PREMIERE PARTIE :
Approche théorique et
méthodologique
Chapitre 1. Approche
théorique
1-1 Les auteurs sollicités
Pour traiter notre sujet, nous nous sommes
référée aux travaux de Claude Lévi-Strauss (1962),
Jean Lamarque (1973), Pierre George (1973), Philippe Descola (1986), Maurice
Kamto (1996), Jean-Pierre Barde et Emilio Gerelli (1997), Yvette Veyret et
Pierre Peche (1997), Paulin Kialo (1998), John Nelson et Lindsay Hossack
(2003), Marcus Colchester, Sylvie Brunel (2004) et Sabine Rabourdin (2005).
C'est de leurs ouvrages respectifs que nous avons tiré les principaux
cadres théoriques que nous appliquons à l'examen du corpus de
terrain, pour interpréter les phénomènes observés
au cours de nos enquêtes. Nos premiers auteurs de
référence sont :
Claude LEVI-STRAUSS,
1962- La pensée sauvage. Paris, Plon, 389 p.
Né le 28 novembre 1908, Claude Lévi-Strauss est
un anthropologue et académicien français. Son nom est lié
au structuralisme, dont il est un des représentants principaux.
Après ces études de philosophie, l'auteur s'est tourné
vers l'ethnologie en 1935, lorsqu'il part enseigner la sociologie à Sao
Paulo (Brésil). Il demeura là-bas jusqu'en 1939 et c'est à
cette occasion qu'il séjourna avec les populations indiennes Nambikwara,
Caduvéos et Bororos d'Amazonie, et mène ses seules enquêtes
de terrain.
Après maintes lectures sur les chercheurs dits
« ethnocentriques », Claude Lévi-Strauss va
faire une lecture critique de leurs propos sur les rapports des
sociétés traditionnelles à la forêt. En effet, ces
auteurs ont pensé pendant longtemps que « Le sauvage
est gouverné exclusivement par des raisons organiques ou
économiques ». Cependant, pour parvenir à la
déconstruction de cette hypothèse, l'auteur va construire une
nouvelle façon d'apprécier et de comprendre la pensée
« exotique ». Lévi-Strauss emploie
l'expression « pensée sauvage » pour
décrire le fonctionnement de la pensée à l'état
brut, naturel, telle qu'on l'observe même dans les sociétés
où se développent une pensée scientifique et non pour
qualifier ces peuples dits sauvages. Pour lui, la pensée primitive n'est
pas « prélogique » sous prétexte
qu'elle est noyée dans les mythes et croyances qui semblaient être
irrationnels. Elle est « rationnelle ». Elle se
pose des problèmes pour concilier nature et culture, d'autant plus
qu'elle est née de cette union. Ses visées explicatives ont une
portée scientifique. En effet, la pensée sauvage codifie, c'est-
à- dire classe rigoureusement en s'appuyant sur les oppositions et les
contrastes, l'univers physique, la nature vivante et l'homme même tel
qu'il s'exprime dans ses croyances et ses institutions. Il conclut sur ces
propos « la pensée sauvage » n'est pas le
propre des sauvages, on la trouve également au sein des
sociétés dites modernes par ce qu'elle est classificatoire et
constructive.
L'hypothèse soutenue par cet auteur est d'un apport
capital dans notre travail. L'auteur souligne des questions qui correspondent
à la dichotomie projet de conservation et populations riveraines aux
aires protégées. Les gestionnaires des Parc semblent remettre en
cause la pensée des villageois. Ces derniers pensent que c'est une
pensée illogique sans expérience. Par conséquent, ils font
une conservation à « sens
unique », ils refuseraient d'impliquer les populations.
D'après leurs propos « le villageois ne connaît rien
de la conservation, et en quoi sera t-il utile au projet ». La
question reste de savoir si le projet de conservation développé
au Parc National des Monts de Cristal ne tendrait pas vers l'échec
d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une conservation participative.
Jean LAMARQUE,
1973 - Droit de la protection de la
nature et de l'environnement, Paris, Gailleton, 974 p.
Professeur émérite en Droit public à
l'Université Panthéon-Assas et à Bordeaux. Il a
orienté ses études sur le Droit fiscal général, les
procédures fiscales, Droit de l'environnement, Droit contre le bruit et
enfin sur la fiscalité de l'environnement.
