B) UN NOUVEAU DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE DES JEUNES
CONSOMMATEURS : «LES CONSULTATIONS CANNABIS».
Nous constatons depuis quelques années, un durcissement
de la politique de lutte contre les toxicomanies. La loi du 3 février
2003 punit de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, toute
personne ayant conduit sous influence de substances ou plantes classées
comme stupéfiant.
Des contrôles avec un dépistage d'usage de
stupéfiants peuvent être réalisés par les policiers
et les gendarmes.
En 2005, une circulaire appelait à une réponse
pénale « plus systématique, plus efficiente.
Parallèlement, le dispositif de Consultation Cannabis a
été mis en place en 2005.
L'augmentation de la consommation du cannabis par une
population de plus en plus jeune et vulnérable, les usages à
risques associés à la prise d'alcool ou d'autres produits
provoquent l'inquiétude des politiques et des professionnels du milieu
médico-social.
De ce fait le ministère des solidarités de la
santé et de la famille, la mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et l'institut national de
prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ont mis en
place un programme de prévention de l'usage du cannabis avec en
février 2005 une campagne médiatique de sensibilisation et la
mise en place dans les départements «de consultations
spécifiques destinées à tous ceux qui ont ou pensent avoir
une consommation problématique du cannabis».
Comme le précise Didier Jayle, Président de la
MILDT interrogé sur l'ampleur de la campagne de sensibilisation sur le
cannabis :
« En France, le cannabis est de loin le produit
illicite le plus consommé chez les jeunes. Nous avons voulu mettre en
garde contre les effets de la consommation avec un souci constant ni
banalisation, ni diabolisation.
Le cannabis n'est peut être pas le fléau qui
pourrit notre jeunesse mais ce n'est certainement pas comme le pensent beaucoup
un produit anodin».
Baptiste Cohen, Psychologue directeur DATIS (Drogue Alcool
Tabac info service) met en évidence la philosophie de la notion de
consultation cannabis :
«Les consultations cannabis ont été
mises en place pour traiter de l'entrée en toxicomanie, plus que de sa
sortie, bien que rattachées au dispositif médico social, elle
supposent des compétences que les intervenants doivent partager avec les
acteurs de la prévention, notamment lorsqu'il s'agit de repérer
les usages problématiques des jeunes » quels sont les
objectifs de ces consultations ?
Il s'agit de :
- permettre aux jeunes de mieux évaluer leur
consommation notamment pour ce qui concerne les conséquences sur leur
vie sociale, leur travail scolaire ou autre, leur santé,
- délivrer aux jeunes consommateurs des conseils et des
informations adaptées à leur situation, qui s'appuient sur des
données scientifiquement validées.
- proposer aux consommateurs abusifs une prise en charge
brève.
- accueillir et soutenir le ou les parents en
difficulté du fait des consommations de leurs enfants.
Les missions sont les suivantes :
- favoriser une évaluation partagée de la
situation de jeune consommateur et un diagnostic de l'usage nocif,
- offrir une information et un conseil personnalisés
aux usagers à risque,
- offrir une prise en charge brève aux jeunes ayant un
usage nocif.
- offrir un accueil aux parents en difficultés du fait
de la consommation de leurs enfants.
- proposer un accueil conjoint parents- enfants.
- susciter la motivation au changement en matière de
comportements de consommation.
Pascal Hachet, Psychologue responsable d'un point
écoute jeunes situe la Consultation Cannabis dans le prolongement du
point accueil écoute-jeunes qui assure une aide
psychologique et l'accompagnement éducatif ponctuel auprès des
jeunes consommateurs ou non, et de leurs parents à la différence
des consultations cannabis qui s'adressent aux jeunes fumeurs de cannabis
dépendants. Il qualifie les consultations cannabis de «greffons
institutionnels qui ne peuvent être efficaces que si ils sont
correctement pris ».
Il cite l'expérience d'un dispositif similaire mis en
place par Jean-Marc Couteron, Chef de service et Psychologue dans un CSST de
l'association Cedet à Mantes la Jolie.
Partant d'un double constat, J-M Couteron dit :
- «que la demande était souvent initiée
par l'adulte inquiet du devenir de l'adolescent,
- et le fait que l'expérience de l'adolescent
consommateur est souvent riche à son insu d'informations susceptibles de
l'aider à mieux en garder la maîtrise tout en permettant à
l'adulte de comprendre ce qu'il y trouve. »
La consultation jeunes usagers de cannabis offre
à des adolescents n'ayant eu aucun contact avec un centre de soin, un
contact constructif sur la question de l'usage de cannabis et d'autres
substances dans la phase d'installation de la consommation.
Selon Alain Morel, Psychiatre directeur médical du
centre le trait d'union, le bilan qualitatif de l'expérience des
consultations cannabis met en évidence 6 notions :
· La notion de rencontre
Cette notion, préambule de toute intervention
thérapeutique, est déterminante pour la suite de la prise en
charge. La difficulté de cette première rencontre est le fait que
les jeunes ne sont généralement pas demandeurs, ce qui
nécessite certaines conditions, notamment «aller vers eux et
puisqu'il s'agit de parler d'un comportement qui est socialement
réprouvé, ouvrir des espaces protégés où
puisse être entendue et discutée leur expérience
individuelle, sans jugement a priori»
· La notion de d'expérience
L'expérience ne se mesure ni à
l'expérimentation ni au seul comportement. Elle est tout à la
fois le lieu où peut s'apprendre quelque chose sur soi, sur l'autre ou
sur le monde, au sens où l'on acquiert de l'expérience, et le
temps d'un ressenti, de l'émotion, où de l'apprentissage se
trouve possiblement débordé par l'intensité de ce qui est
vécu : plaisir, détente ou douleur et souffrance. Il ne s'agit
pas de l'entériner, ou de la condamner, mais de la reconnaître et
de rendre possible une parole à son sujet et un échange donc un
questionnement.
· La notion d'aide à l'auto -
évaluation
L'objectif est de susciter l'auto-observation et une
réflexion active sur les consommations.
· La notion de repérage
Elle permet d'identifier les usages en utilisant des
questionnaires d'évaluation.
· La notion de motivation
Elle recouvre la compréhension des motivations à
consommer et l'aide à la motivation au changement de pratique de
consommation.
· La notion d'accompagnement
Elle regroupe les cinq notions précédentes et
peut être fluctuante en fonction de la personne pouvant être une
présence, une écoute, et une aide à la réflexion,
parfois une aide au changement ou une orientation.
|