2.3 Psychoacoustique
2.3.3 Perception de la hauteur tonale37
Ce qu'on appelle couramment la «hauteur tonale» (HT)
d'un son est conceptuellement difficile à définir d'une
manière explicite, générale, et tout à fait
rigoureuse. Selon l'AFNOR38 (1977), c'est «le caractère
de la sensation auditive lié à la fréquence d'un son
périodique, qui fait dire que le son est aigu ou grave selon que cette
fréquence est plus ou moins élevée».
Il est connu depuis le XIXe siècle que la HT d'un son
pur de fréquence donnée est suceptible de varier lorsqu'on
modifie son niveau d'intensité. La «règle de Stevens»
(1935), veut qu'une élévation de niveau élève
(rende plus aigu`) la HT des sons de fréquence élevée,
laisse à peu près inchangée la HT des sons de
fréquence moyenne et diminue la HT des sons de basse fréquence.
Les résultats de Walliser (1969) confirment la validité de cette
règle.
![](Le-sound-design-musical-des-lieux-publics-haut-de-gamme7.png)
La règle de Stevens n'a toutefois qu'une portée
statistique : l'effet de l'intensité sur la HT d'un son pur peut
différer fortement d'un auditeur à l'autre et il appara»t
même que, pour un auditeur donné, la variation de la HT avec le
niveau, à une fréquence donnée, peut être non
monotone (Verschuure et van Meeteren, 1975). En outre, Burns (1982) a
établi que cette variation peut différer systématiquement
Ð et même en direction Ð d'une oreille à l'autre du
même auditeur, ce qui suggère que l'influence du niveau sur la HT
est, au moins en partie, d'origine cochléaire.
Un son pur de fréquence et de niveau d'intensité
donnés n'a généralement pas exactement la même HT
lorsqu'on écoute par l'oreille gauche et par l'oreille droite. C'est ce
phénomène qu'on appelle la «diplacousie binaurale». Il
peut être extrêmement prononcé chez des sujets à
l'audition pathologique ; il existe cependant à un certain degré
chez tout individu. Pour un auditeur audiométriquement normal, la
différence entre les HT qu'évoque un son pur donné aux
deux oreilles peut atteindre un quart de ton musical, ce qui correspond
à un écart de fréquence de 3%.
Lorsqu'un son pur donné parvient simultanément
aux deux oreilles d'un auditeur audiométriquement normal, celui-ci
percoit toujours comme un son pur, pourvu d'une HT unique. Ceci
implique que le système nerveux central est capable de fusionner en une
HT unique deux HT monaurales légèrement différentes.
On peut alors se demander comment la HT d'un son pur Ð
dimension subjective de de ce son Ð varie-t-elle avec ce qui en est le
principal déterminant physique, la fréquence du son ?
Il existe une échelle «institutionnelle» de
la HT : c'est l'échelle de la muisique occidentale, selon laquelle la HT
est une fonction simplement logarithmique de la fréquence : du point de
vue des musiciens, deux sons purs a et b forment le
même intervalle de HT que deux sons purs c et d lorsque
les fréquences de a et b sont dans un rapport
égal à celui des fréquences de c et
d.
Cependant, Attneave et Olson (1971) ont clairement
démontré que, dans la majeure partie du domaine des
fréquences audibles, cette règle «institutionnelle» a
une réalité perceptive même pour des auditeurs qui ne
pratiquent pas la musique.
La HT d'un son pur varie sur une dimension
«grave/aigu» lorsque l'on varie sa fréquence. Cependant, cette
dimension grave/aigu représente-t-elle toute la HT d'un son pur
? Certains auteurs soutiennent qu'un son pur a, en fait, deux qualités
de HT : une qualité grave/aigu et une qualité de
«chroma». Le chroma serait une qualité selon laquelle deux
sons purs dont le rapport de fréquences est 2 Ð et qui forment donc
un intervalle d'octave Ð sont similaires ou identique (Bachem, 1950).
Corrélats neuronnaux de la hauteur tonale des sons purs
:
De la membrane basilaire de la cochlée (von
Békésy, 1960 ; Khanna et Leonard, 1982) jusqu'au cortex auditif
(Romani et coll., 1982), tout le système auditif des mammifères
manifeste un mode de fonctionnement tonotopique. Cela siginifie
qu'à chaque étage de ce système, passée l'oreille
moyenne, l'emplacement de l'activité mécanique ou
électrique évoquée par un son pur varie
systématiquement et régulièrement avec la fréquence
de ce son.
Chaque fibre du nerf auditif fonctionne essentiellement comme
un filtre passebande : sa cadence moyenne de décharge (nombre de
potentiels d'action par seconde) à un niveau d'intensité
donné est maximale pour une certaine fréquence de stimulation,
dite «caractéristique», et de moins en moins
élevée pour des fréquences de plus en plus distantes.
![](Le-sound-design-musical-des-lieux-publics-haut-de-gamme8.png)
Codage temporel de la fréquence :
A l'émission d'un son pur de fréquence
f, le mouvement oscillatoire qui s'observe à différents
points de la membrane basilaire a la même fréquence (f)
que le son, et l'oscillation observable en chaque point se traduit par une
action périodique (de fréquence f) sur les cellules
transductrices associées à ce point. Les propriétés
du mécanisme de transduction sont telles que le départ d'un
potentiel d'action dans une fibre du nerf auditif tend à
co ·ncider temporellement avec une certaine phase du mouvement de la
membrane basilaire au point correspondant. Il en résulte que les
intervalles de temps entre les potentiels d'action qu'induit un son dans une
fibre sont liés à la période du son (1/f).
![](Le-sound-design-musical-des-lieux-publics-haut-de-gamme9.png)
A la question «Comment la HT d'un son pur est-elle
codée physiologiquement ?», on a souvent considéré,
dans le passé qu'il n'y avait que deux réponses possibles,
l'hypothèse d'un codage exclusivement tonotopique ou l'hypothèse
d'un codage exclusivement temporel.
L'information temporelle que fournit le nerf auditif sur la
fréquence d'un son pur (lorsque la fréquence n'est pas trop
élevée) joue probablement un rTMle direct dans la perception de
sa HT ; la preuve la plus forte en est que deux sons purs peuvent être
percus comme appariés en HT alors que les emplacements de leurs patterns
d'excitation cochléaire diffèrent. Une sensation de HT semble
tout de même évoquable en l'absence d'une telle information,
puisque même les sons de plus de 5 000 Hz se différencient par la
HT. Ainsi nous pouvons en déduire qu'au niveau du nerf auditif, la HT
d'un son pur de fréquence inférieure à 5 000 Hz est
codée à la fois (et indépendamment) de facon
tonotopique et de facon temporelle.
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