Dans cet ouvrage, l'auteur aborde dans un premier temps le
problème de l'environnement. En effet, il établit un
parallèle entre trois disciplines, notamment le politique, le social et
l'environnement. L'environnement est un problème de politique nationale,
sociale et d'aménagement du territoire. Ainsi la santé de
l'environnement dépend des grandes décisions nationales
concernant l'utilisation et la sauvegarde des connaissances naturelles. Il pose
ensuite le fondement des Parcs Nationaux. L'objectif des Parcs Nationaux est
que la protection de la nature est une fin en soi, qui répond à
un besoin national, tout à la fois scientifique, culturel ou même
économique. Ce besoin s'impose consciemment ou non à tous les
citoyens, même à ceux qui ne pénétreront jamais dans
un Parc National. Pour l'auteur, les Parcs Nationaux sont nés du souci
de protéger certains sanctuaires naturels. La création d'un Parc
National doit être consacrée par un texte à portée
nationale. Le statut des Parcs Nationaux fait l'objet d'une hiérarchie
de textes qui émane des autorités centrales de l'Etat. Dans les
zones de Parcs, peut-on lire, la primauté est donnée au service
national de la protection de la nature.
Toute activité humaine doit y être totalement
interdite, soit strictement réglementée. Il y a à
l'intérieur de cette zone une gradation : la zone
périphérique (ou pré-parc) permettant de satisfaire
certains intérêts spécifiques, locaux et nationaux. Les
Parcs Nationaux sont soumis à un régime juridique de droit
public, et le contentieux appartient en principe à la juridiction
administrative. Dans cette zone, les villageois peuvent y mener des
activités. L'Etat ne pourrait favoriser la protection de la nature
qu'avec des administrateurs compétents en écologie, et non avec
des experts en urbanisation, en finances publiques ou en industrie. Les Parcs
Nationaux doivent réglementer la pratique de la chasse, elle
s'étend sur les ports d'armes et de mutation. Ils doivent interdire en
outre toutes les activités susceptibles d'aboutir à une
modification de l'équilibre faunistique ou végétal.
L'ouvrage nous apporte des éclairages importants sur
notre sujet. En effet, la mise en place d'un Parc National obéit
à des critères précis qui se fondent sur les
critères juridiques. Mais au-delà de ces critères, les
critères écologiques semblent être les plus importants. La
formalisation de la démarche épouse les contours des
données plurielles : écologiques, politiques, culturelles et
même sociales. Plusieurs acteurs sont naturellement impliqués dans
la gestion des Parcs, en dehors de l'Etat, les ONGe, la société
civile et les villageois. la pleine réussite des actions dépend
de la bonne liaison pouvant exister entre ces différents acteurs. Cette
création prend en compte un zonage et aucune activité n'est
admise.
Pierre GEORGE,
1973 - L'environnement. Paris, PUF,
coll. « Que sais-je », 126 p.
L'auteur, dans un premier temps, s'interroge sur le terme
environnement. Il le définit comme étant les actions de l'homme
sur son milieu. Le chercheur invite l'homme rural à une meilleure
gestion de son environnement, d'autant plus qu'il représente non
seulement une source indispensable, une base de production ou de transit de
production pour toute vie humaine mais également une menace sur ces
activités traditionnelles, à cause de multiples facteurs naturels
qu'il recouvre. Ces facteurs peuvent limiter le choix des ressources
exploitables, d'où la variation dans l'alimentation de l'être
humain. L'homme rural doit limiter les dommages qu'il cause à la
forêt à travers la culture itinérante sur brûlis, car
non seulement elle entraîne les modifications les plus importantes du
paysage végétal naturel, mais elle appauvrit aussi les sols. La
culture sur brûlis et le surpâturage détruisent et
appauvrissent les sols. Cependant dans un deuxième temps, l'auteur veut
montrer que l'action de l'homme rural sur l'environnement n'est pas totalement
condamnable dans la mesure où les hommes détruisent les
forêts pour assurer la couverture des besoins alimentaires correspondant
à la croissance démographique. Il revient alors, aux Etats de
mettre en place une politique rationnelle de l'environnement pouvant permettre
une bonne gestion et conservation des forêts.
