Annexes
Discours des locaux
Récit244(*) n°1 de Boulikou Albert245(*) sur La chasse à
l'éléphant
1- Barele babokanga Nzahu tsina basabanga netu mumu
berambugilanga gu Lastrouville, yetu bisira guaya duse guaya mbara yawu babanga
ne mugisiawu unengugula munombu. Pabe maruganga mumu, ba sundilanga mbu tsiefi.
Tsiefi tsini ba kubalonga misiru mia labini nzahu. La yawu bakuendanga ne
betsige. Tsiawu nzahu be veranga ne mekongu, La nzahu pasi maboku, batu
bekuenda gosasa, pungi yawu beni bekubonganga, be bonganga bekusumbisa,
bakudinga tsika.
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1- Les chasseurs qui les tuaient n'étaient pas parmi
nous, ils revenaient de Lastrouville, nous les bisir nous avons appris à
faire la chasse avec eux. Ils avaient un rite qu'on appelait
munombu246(*).
Lorsqu'ils arrivaient ici ils descendaient chez les chefs. Ces chefs les
montraient les forêts où l'on rencontre les
éléphants. Et ils partaient accompagnés des autochtones
à leur poursuite. Ils les tuaient avec les flèches. Une fois les
éléphants tués, les gens du village prenaient la viande et
eux-mems récupéraient les pointes qu'ils vendaient.
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2- Mebeni dzibanga murele nzahu, murele a uneni unzahu, pa
ukaro boka gibulu gina niuru tsiagu sikidzi dikengi. Mbara gu ndiayu wamulegili
pa ama regila gukuena ukurina veveni, esi mwiri nenana ubedze kusuema mbara gu
yandi agarugi ne buvembe esi use goberuga la yandi ama kuvioga. La gu warinili,
usa rinili gu wome, bute buagu bugabi nagu gudikake mbara pa wome uma kuganga
ne votsu yandi bedze kudila. (...) pasi waveri nzahu use gabi taga nandi. menu
dze veranga neva verili ba mbatsi, menu ni veranga kapene sept metre, huit
metre si ni kuvere (...) menu ni bokilanga tujur ka gumuru. (...)Menu ni be
bokanga ka niangu dibeti viaviavi ka niangu. Gere waromuboka sirplace wamuveri
gu mbami, pasi sanana, ukumuverilila gu tsugu diru, gu mukeka, mukeka urega mba
vana wabembi murima.
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2- Moi-même je fus un chasseur d'éléphant,
un grand chasseur. lorsque tu veux tuer cet animal tu dois être en forme.
Quand tu le chasses, s'il arrive qu'il te voit le premier tu dois fuir et te
cacher même derrière un gros arbre parce que s'il te poursuit avec
méchanceté, même si tu tombes il va te dépasser. Et
quand tu fuies, tu ne dois pas le faire avec la peur, ton fusil doit être
avec toi à la main parce que si tu fuies en ayant peur, il peut t'avoir
(...) lorsque tu tires sur un éléphant, tu ne dois pas être
trop loin de lui. Moi je ne tirais pas comme certains, je les tirais à
sept ou huit mètres (...) je les tuais toujours par la tête (...)
je les tuais toujours la journée et non la nuit. Si tu veux le tuer sur
place, tu le vises au front, au-dessus de l'oreille, ou au niveau de
première côte pour atteidre le coeur.
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3- Menu vava mbe ni ka bokitsi tsapale ne dzala. Niku
rambuga vava guberagusenu guna gu giambi. Niku be kekisa ne tsufu reru, a
imurenu be kuruga, ni ku sueme gu dzime mukoga uneni, ni kuvera imosi
gutsiediviseme.
