Section 2 : Le rôle
crucial des institutions dans l'attractivité des IDE
Pour créer un environnement économique plus
propice à l'IDE, les pays d'accueil sont appelés d'abord à
mettre en place un cadre institutionnel plus réglementé, propre
à attirer un IDE de haute qualité ensuite à adopter des
mesures pour améliorer la transparence et renforcer la primauté
de droit.
En effet, les investisseurs étrangers
préfèrent effectuer leurs investissements, en particulier les
grands investissements à long terme, dans un pays offrant un cadre
institutionnel transparent et dans un environnement caractérisé
par une politique cohérente offrant un cadre solide et non
discriminatoire à la concurrence.
Dans le cadre de cette section, on présentera dans un
premier lieu, le concept d'adaptation institutionnelle, et dans un
deuxième lieu, on examinera le rôle de la transparence dans
l'attraction des IDE.
2.1- Le concept d'adaptation
institutionnelle :
L'attraction des IDE par les pays développés et
les pays en développement est devenue un impératif pour les
décideurs économiques.
Ainsi, la concurrence entre les pays est devenue de plus en
plus intense, et chaque pays est appelé d'abord à construire ses
avantages, ensuite à s'adapter à la nouvelle donnée
économique basée sur l'intégration et la mondialisation,
et enfin à capter les éléments du développement
institutionnel qui lui permet de recevoir plus d'IDE.
Cependant, la répartition mondiale des IDE est
très inégale. L'IDE est moins déterminé par des
éléments fondamentaux tels que l'infrastructure, la
stabilité économique et politique, qui sont des conditions
insuffisantes mais toutefois nécessaires, que par des variables
institutionnelles qui se prêtent plus au changement à savoir les
politiques, les lois et leurs applications.
En effet, en réformant la politique de
l'investissement, le gouvernement donne le feu vert aux investisseurs qui
commencent à considérer le pays comme étant candidat
potentiel aux IDE.
Donc les politiques qui visent directement ou indirectement
à augmenter les flux entrants des IDE sont les plus efficaces
lorsqu'elles sont planifiées et exécutées dans un cadre
institutionnel favorable à l'IDE.
Il s'avère crucial que les institutions
nationales : le gouvernement, les marchés (notamment de travail et
de capitaux), les systèmes d'éducation et les milieux
socioculturels doivent permettre une application efficace des politiques aux
transactions quotidiennes de l'IDE. C'est ce que Saskia et Stanley (1998)
appellent l'adaptation institutionnelle.
L'adaptation à l'IDE désigne la capacité
d'un pays d'attirer, d'absorber et de préserver l'IDE. L'adaptation
institutionnelle suggère qu'attirer l'IDE est un processus dynamique.
Pour attirer les IDE, les pays doivent les rechercher
activement au lieu de protéger de façon passive les industries et
les ressources naturelles locales.
L'adaptation désigne une aptitude qui doit être
développée et exercée continuellement. Autrement dit, ce
ne sont pas les pays les plus grands qui réussissent à attirer
plus d'IDE mais plutôt ceux qui sont les mieux adaptés.
Saskia et Stanley (1998) affirment que « les pays
qui s'en tirent le mieux sont ceux qui sont suffisamment souples pour se plier
avec le vent tandis que leur avantage compétitif leur fournit des
racines fermement ancrées pour garantir et se ramifier. Certains `petits
pays', qui semblaient désavantagés pour leurs ressources, ont
néanmoins attiré de grands influx d'IDE. D'autres avec des
réserves abondantes de matières premières ont reçu
beaucoup moins d'IDE que ces réserves semblaient justifier. La
théorie de l'adaptation institutionnelle à l'IDE nous explique
pourquoi la répartition des flux d'IDE est si inégale et souvent
sans proportion avec les ressources naturelles des pays ».
D'où la capacité de reconnaître les
opportunités d'IDE et d'en profiter est ancrée dans les
institutions du pays, ce qui explique le terme adaptation institutionnelle
à l'IDE.
Les quatre institutions ou groupes d'institutions
concernées par adaptation institutionnelle sont le gouvernement (Risque
politique), les marchés (Risque économique et financier),
l'éducation (Capital humain) et le milieu socioculturel (culture, race,
histoire).
Les deux auteurs ont schématisé l'adaptation
institutionnelle sous la forme d'une pyramide qui se présente comme
suit :
Diffusion
Concentration
« Capital politique »
Législatif, exécutif, judiciaire
« Capital
marché »
Biens, services, capitaux
« Capital humain »
« Capital
socioculturel »
Graphique 4
Pyramide de l'adaptation institutionnelle à
l'IDE (Saskia et Witter, 1998)
A la base de la pyramide, on trouve le capital socioculturel
parce que toutes les autres institutions en dérivent et sont
infiltrées par cette institution omniprésente.
C'est la plus ancienne des institutions, elle est la plus
répandue, la plus complexe. Elle enveloppe tout, elle est la plus
difficile à changer et ce changement prend le plus de temps.