On peut observer les mêmes problèmes dans les
forêts des Monts de Cristal. Ces forêts subissent les effets des
actions humaines, conséquence de la chasse commerciale, l'exploitation
industrielle de la forêt, etc. Ces pratiques peuvent non seulement
appauvrir les forêts, mais aussi et surtout provoquer la disparition de
la richesse de leur écosystème. Les populations ont l'obligation
de les gérer parcimonieusement. L'Etat dans sa volonté de
préservation devrait prendre en compte les préoccupations des
populations riveraines, car toute action qui tendrait à exclure les
populations et à les paupériser serait un échec pour tous
les partenaires, les ONGe, l'Etat et les villageois dans une certaine
mesure.
Philippe DESCOLA,
1986 - La nature domestique : symbolisme et praxis
dans l'écologie Achuar, Paris, Maison des sciences de l'homme, 450
p.
Philippe Descola est un anthropologue français. Il a
fait des études de philosophie à l'école supérieure
de Saint-Cloud avant de s'orienter vers l'ethnologie américaniste. Il
est directeur des études à l'école des hautes
études en sciences sociales. Il est également directeur du
laboratoire d'anthropologie sociale, président du conseil scientifique
de la Fussen, membre des conseils scientifiques de la fondation de la mission
des sciences de l'homme, de l'institut de recherche en développement et
du département des sciences de l'homme et de la société du
CNRS et membre des conseils d'administrations du musée du Quai Branly et
membre de la société des américanistes.
Cet ouvrage présente et analyse les rapports techniques
et symboliques que les Jivaros achuar d'Amazonie entretiennent avec leur
environnement naturel. Cette société donne à la nature
toutes les apparences de la société. Ce qui va l'amener à
dire que : « C'est la société qui pense
la nature ». Ceci s'observe dans trois domaines : le monde
des jardins, de la forêt et de la rivière. L'auteur ajoute
que : « la société se pense non pas à
travers la culture mais à travers la nature ». C'est la
nature qui construit la société. La culture n'est qu'un outil qui
permet à l'homme de s'affranchir de la nature, de passer de la
perception de cette dernière à sa conception. A travers cette
évolution, l'homme n'est plus qu'un simple assistant, il devient un
participant à la nature. La nature et la culture forment
« un système », par
conséquent la dissociation de l'un entraîne le dysfonctionnement
de leur union. La nature et la culture sont liées. Il n'existe pas de
nature sans culture, ni de culture extérieure à la nature. C'est
à travers cette union que l'homme parvient à penser la
société et la comprend.
La problématique développée par cet
auteur rejoint la nôtre, en ce sens que notre étude porte sur les
rapports des populations riveraines aux Monts de Cristal à la
forêt. Ces populations entretiennent des rapports solides avec la
forêt. La forêt est leur nourrice et leur protection. Cette
population a développé au cours des années des
méthodes qui lui ont permise d'avoir une connaissance parfaite de leur
environnement. Il s'agit des rites initiatiques. Ces rites, notamment le
Bwiti, ont pour but de répondre à certaines questions
fondamentales concernant l'existence : qui sommes-nous, où
allons-nous ? etc. A travers cela, l'homme parvient à une
connaissance et à une maîtrise parfaite de la nature. Il parvient
à dissocier ce qui va contre la nature et ce qui va dans la même
direction que cette dernière.
Maurice KAMTO,
1996-Droit de l'environnement en Afrique. Paris,
Edicef, 415 p.
Né le 4 février 1954 à Bafoussam, Maurice
Kamto, est professeur agrégé des facultés
françaises de droit. Il enseigne à l'université de
Yaoundé 2 et est professeur associé à plusieurs autres
universités camerounaises, africaines et françaises. Il est par
ailleurs fondateur et directeur du Centre d'Etude, de Recherche et de
Documentation en Droit International et de l'Environnement, fondateur et
codirecteur de la revue juridique africaine, membre fondateur de la
société africaine de droit de l'environnement et président
de la fédération des ONG de l'environnement du Cameroun. Il est
également membre du comité du réseau droit de
l'environnement de l'AUPELF-URF.
Cet ouvrage aborde le problème du droit de
l'environnement en Afrique, autant sous l'angle des instruments juridiques
internationaux que des législations nationales africaines. Il enjambe
les clivages linguistiques qui cloisonnent la recherche africaine et s'efforce
de s'appuyer sur les législations accessibles tant des pays francophones
qu'anglophones, des Etats nord-africains que subsahariens. Il essaie tout
d'abord d'établir un parallèle entre la science juridique et
l'environnement. Ces deux sciences sont liées, ce d'autant plus que
toute volonté de protection de l'environnement doit
nécessairement s'appuyer sur les normes juridiques. Le droit est le
moteur des politiques environnementales, un instrument de protection de
l'environnement. Car il a la possibilité d'intégrer l'ensemble
des données exogènes nécessaires à la formation
d'un cadre juridique idoine. C'est ce caractère qui justifie son
utilité dans la protection et la meilleure gestion de l'environnement.