Avana usa boki gumugangu nyama nzo unzahu, waboki gu
gusandza gusandza. (...) Gukielu gusandza gu giamba pabe mugamba, gutsie musiru
gu divisama usa bendze kusala, waboki ka iwalabi gu gusandza. (...) Nzahu
yasalu, nzahu waboku guburele batu bekuse sasa, duke dinga tsike ne pungi
(...). Pasi uka gwendi gu burela bu nzahu wagwendi ne masani me ranu pasi masa
kulu pasi unamoni wabegi esi digumi.
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3- Moi ici, j'ai failli faire mourir la famille avec la faim.
J'ai été obligé de les retrouver à la plantation.
Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont
venus, je me suis caché derrière un gros arbre et j'ai
tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité.
En ce moment tu ne tues pas pour la viande ou les
défenses, tu tues pour les chasser de la plantation. S'ils sont en
troupeau dans la brousse en pleine nuit, tu ne peux pas choisir, tu ne tues que
celui que tu voies. L'éléphant qu'on choisit, c'est un
éléphant qu'on tue au cours d'une chasse pour la viande et pour
avoir l'argent avec les défenses (...). Lorsque tu va à la chasse
à l'éléphant tu apporte au moins cinq balles sinon une
dizaine.
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4- Be kidzungu, botsu be mandji be maguda vana gudia di
bandu guvanda. Wagwendi gu mutu wavandi nzahu (...) aga ku vandilili nzahu
dibeti ne pundu igu kusuega. Nzahuina ire gnoya iwaduari. Aga kuvegi mwe
dibumba, dibumba dina nzahu, la dia gwe ne gwenda nagu bambani, digu tsie
pengiagu. Memosi panga, la pangeni igabi ne dibumba, dibumba dina, nzahueni.
Avana esi wagulu indiayu waveri esi ise ranga ne buvembe asa kudengi mbara
asalabi mutu agalabi ka nzahu nandi. tumba durangu du nzahu du yandi aga
kuvegi, uya duviosisi. Pasi ase ku vagala waboki nzahu iranu pa si maduka
iranu, indiayu wakuboka neyoni, vana uma kosumbisa nzahu ina yakuboki.
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4- On les fabriquait, tous ceux de Mandji sont morts à
cause des fétiches. Tu pars chez une personne qui sait
« féticher » l'éléphant (...) il te
fabrique un éléphant mystique pour te cacher. Cet
éléphant est comme une chemise que tu portes. Il te donne un
dibumba247(*),
ce fétiche c'est l'éléphant qui marche avec toi dans un
sac. Parfois c'est une chênette qui a pour médaillon le dibumba et
ce dibumba c'est l'éléphant en question. En ce moment même
si celui que tu veux abattre est méchant, il ne peut pas
t'avoir parce qu'il ne te voit pas comme un homme, il ne voit q'un
éléphant comme lui. Cependant tu ne dois pas excéder le
nombre d'éléphant à abattre qu'il te donne. S'il te dit
que tu abattras cinq éléphants, si tu atteint les cinq, celui que
tu abattras encore est celui qu'il ta fabriqué, en ce moment tu te
vends, cet éléphant te tue.
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5- Mbili be tsibe muna, tumba be magwida, be se bokungu ka
ne nzahu, gere giliba, gere giegina dzayabi (...). Mbatsi menu dze veranga negu
nenga, dzabanga ne divanda tumba dze sisa mba bimaga mbe biaranga (...) mefimba
nia gwendi gu musiru gu burele budzusu, dza gwenda ne buta bu nzahu, ka bugegi,
nia susuli ka, ni vaganga adikutsie, nzahu iku nevave ne vana (...) Nzahu tsina
si mevanda, si bedze vevila vika, pa ama benguna ne si musiru, ayvama potegeni
ne be mbatsi, be mbatsi guandi besa mukuani, besa musandzi, ba gaya konga. Ne
tsiotsu tsina sia gone ne guyanga biamba bi be mbatsi mbara wisi tsiotsu asa
bedze itunganga. La pa imanianguga la ika gone gwenda gone guya biamba bibe
mbatsi, dibandu ba bemani ne guboka. Pa uma ivera, gilimba gineni, mutu uvanda
iyoni. Yandi gwandi ne gu dimbegene ne gubele.
