3. Application actuelle en situation (constatations et
propositions)
3.1 Etat des lieux (visites, écoutes,
rencontres)
Rapport de visite de plusieurs boutique de
luxe Saint-Germain-Des-Prés/Saint-Sulpice, Paris Jeudi 07.12.2006
// 14h
Ces visites ont été l'une de mes
premières démarches lorsque j'ai entammé ce
mémoire. J'ai voulu me rendre dans des magasins de «luxe» du
quartier de Saint-Germains-Des-Prés avec une oreille candide, en
quasi-innocence de toutes notions liées à la socio/musicologie
détaillées précedemment.
Première boutique ; Yves Saint-Laurent. L'espace me
revient d'abord en mémoire, divisé en deux parties sur la gauche
et sur la droite, la musique que je percoit me heurte de part son volume de
diffusion, trés fort à mon gout, en tout cas trop par rapport
à l'ambiance calme qui régne en de début
d'aprés-midi. Autre constat qui va rapidement se
généraliser à l'ensemble des magasins que je visite dans
la demie-journée, la qualité excécrable des enceintes !!
Leur implantation est partielle, vaguement étudiée, pas
franchement optimisée.
Idem chez Christian Lacroix, Burberry, Kenzo, ArmaniÉ
aucune de ces marques, pourtant des références «haut de
gamme» dans la mode, ne m'ont satisfaite en terme d'audition pure. Le
contenu étant difficilement qualifiable dans la mesure ou il est
délicat et laborieu de rester plus d'une heure dans chaque magasin pour
en juger la programmation. Mais qu'importe, le peu de temps ou je suis
resté, je n'ai pas spécialement été attiré,
ni intéressé par un seul morceau, c'est dire si, avec la
médiocrité de la sonorisation, la sensation de confort m'a
gagnéÉ
Je crois que sans aller plus loin dans les arguments, il y a
déjà là énormément à faire. Si cela
ne tenait qu'à moi, je ferai réaménager toute
l'installation sonore de ces magasins. Seulement voilà, je ne connais
pas les conditions dans lesquelles ces boutiques ont été
construites, quels budgets ont été alloués, avec quels
partenaires les ma»tres d'oeuvre ont travailléÉ toutes ces
composantes diverses justifient peut-être finalement trés
simplement les constats basiques que j'ai réalisé. Cela
n'empêche que je ne comprend pas comment est-ce que des marques d'une
telle dimension peuvent se satisfaire de ci peu.
Je considère qu'à partir du moment oü la
musique est traitée avec le même investissement que le premier
magasin H&M venu, une marque ne peut tout bonnement pas prétendre se
positionner dans le «haut de gamme». Pour moi, ce secteur
représente bien plus que de beaux produits sur de belles
étagères, encore une fois, le luxe est un état d'esprit,
au-delà la qualité intrinsèque des produits. Je dirai que
la valeur ajoutée qu'est la marque de fabrique n'est que l'accès
«minimum» au haut de gamme. Seulement cela ne suffit pas pour y
être vraiment, comme peut l'être Vuitton par exemple.
Vuitton a une vraie conception globale du luxe. Le
«vaisseau amiral» de l'avenue des Champs-Elysées le prouve
à lui seul. L'architecture est incroyable, le design est
travaillé par des icônes du genre, la sonorisation
développée par des spécialistes, on y trouve même
une gallerie d'art au 7è étage auquel on accède par un
ascenceur conceptuel signé Olafur Eliasson ! Tout est cohérent.
C'est une philosophie.
Flagship Louis Vuitton, Champs Elysées //
Paris
Rencontre avec Gregory Cauzot
Music Manager des Galeries Lafayette, Paris Mardi
19.12.2006 // 12h
En me rendant déjeuner avec Gregory Cauzot aux Galeries
Lafayette, je traverse d'abord l'espace Lafayette VO réservé aux
jeunes. J'ôte alors le casque que j'ai sur les oreilles, comme un
réflexe pour écouter la musique qui y est diffusée.
Première constatation, le volume est assez fort mais nous sommes bien
là dans un étage exclusivement réservé à la
mode pour les jeunes donc le volume correspond bien au contexte de diffusion.
Quant à la sélection musicale, on passe d'une house
«soulful», à des rhythmes beaucoup plus calme en quelques
secondes autant dire qu'à fort niveau on percoit trés nettement
le changement ! Il faut savoir qu'aux Galeries Lafayette le logiciel de gestion
de la musique est aléatoire. Il fonctionne comme une énorme base
de donnée répartie en fonction des magasins et des étages
(Lafayette Homme, Lafayette Femme, Lafayette Maison...) mais au sein de ces
différents espace, la musique s'enchaine de maniére totalement
aléatoire. Cela signifie donc qu'un même artiste voir un
même morceau peut passer plusieurs fois dans la journée. Autre
probléme, malgré un enrichissement fréquent de la base de
donnée musicale, il se peut qu'un morceau récemment ajouté
ne passe pas dans le magasin avant plusieurs jours ! Enfin, nous venons de le
voir, il se pose un probléme de cohérence flagrant d'un morceau
à l'autre. Cependant Gregory me confiera par la suite que sa
sélection est cohérente d'une maniére globale, les styles
de musique sont liés, il est simplement victime du hasard lors du
passage des morceaux.
