I - PARTIE THEORIQUE
A) JEUNES ET CANNABIS
Le cannabis ou marijuana est la drogue la plus répandue
dans le monde et la plus utilisée par les jeunes.
L'usage et le trafic de cannabis constituent toujours un
délit puni par la loi.
En Guadeloupe le mode de consommation le plus courant est le
joint, on peut situer l'usage du cannabis dans le sillage du mouvement rasta
dans les années 1970 avec comme personnage emblématique le
célèbre chanteur Bob Marley.
Les rastafariens prônent l'usage rituel du cannabis
(ganja, kaya coolie), herbe sacrée.
Fumer constitue pour eux un moyen de relaxation et de
communication spirituelle positive avec Jah (Dieu). Ils préconisent un
mode de vie en harmonie constante avec la nature considérée comme
toute puissante.
Dans la même logique ils ne consomment pas d'alcool et
sont végétariens et se laissent pousser les cheveux
(Dreadlocks). L'usage «religieux» des premiers consommateurs
rastafariens a dérivé vers un usage toxicomaniaque classique en
s'élargissant à d'autres catégories d'utilisateurs.
Dans son ouvrage « Crack et cannabis » le
professeur Aimé Charles Nicolas met en évidence la
représentation négative du cannabis par la population
antillaise. Bien que minimisée par la Direction Générale
de la Santé du fait de sa faible toxicité, la consommation de
cannabis inquiétait le corps social antillais.
Nous assistons dès lors à une
«diabolisation» de l'herbe. A la différence des îles
anglophones, le cannabis ne faisait pas partie intégrante de la culture
des Antilles françaises. «L'herbe» c'était
la DROGUE, on ne disait pas il fume
«l'herbe» mais «il prend» de la drogue. Le mouvement rasta
suscitant la méfiance d'une grande majorité de la population
était considéré comme une «secte».
Ce mouvement prônait un mode de vie inhabituel, de
nouveaux rites, de nouveaux modes de communication, vocabulaire (exemple :
cool, tchad etc.), de nouvelles musiques et préconisait aussi un retour
aux sources à savoir la culture africaine (roots).
Fascinés par ce mode de fonctionnement une partie des
jeunes Antillais l'adoptèrent, notamment ceux qui étaient
psychologiquement fragiles et en manque de repères dans le but de se
démarquer des adultes et de s'opposer aux règles
établies.
L'usage du cannabis s'est considérablement
développé dans les années 1980, cet usage étant
répandu d'une part dans les quartiers défavorisés de la
périphérie pointoise (de Pointe-à-Pitre, ville principale
de la Guadeloupe), ainsi que chez certains jeunes de conditions «sociale
élevée», à savoir les parents
«fonctionnaires» ou de profession libérale.
La consommation étant liée au désir de
connaître des sensations fortes ou dans un contexte de révolte par
rapport à l'ordre établi surtout en opposition au modèle
familial.
Actuellement, l'usage du cannabis s'est répandu dans
l'ensemble des communes de la Guadeloupe.
Par ailleurs, la consommation et la vente qui se faisaient en
cachette, se font au grand jour, alors qu'auparavant, il existait une nette
séparation entre les consommateurs d'alcool et les fumeurs de cannabis
(l'alcool étant considéré comme la drogue des
vieux) ; la plupart des jeunes consommateurs pratique le mélange
des deux substances, ce qui augmente la dangerosité de la
consommation.
Une boisson très prisée par les jeunes
consommateurs se présente sous la forme d'un vin blanc liquoreux de
très mauvaise qualité qu'ils appellent communément
«macaque», en référence à l'étiquette qui
représente un animal ressemblant à un singe.
La consommation se fait en plus en groupe dans des lieux
publics, appelés traditionnellement des «biks» où se
réunissent des jeunes pour la plupart en échec scolaire ou en
chômage.
L'absorption excessive d'alcool et de cannabis se termine
quelquefois de manière dramatique (accident de booster, bagarre,
meurtre) au désespoir de la famille et des autorités locales.
L'adolescence, période de transformation physique et de
transition entre l'enfance et l'âge adulte constitue une période
de vulnérabilité pendant laquelle la vigilance et l'attention des
parents s'imposent.
Comme l'exprime le professeur Daniel Marcelli, Psychiatre
spécialiste de l'adolescence «les concepts de drogues douce ou
dure n'ont aucune utilité seul le mode de consommation est à
prendre en compte».
Il distingue ainsi 4 catégories de fumeurs :
· le fumeur occasionnel ou l'usage
récréatif convivial qui n'a aucune conséquence sur la
santé ou la scolarité,
· le petit fumeur régulier de 5 à 15
grammes par mois avec des pointes le Week-End, cette consommation peut
correspondre à un moment difficile à passer pour l'adolescent,
· le fumeur auto thérapeutique de 20 à 60
grammes, l'effet recherché est un effet anxiolytique ou hypnotique.
Cette consommation devient problématique car elle entraîne des
troubles inévitables : amoindrissement de la concentration, perte de
toute motivation en dehors de désir de fumer d'où
nécessité d'une psychothérapie,
· le toxicomane de 60 à 150 grammes par mois, ces
fumeurs (une minorité) s'excluent rapidement du système scolaire.
Ils peuvent avoir des troubles graves de la personnalité d'où la
nécessité d'un traitement dans un centre spécialisé
obligatoire.
L'âge des consommateurs est également à
prendre en compte comme le souligne le docteur Alain Morel Psychiatre,
Secrétaire général de la Fédération
Française d'Addictologie.
Entre 13 et 16 ans le cerveau se réorganise, met en
place de nouvelles connexions et trop de cannabis à cette période
perturbe le développement de l'adolescent et l'handicape dans la
recherche de son équilibre psychique sans compter le risque de tomber
un jour sur un produit trop fortement dosé qui conduit tout droit
à un «Bad trip».
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