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5- Ils étaient nombreux ici mais ils ont
succombé, ils se faisaient tuer par les éléphants, si
c'est l'oubli, si c'est quoi je ne sais pas (...). heureusement pour moi
j'abattais avec l'apprentissage, je n'avais pas de fétiche mais j'ai
laissé parce que les faits surprenants devenaient trop (...) parfois je
vais en brousse pour une autre chasse, je n'apporte pas de carabine seulement
le calibre 12, je vois surgir de nulle part un éléphant au moment
où je réagi, il est non loin de moi. (...).
Ces éléphants mystiques peuvent se promener
seuls, s'ils rencontrent ceux de la forêt, ils se mélangent avec
eux, ils ne les chassent pas, ils ne les briment, ils mangent ensemble. Ce sont
tous ces éléphants qui dévastent les champs des autres
parce que le propriétaire ne peut pas tous les jours l'amarrer. Et quand
il se détache, il va dévaster les champ des autres c'est pour
cette raison qu'on les extermine.
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Ce récit de Boulikou Albert nous apprend qu'à
l'origine le peuple gisir ne pratiquait pas la chasse à
l'éléphant avec le fusil, il aurait appris cette pratique il y a
quelques années, avec des chasseurs qui seraient venus de Lastrouville.
En période d'incursions d'éléphants dans leurs champs, les
hommes gisir faisaient appel à ces chasseurs. Ce récit nous
apprend également que l'éléphant n'est pas une bête
facile à abattre. Sa chasse nécessite un apprentissage et surtout
beaucoup de courage. C'est donc la combinaison de l'apprentissage et du courage
qui sont des conditions de base pour devenir un chasseur
d'éléphant. Ainsi, quiconque osait s'aventurer à cette
chasse mettait sa vie en péril. Cependant, certains passent par une
pratique mystique qui consiste à l'acquisition d'un
éléphant mystique à la demande du chasseur à un
nganga et c'est cet éléphant mystique qui protège le
chasseur lorsqu'il est au milieu des vrais éléphants de
forêt. En ce moment le chasseur et la bête forment une même
entité.
Mais l'inconvénient de cette pratique est que le nganga
donne au chasseur un nombre limité de bêtes à abattre et
lorsqu'il a fini d'abattre le nombre de bêtes qui lui a été
attribué, s'il s'avise à en abattre une autre, celle-ci le tuera.
De plus, cet éléphant mystique est comme une bête
domestique qui doit se nourrir et que l'on peut attacher comme un maître
attacherait son chien à un poteau. Mais comme elle doit se nourrir,
c'est en ce moment qu'il dévaste les champs des autres personnes. Aussi,
du discours de notre informateur, il y a deux types de chasse à
l'éléphant. La première chasse vise la viande et la vente
des pointes d'ivoire et dans ce cas, le choix de la bête à abattre
s'impose, il s'agit d'atteindre le mâle dominant. La deuxième
chasse a pour objectif la protection des cultures et dans ce dernier cas,
aucun choix de la bête à abattre n'est de rigueur. Le chasseur
tire sur n'importe quel bête même sur un éléphanteau,
pourvu qu'un d'entre eux soit touché même s'il ne meurt pas. Car
une fois que l'un d'entre eux a été blessé ou tué,
le troupeau cesse de fréquenter ce milieu pendant une longue
période, considéré désormais par eux comme hostile.
* 244 Récit
collecté le 15 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 245Albert Boulikou, ancien
chasseur d'éléphant, clan Bumombu, 81 ans, quartier Sievanou.
* 246 Rite lié à
la chasse à l'éléphant que les Bisir pratiquaient
autrefois et qu'ils auraient emprunté à un peuple de
l'Ogooué Lolo.
* 247 Le dibumba est un
talisman.
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