La coupole
Passons à un autre espace, le rez-de-chaussé de
la coupole qui abrite, en ce mois de décembre un énorme sapin de
no`l et toute la décoration qui va avec. Là encore on se heurte
à un probléme de niveau sonore mais il est majoritairement
dü à la foule qui se presse aux rayons parfumerie et autres sac
à mains de luxe. Sur le plan de la musique, je trouve que la diffusion
est relativement bien gérée compte tenu du brouhaha
général des visiteurs. La programmation nous met
immédiatement dans le bain, c'est du 100% no`l ! Gregory défendra
son point de vue par rapport à cela. Malheureusement, ces directeurs
voulaient cette ambiance, il est donc obligé de s'y plier. Cependant ce
n'est pas pour autant que la sélection est mauvaise, loin de là.
Tous les crooners sont au rendez-vous et le tout dégage une atmosphere
féérique. Je me met alors à la place du touriste japonais
qui se retrouve dans ce bain de no`l, je pense que c'est exactement ce à
quoi il rêvait inconsciemment de trouver dans un lieu comme les Galeries
Lafayette à la veille de Noël. Nous reviendrons sur la notion de
recul par rapport avec qui l'on travaille, et en cela, les Galeries sont un
exemple assez frappant. Ce magasin est quand même une, si ce n'est,
l'icône du shopping à Paris avec tout ce que cela comporte;
visiteurs internationaux, événements ponctuels (soldes, les
3J...), espaces multiples et singuliers. Les paramétres de sound design
dans un lieu comme celui-ci sont infiniment nombreux et complexes.
Lors de mon entretient avec Gregory, il m'explique qu'à
ses débuts aux Galeries, (été 2005) il pensait trop par
rapport à son background personnel c'est à dire la musique
soulful. Cette musique est rhythmée et s'inspire de la musique soul et
de musique électronique house. Ainsi, ces playlists regorgeaient de
perles soulful, cependant, sur une journée entiére cela devenait
abrutissant et la qualité même des morceaux choisis empatissait.
Il a donc repensé son approche pour ouvrir sa programmation aux
influences même de la soulful, à savoir donc la musique noire
américaine des années 70. La résultante de cette ouverture
d'esprit est un mélange subtil d'une musique à la fois
trés chaleureuse et rhythmée. Aujourd'hui, il comprend pourquoi
c'est lui qui fait la musique aux Galeries et non pas le premier
mélomane venu. Il a réussi à véritablement
personnaliser l'identité musicale du lieu gr%oce à sa patte. En
effet, il me semble fondamental qu'un sound designer apporte sa touche propre
lors d'une étude d'identité de quelque marque que ce soit au
même titre qu'un architecte va dessiner sur sa planche une idée de
base qu'on lui demande tout en ajoutant le brin de génie pour lequel on
le solicite. C'est ce qui s'appelle avoir un nom.
Sonorisation
La diffusion sonore aux Galeries Lafayette est assez
disparâtre car encore une fois, il existe de multiples espaces de tailles
et d'architectures trés différentes. Il est évident que
l'on n'a pas sonorisé la coupole du «main store» de la
même maniére que l'espace Lafayette VO qui est bas de plafond. Il
est donc facile de comprendre ici que la configuration technique du son est
à nouveau trés complexe. Gregory Cauzot m'a d'ailleurs
montré un aperçu des plans techniques de différents
étages à réajuster. Les budgets 2007 étant
bouclés, Gregory Cauzot est en charge de combler les manques de
présence sonore qu'il a remarqué. Par exemple, au rayon des
chaussures pour femmes, il souhaite ajouter des caissons de basses sur tout
l'étage, le devis s'éléve à environ 40 000 euros!
Immédiatement, on comprend que la moindre retouche coüte une
fortune compte-tenu des proportions du magasin.
L'état des lieux que je dresse à ce propos est
correct puisqu'encore une fois, c'est un chantier trés compliqué.
Evidemment j'aimerai encore plus de chaleur et de précision, car dans
certains espaces la musique est vraiment diffusée de façon
grossiére. Le probléme étant que la fréquentation
du magasin est tellement importante en terme de volume qu'elle
génére un bruit de fond insupportable. D'un autre point de vue,
on ne vient pas aux Galeries Lafayette pour écouter de la musique dans
des conditions audiophiles c'est évident !