La science juridique a un rôle préventif, dissuasif et curatif
.sur l'environnement. Grâce aux nombreuses lois qu'il recouvre, le droit
norme le comportement des acteurs sociaux sur l'environnement .Cependant bien
que la science économique soit fondamentale à l'environnement
cela n'empêche pas l'auteur de douter de la compatibilité de
l'épistémologie juridique avec l'ensemble des problèmes
liés à l'environnement. Deuxièmement, l'auteur fait
état du régime juridique des Parcs Nationaux. Il conçoit
le Parc National comme étant un périmètre tenant la faune,
la flore, le sol, le sous-sol, l'atmosphère et les eaux. Leur rôle
est de protéger les
« écosystèmes », notamment les
paysages, ou des formations géologiques d'une valeur scientifique ou
esthétique particulière. Les Parcs sont affranchis du droit
d'usage et chaque Parc National est doté d'un règlement
intérieur fixé par un acte de l'autorité administrative.
Pour ce qui est du Gabon, la protection de l'environnement
relève du droit de l'environnement. L'Etat a
légiféré pour réglementer la conduite des individus
face à l'environnement. En 1981 par exemple, le décret
n°00115/PR/MAEFDR du 3 février 1981 portant protection de la faune
gabonaise. Quelques années plus tard, la loi n°16/93 du 26
août relative à la protection et à l'amélioration de
l'environnement était prise. En 2002, les Montagnes de Cristal ont
été érigées en Parc national par le décret
n°611/PR/MEFEPEPN.
Jean-Pierre BARDE et Emilio GERELLI,
1997- Economie et politique de l'environnement.
Paris, PUF, 216.
Le premier auteur est fonctionnaire international
chargé de l'analyse économique de l'environnement. Il obtient un
PhD en sciences économiques à l' Université de Paris. Il
est le chef de la division nationale de politique de l'OCDE, responsable, entre
autres, du travail de l'OCDE sur les instruments politiques environnementales.
Il est conférencier à l'école européenne des
études environnementales, à l'université de Pavie en
Italie et dans les instituts des hautes études de Lausanne et de Suisse
et membre dans plusieurs comités scientifiques chargés de
l'économie de l'environnement. Le deuxième est directeur de
l'Institut de Finances publiques et économiques de l'environnement
à l'Université de Pavie en Italie.
Dans cet ouvrage, les auteurs montrent, dans un premier temps,
les rapports lointains entre la science économique et l'environnement.
Leurs rapports étaient du type conflictuel. La science économique
négligeait les données et les contraintes environnementales parce
qu'elles se présentaient comme des facteurs limitants. Pour les
économistes, cet accouplement était
« contre-nature ». Dans un
deuxième temps, ils nous présentent leur situation. Aujourd'hui,
l'environnement est devenu un problème d'économie.
L'économie essaye de résoudre les problèmes auxquels
l'environnement fait face. Elle répond à de nombreuses questions
axées sur les coûts économiques des dommages causés
par l'environnement, sur le prix de la protection de l'environnement, et enfin
sur les stratégies mises en place pour la protection rationnelle de la
biodiversité, tout en se doutant de la compatibilité des
critères économiques avec des critères écologiques.
En s'appuyant sur une étude critique et dans une optique pragmatique,
les économistes vont s'efforcer de répondre à ces
questions dans le but de mettre en place une stratégie rationnelle de
protection de l'environnement.
Les questions soulevées par ces auteurs correspondent
à celles que connaît le Gabon. La protection de l'environnement
peut-elle rapporter financièrement autant que son exploitation ?
bien que la protection de la nature au Gabon soit une ancienne
préoccupation, elle est de plus en plus mise en avant depuis 1990. Elle
s'inscrit dans la dynamique des résolutions du sommet de la terre de Rio
et autres conférences consacrées à la problématique
de la protection de la nature. Mission que tente de remplir les Monts de
Cristal. L'apport de ces auteurs nous permet de mesurer toute la
problématique et les difficultés réelles qui existent
entre la volonté financière d'exploiter et le désir
volontariste de protéger. La question reste comme mentionnée plus
haut : la protection est-elle autant ou mieux plus rentable que
l'exploitation ?
