musique avant la révolution dans laquelle nous nous trouvons en ce moment même. Guiom Huret affirme que d'ici à 2009 il y a tout à faire. En 2009 les formats de diffusion numérique seront fixes, la compatibilité entre appareil et plateforme de vente digitale assurée, une nouvelle logique de consommation de la musique va alors se mettre en place. Et nous, acteur au sens propre du terme de cette révolution musicale, quasieindustrielle, puisqu'elle remet en cause énorméments de notions différentes, comme la qualité de l'écoute qui se dégrade pour masquer la pauvreté du mp3, le support de stockage dématérialisé que représente internet, le support d'écoute également qui ne se résume désormais plus qu'à un vulguaire téléphone portable.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"