C'est pourquoi, lorsque je me projéte dans ce que je
veux faire moi, je pense que je m'attaquerai à des lieux plus petits,
plus cosy dans lesquels il y aurait un paysage sonore général
adapté pour diffuser de la musique afin que le travail de programmation
soit légitimement apprécié. Ma volonté absolue
étant de prendre en charge de A à Z un chantier, depuis sa
conception jusqu'à sa construction et être responsable de la
musique qui y sera diffusée. C'est pourquoi je pense qu'il serait bon de
travailler en association avec des bureaux d'études d'architecture. Les
architectes étant à l'origine de projets de construction que ce
soit dans le cadre de magasins, de restaurants ou encore d'hôtels. Il
serait d'ailleurs trés profitable de pouvoir entrer en contact avec des
cabinets prestigieux tels que Peter Marinos Architects et Carbondale (Louis
Vuitton, Champs Elysées), Studio Sofield Inc. (Gucci, Milan), Matteo
Thun (Porsche Design Store, Londres), Massimiliano Fuksas et Doriana O.
Mandrelli (Emporio Armani, Hong Kong), Emmanuelle Duplay (LaBulleKenzo, Paris)
etcÉ Malheureusement toutes ces personnes sont trés
occupées et donc peu accessibles.
Rencontre avec Guiom Huret (Strategic Sound) Samedi 27
janvier 2007 // 23h
Purple Bar, HTMtel Hilton Arc de Triomphe,
Paris
Après six mois de recherche intense je retrouve enfin
la trace de Guiom Huret ! J'avais appris l'existence de cet homme au mois de
juillet 2006 lors d'un mariage célébré à la maison
blanche auquel je me produisais.
La Maison Blanche, vue de l'avenue Montaigne //
Paris
Une dame d'un certain %oge nous avait alors complimenté
(avec Léo Caillard, ancien iiis) à propos de la musique que nous
diffusions en première partie de soirée. Elle avait ressentie
quelque chose d'assez fort pour nous transmettre ces émotions quant
à l'intérêt de la sélection, de la qualité et
surtout du niveau sonore de la musique. Nous lui expliquons alors que
nous sommes DJ résidents du restaurant «GEORGES» au
sixième étage de Beaubourg, ce qui justifie en soit notre
volonté de bien faire les choses.
Terrasse du Georges // Paris
Nous lui exposons ensuite notre intérêt pour le
sound design et elle nous dit que son fils évolu dans ce milieu et
aurait travaillé pour les plus grands (Armani, Vuitton...). Elle prend
donc nos coordonnées et promet de les transmettre à son fils.
Peut-être un mois se passe sans aucune nouvelle malgré une veille
attentive de la boite mail... et un beau midi du mois d'aoüt Guiom Huret
me contacte et se présente sommairement proposant une rencontre
prochaine. Le temps passe encore et nous nous oublions un peu jusqu'à ce
que je finisse par égarer son numéro... J'essai alors de
retrouver sa trace via les mariés de la soirée à la
«Maison Blanche» et j'apprend le nom de la plateforme qu'il a
développé : Strategic Sound. Au même moment, Frederic
Victor Sieuzac, mon directeur de mémoire, me dit qu'il vient justement
d'entrer en contact avec cette société... coincidence !
Un rendez-vous est alors organisé samedi 27 janvier au
bar de l'hôtel Hilton Arc de Triomphe oü nous nous produisons avec
Frederic. Aprés m'être imprégné de l'univers de cet
homme et de sa vision des choses quant à la musique, je vais à sa
rencontre. Il commence trés rapidement à m'exposer sa
démarche actuelle aprés avoir trés succintement
évoqué son travail au sein de diverses majors multinationales aux
Etats-Unis (EMI - New York) puis en France (BMG et SONY). Mais aujourd'hui tout
ca est du passé et ne fait que justifier son désir d'aller plus
loin, de véritablement penser le futur de la consommation de la musique.
Il se dit passionné par la musique mais au-delà de ca, il se pose
de vraies questions quant à l'importance qu'occupe la musique dans la
vie de tous les jours.
Il constate que l'écoute musicale dépasse
véritablement l'aspect loisir tel que pouvait-être classée
la musique avant la révolution dans laquelle nous nous trouvons en ce
moment même. Guiom Huret affirme que d'ici à 2009 il y a tout
à faire. En 2009 les formats de diffusion numérique seront fixes,
la compatibilité entre appareil et plateforme de vente digitale
assurée, une nouvelle logique de consommation de la musique va alors se
mettre en place. Et nous, acteur au sens propre du terme de cette
révolution musicale, quasieindustrielle, puisqu'elle remet en cause
énorméments de notions différentes, comme la
qualité de l'écoute qui se dégrade pour masquer la
pauvreté du mp3, le support de stockage
dématérialisé que représente internet, le support
d'écoute également qui ne se résume désormais plus
qu'à un vulguaire téléphone portable.
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