Yvette VEYRET et Pierre PECHE,
1997 - L'homme et l'environnement.
Paris, PUF, 399 p.
Dans cet ouvrage, les deux auteurs établissent un
parallèle entre les sociétés humaines et
l'environnement. Ils situent l'homme au centre de cette
problématique. En effet, les rapports de l'homme avec l'environnement
sont de type conflictuel. Dans la mesure où, l'homme représente
une menace pour l'environnement.
Il pose des actions d'ordre irrationnel sur ce dernier sans
pourtant penser au futur ni au développement durable de son pays. De ce
fait, il importe alors aux chercheurs qui s'intéressent à
l'étude des rapports homme-environnement de les analyser en terme de
conflits entre bon nombre d'utilisateurs et en terme d'enjeux et de choix. Les
deux auteurs avaient travaillé sur les pratiques d'aménagement
dans le but non seulement protéger la nature mais aussi de bannir les
catastrophismes systématiques véhiculés par les
médias et de montrer que toute modification de l'environnement n'est pas
forcement condamnable dans la mesure où les choix de gestion
effectuées par les sociétés doivent d'abord aider l'homme
à vivre et à améliorer ses conditions de vie
Au Gabon, les rapports de l'homme à son environnement
s'inscrivent dans ce cadre. L'homme est en perpétuel conflit avec son
environnement. Il exerce une action influente sur son milieu, alors qu'il est
la condition de toute vie sociale. C'est un fournisseur de ressources,
responsable de contrainte pour les activités humaines, de
l'aménagement et parfois source de risques. Les actions de l'homme sur
l'environnement sont à l'origine des risques et de catastrophes, parce
qu'elles contribuent à la modification de l'environnement. Pour
repenser les relations homme-nature, ressources, société et
réfléchir en terme de développement durable, l'Etat
gabonais aurait mis en place des mesures dont le but est de régulariser
les conduites des individus à l'égard de la nature. Ce fut
là la création des Monts de Cristal. Ce Parc aurait pour but non
seulement de régulariser les conduites des villageois habitant à
sa périphérie sur la bonne gestion des écosystèmes
naturels, mais aussi de conserver les richesses du sous-sol afin d'assurer les
meilleurs conditions de vie au peuple.
Paulin KIALO
1998 - « Les formes traditionnelles de gestion de
l'écosystème du village Moutouyeni
(Ogooué-Lolo) », in Revue Gabonaise des sciences de
l'homme, LUTO, Libreville, pp. 159-168.
Paulin Kialo est un anthropologue de formation. Il est
chercheur à l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences Humaine).
Dans cette revue, l'auteur aborde la problématique de
gestion des écosystèmes dans un village situé dans la
province de L'Ogooué Lolo, précisément dans le canton
Lolo-Wagna. Ce dernier cherche à connaître et à comprendre
les méthodes de gestion et de conservation des forêts de cette
population. Il admet l'hypothèse selon laquelle, ces gens regroupent un
inventaire de techniques de conservation. La conservation des forêts se
fait à travers des interdits. Ces interdis sont liés aussi bien
à la terre, à la rivière qu'à la forêt. Le
chef traditionnel se charge de leur régularisation. Quant à la
sanction à infliger, elle revient au chef surnaturel et officieux. Cela
suggère que la conservation des écosystèmes va au
delà du domaine du visible. La gestion des forêts se fait selon
les activités (chasse, pêche, agriculture, cueillette, ramassage,
vannerie), les sexes et les saisons. Les forêts sont reparties par
lignage et la transmission se fait au sein de ce dernier.
Généralement, elle se fait de mère à fille ou
à belle-fille et de père à fils. La violation de ce
principe entraîne des sanctions.
L'analyse de cet auteur intéresse notre étude
d'autant plus que nous abordons la problématique relative aux modes de
gestion et de conservation des forêts. On relève une gestion et
une conservation similaire au sein de la société riveraine aux
Monts de Cristal. Les Fang sont attachés à leur forêt. La
forêt leur offre une grande variété d'aliments, des
matériaux, des ustensiles et des médicaments. Les fang
gèrent les forêts à travers les activités
traditionnelles et la conservent par la jachère et les
« forêts sacrées ». Toutes ces techniques sont
enseignées à l'individu dès son jeune âge. Ces
enseignements sont tirés des contes, des devinettes, des parémies
et des sociétés initiatiques. Les forêts sont
réparties par villages et chaque lignage a sa forêt. C'est le chef
du village et le plus sage du lignage qui sont chargés de
désigner les personnes qui enfreignent les règles
préétablies. Tandis que les ancêtres se chargent de la
sanction à coller. Au sortir de sa lecture, nous nous demandons si la
conservation traditionnelle ne peut pas être compatibles avec les projets
de conservation. Leur union peut-il favoriser le développement
durable ?
Marcus COLCHESTER
1999 - « Parcs ou Peuples? » in
Ethnie, Nature sauvage, nature sauvée? Paris, Document,
pp.160-193. Marcus Colchester est directeur du Forest People Programme
(Programme Forets, Peuple).
Dans son article, l'auteur dénonce les problèmes
auxquels sont confrontés les peuples indigènes avec
l'arrivée de l'approche conservationniste classique. Les projets de
conservation sont au dessus des intérêts des populations
riveraines aux Parcs. Les populations sont marginalisées, soumises aux
exigences des politiques de conservation, elles ne sont pas impliquées
dans les projets de conservation et ne reçoivent aucune aide venant de
l'Etat ou des ONGe. Les normes élaborées dans l'agenda 21,
à propos du contrôle des populations autochtones sur l'utilisation
de leurs terres et l'autodétermination ne sont pas
considérées dans les projets, elles sont niées par la
législation. Le constat que cet auteur fait est que, l'Etat est un outil
qui permet aux projets de bien asseoir leur politique, tout en contraignant les
populations. A cet effet, l'auteur recommande aux conservationnistes de
développer des approches plus radicales de la conservation de la nature,
fondées sur des processus de prise de décision fonctionnant de la
base au sommet, et non l'inverse. Ces derniers en travaillant sur les zones
habitées par des peuples traditionnels partent de l'idée qu'ils
traitent avec des peuples détenant des droits légitimes à
la propriété et à l'utilisation de leurs ressources
naturelles. Les hommes aux modes traditionneles de vie disposent d'une
connaissance adéquate de leur environnement et font une utilisation
intrinsèquement durable de leurs ressources grâce aux
mécanismes qu'ils mettent en place. A travers ces connaissances, ils
peuvent intervenir dans les projets. Marcus pense que l'association des
écologistes, chercheurs en sciences sociales, des juristes et des
conseillers économiques à ces hommes pourrait faciliter la
cohabitation dans les projets et favoriser une gestion durable des ressources.
Les gestionnaires des Parcs doivent se comporter en conseillers plutôt
qu'en directeurs. Il ajoute que la réconciliation de
l'autodétermination des peuples autochtones avec les objectifs de
conservation est possible à condition que les agences de conservation
cèdent leur pouvoir à ceux qui sont actuellement
marginalisés par les pratiques de développement et de
conservation qui sont en cours.
Pour ce qui concerne le Gabon, cette vision de la
conservation n'est pas en reste. Nous rencontrons les mêmes
problèmes. Les populations riveraaines des Parcs et
particulièrement du Parc National des Monts de Cristal semblent
marginalisés. la population et ses droits sont méconnus. La
conservation se fait seulement au niveau du sommet. Le projet penserait que la
population fang ne dispose pas d'outils pour une conservation durable des
écosystèmes. Il va plus loin lorsqu'il estime que l'homme aux
modes traditionnels de vie serait le destructeur et non le protecteur de ces
ressources. L'Etat se contenterait à juste titre de son
intérêt. Le massif forestier des Monts de Cristal semble
être exploité par les sociétés forestières.
Cependant, l'accès serait formellement interdit aux populations
autochtones, même dans leurs espaces d'exploitation dans la mesure
où une régularisation des activités traditionnelles est
recommandée. Les populations vivraient dans des conditions
précaires, aucun développement ne semble existé dans la
région des Monts de Cristal. Face à cette délicate
situation, nous sommes tentées de poser les questions : A quoi sert
le Budget mis en place pour la gestion du Parc National des Monts de
Cristal ? Au bénéfice de qui les ressources des Monts de
Cristal doivent-elles être utilisées ou conservées ? A
qui l'autorité sur les ressources naturelles doit-elle être
réellement confier pour s'assurer qu'elles seront gérées
de manière effective, avec prudence et pour le bien des
générations futures. Par ailleurs, le projet étant
à ces débuts, nous osons espérer que cette situation
connaîtra des améliorations dans un futur proche.
John NELSON, Lindsays HOSSACK,
2003 - Les peuples autochtones et les
aires protégées en Afrique : du principe à la
pratique Pays-bas, Moreton in-Marsh, 312 p.
Cet ouvrage est un ensemble de textes de plusieurs auteurs. Il
présente l'impact de dix projets de conservation sur la vie et l'avenir
des peuples autochtones dans sept pays d'Afrique. Il ressort de cet ouvrage que
les projets de conservation ne tiendraient pas compte des peuples autochtones.
Cela est du au fait que les principes et directives convenus au niveau mondial
ne sont pas appliqués. Les villageois vivent dans des conditions
précaires car ne bénéficiant pas du profit provenant des
aires protégées. Ils sont exclus de leurs terres, ils n'ont plus
de droits fonciers sur leurs terres traditionnelles, leurs moyens de
subsistance ont connu une réduction et il n'y a aucun changement
socio-économique. Les projets de conservation ne font pas pencher la
balance en faveur de ces communautés, au contraire, ils
valident l'imposition de nouvelles restrictions rigoureuses sur l'utilisation
de leurs terres. Ils appliquent des stratégies de conservation
dépassées qui ne sont pas compatibles avec la
préservation. Ces auteurs recommandent alors d'établir des moyens
de communication adéquats entre peuples autochtones et gestionnaires
d'aires protégées. La communication n'est valable qu'en mettant
en place un financement adapté et ciblé, en assurant la
participation significative de ces peuples aux processus de planification, en
leur donnant des emplois dans les projets de conservation et en reconnaissant
leurs droits sur leurs territoires traditionnels.
En effet, le constat fait par ces auteurs rejoint celui que
nous faisons au projet de conservation mis en place par le gouvernement
gabonais. Au Gabon, le projet de conservation ne tiendrait pas compte des
populations qui vivent essentiellement de la forêt. Elles semblent
être marginalisées. Depuis 2002 que les Parcs Nationaux, ont
été mis en place et particulièrement le Parc National des
Monts de Cristal, aucun changement socio-économique n'existe. Le
chômage semble s'accroître davantage. Les populations
continueraient de vivre dans des conditions précaires. Ces dernieres
seraient dépossédées de leurs droits fonciers et
l'accès à la ressource serait devenu limité. Les
gestionnaires du Parc n'ont aucun souci pour ses populations. Ils se
contenteraient seulement d'instaurer des législations pendant que les
populations crient. La terre du villageois est devenu leur
propriété. La question ici est de savoir si cette
stratégie de conservation pourra atteindre le développement
durable.
Sylvie Brunel
2004 - Le développement durable. Paris, PUF,
coll. « Que sais-je ? » 127 p.
Sylvie Brunel est professeur de géographie du
développement à l'université Paul Valéry de
Montpellier et à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP). Elle est
également romancière.
Dans cet ouvrage, l'auteur met en exergue le terme
« Développement durable ». En effet, elle
situe l'origine de cette expression et montre comment elle a
évolué à travers le monde et comment elle est devenue
nécessaire à l'échelle mondiale et au sein des
sociétés humaines. Ce concept a pour but de lutter contre les
inégalités à l'échelle planétaire. La
logique du développement durable consiste à ne plus
considérer aucun pays comme une entité autonome à qui il
appartiendrait de faire des bons choix en matière de
développement. Mais en tenant compte du fait que nous vivons dans un
univers mondialisé. Pour l'auteur, le terme développement est
très complexe. Son interprétation varie selon les auteurs. Le
développement durable tient compte de tous les domaines d'une
société. Le développement durable, c'est s'efforcer de
répondre aux besoins du présent sans compromettre la
capacité de satisfaire ceux des générations futures.
Le rapport que nous faisons entre ce texte et notre
étude, se situe au niveau du développement durable. Le projet de
conservation institué au Gabon poursuit deux buts la conservation des
écosystèmes naturels et le développement durable du pays.
L'environnement est un secteur déterminant pour le développement
durable d'un pays. Dans ce domaine, le gouvernement a mis en place plusieurs
techniques pouvant permettre au pays de sortir de la crise
socio-économique et d'atteindre le développement. Il a mis en
place un Ministère de l'environnement. Ce ministère est
chargé d'établir les législations en matière de
protection des écosystèmes. Toutes ces législations sont
contraignantes aux hommes et sont accompagnée de sanctions. En dehors de
ce Ministère, nous pouvons également citer le ministère
des eaux et forêts, de l'économie forestière, des Parcs
Nationaux, et le haut commissaire au tourisme. L'Etat gabonais a
également créé les Parcs Nationaux qui vont
développer le tourisme à l'échelle nationale. Ces derniers
gérés par le CNPN et les ONG vertes
Sabine RABOURDIN
2005 - Les sociétés traditionnelles au
secours des sociétés modernes. Paris, Delachaux, 223 p.
Sabine Rabourdin est une journaliste-écrivain. Elle est
également ingénieur et diplômée en
ethnoécologie.
L'auteur soulève la problématique relative aux
fondements sociaux de deux modes de gestion et de conservation des
forêts. Il s'interroge aussi sur le foyer d'origine de ces savoir-faire.
Pour répondre à ces questions, l'auteur propose deux
hypothèses. Il pense que les hommes aux modes de vie modernes ont des
comportements inappropriés à la gestion de leur environnement.
Ces derniers se sentent exclus de la nature. La nature représente une
usine à produire des richesses. Ils n'ont aucune notion de conservation
de l'environnement. Ce Comportement est l'une des conséquences de la
révolution industrielle. Cette dernière renforce l'individualisme
et entraîne la perte des valeurs culturelles inculquées à
ces hommes. Cependant, les hommes aux modes de vie traditionnels sont
liés à la nature, car leur vie en dépend. Pour ces
derniers, la nature occupe une place de choix. Par conséquent, ils lui
doivent respect et protection. Pour faire une gestion parcimonieuse de leur
environnement, ils ont développé des pratiques de gestion durable
des forêts parmi lesquelles, les jachères et les forêts
sacrées. Ces valeurs et savoirs traditionnels sont enseignés dans
les mythes et les légendes. Ils sont sous la surveillance des sages.
Leur respect est assuré par des règles prédéfinies.
Leur transgression est punie par les génies de la nature. La punition
peut être mortelle ou provoquer simplement une maladie. Ce souci de
conservation peut aussi s'expliquer par le fait que les hommes ont toujours
envie de sauvegarder l'harmonie entre leur culture et le surnaturel et c'est
à travers cette harmonie que se résume l'équilibre de leur
société.
Les problèmes abordés par cet auteur
correspondent à ceux que nous soulevons au Gabon. En effet les hommes
qui habitent en milieu urbain auraient tendance à faire une exploitation
irrationnelle de la forêt. Les sociétés forestières
ne cessent au jour le jour de détruire la canopée du paysage des
Monts de Cristal. Les sociétés minières installées
dans la zone en font la même chose. Ces hommes enverraient de temps en
temps les chasseurs pour faire le braconnage dans ce massif forestier, ce qui,
compte fait, réduit la faune de cette forêt. De l'autre
côté, on s'aperçoit que l'homme vivant en zone
périurbaine entretient toujours des rapports étroits avec son
milieu naturel. Parce qu'il estime que c'est grâce à lui qu'il
mange, se soigne, s'habille et construit. Pour sauvegarder
cette forêt intacte, il a développé le système de
« forêts sacrées », qu'il fait
respecter par des interdits. Ces interdits sont réglementés par
les instances traditionnelles.
Carte 1. Zone d'étude : les Monts de
Cristal
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Cette carte met en relief les zones dans
lesquelles nous avons passé notre terrain, il s'agit de Kango et de
Medouneu. Kango est une ville située sur la nationale 1, alors que
Medouneu est au Nord-Ouest de la province du Woleu-Ntem. L'accès
à ces régions n'est possible qu'en voiture. Les noms en bleu
représentent les départements auxquels elles appartiennent. Kango
est situé dans le département du Como-Kango, tandis qu'on
retrouve Medouneu dans le Haut-Como. Ces deux chefs- lieux de
département sont limitrophes. Les villes de Kango et Medouneu sont
situées des chefs lieu de provinces différentes: Oyem (Medouneu)
et Libreville (Kango).
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