Le niveau d'instruction de la population, la mesure dans
laquelle elle a été exposée à des cultures
étrangères détermine son degré de
réceptivité envers différents modèles
socioculturels et commerciaux.
Un degré élevé de
réceptivité améliore la capacité d'une nation
d'attirer l'IDE. Par contre, dans leur choix du pays hôte, les
investisseurs étrangers décident souvent de prendre en
considération la proximité culturelle.
En effet, la prise en compte des éléments
socioculturels dans la planification des affaires peut faire que les
décisions d'investissement soient plus rationnelles et les
opérations plus prédictibles.
Le capital humain, qui présente l'éducation,
est le niveau d'adaptation institutionnelle immédiatement au-dessus du
capital socioculturel dans la structure de la pyramide.
L'importance de l'éducation réside dans le fait
qu'elle développe le capital humain et le prépare à
manipuler avec succès l'économie globale et ses changements
rapides.
L'adaptation de l'éducation crée un
environnement attrayant pour l'IDE puisqu'elle améliore l'aptitude
à traiter l'information, encourage la créativité dans les
domaines de la recherche, du développement et de la technologie et
prépare ainsi un terrain fertile pour l'IDE.
Etant donnés que les marchés constituent
l'indicateur économique de l'adaptation à l'IDE et
reflètent le capital physique et financier, les auteurs supposent que
des marchés de compétition ouverte avec une réglementation
protectrice attireront plus d'IDE que des marchés soumis à une
réglementation directrice.
Des marchés qui fonctionnent bien constituent un
élément capital dans une décision d'investissement. C'est
ainsi que les marchés ouverts ont tendance à attirer plus d'IDE.
La réglementation directrice désigne une intervention de l'Etat
qui étrangle l'initiative privée tandis qu'une
réglementation protectrice maintient l'intégrité des
marchés en protégeant ses acteurs contre la fraude.
Enfin, le Capital Politique (le gouvernement) régit
les autres niveaux de l'adaptation institutionnelle : le Capital
socioculturel, le Capital humain et les Marchés. C'est pourquoi les
investisseurs se penchent tout d'abord sur le gouvernement comme étant
la source principale des actions et des politiques qui définissent l'IDE
et c'est le gouvernement que l'on trouve au sommet de la pyramide.
Les différents niveaux de l'adaptation
institutionnelle réagissent les uns sur les autres de diverses
façons. La facilité avec laquelle une institution peut être
changée et le temps nécessaire à ce changement
dépendent de la mesure dans laquelle elle est influencée par les
autres institutions.
La théorie de l'adaptation institutionnelle
suggère donc que chaque pays a la possibilité d'identifier et de
développer ses facteurs de compétitivité pour augmenter sa
part dans l'investissement direct global.
Il faut qu'il y ait une certaine adaptation politique
reposant sur l'égalité et sur la transparence juridique et
administrative étant donné que les investisseurs cherchent la
stabilité et la transparence et préfèrent des
règlements nets et appliqués de façon
régulière à des privilèges individuels obtenus par
des marchandages.
On peut conclure que les institutions sont cruciales pour
entretenir un climat favorable aux investissements. Il convient de
définir un cadre institutionnel adapté et il est important que ce
cadre assure la transparence qui est indispensable pour les investisseurs
étrangers.
2.2- Le rôle de la transparence dans
l'attraction des IDE :
La qualité et la quantité des investissements
directs étrangers orientés vers un pays vont dépendre du
niveau du risque qu'il présente. Un des moyens pour réduire le
niveau du risque est la mise en place d'un système
politico-économique transparent.
Cette transparence peut être mesurée par la
qualité de la gouvernance institutionnelle dans le cadre d'un
système de droit respecté, d'une réglementation efficace
ou encore d'une faible niveau de corruption.
2.2.1- Transparence et IDE :
De par sa nature, la transparence est difficilement
quantifiable et ne peut pas être isolée ; d'autres aspects de
l'action gouvernementale influents sur l'investissement direct
étranger.
Compte tenu des liens entre le dispositif
règlementaire d'un pays et la transparence de l'action gouvernementale,
il faut se concentrer à la fois sur la nature des règles
applicables à l'investissement étranger et sur le degré de
transparence caractérisant leur mise en oeuvre.
Des études indiquent que les conditions dans
lesquelles opèrent les entreprises restent souvent opaques, même
après que les pouvoirs publics se sont engagés dans la voie de la
classification de leur action, simplement parce que dans les faits, ces mesures
ne sont pas appliquées. Cela étant, à l'exception des cas
où les autorités du pays d'accueil interdisent purement et
simplement l'accès du marché aux entreprises
étrangères, l'application des règles adéquate est
susceptible d'influer plus fortement sur la perception des investisseurs que la
réglementation elle-même.
Le traitement national, par exemple, peut être inscrit
dans la législation de nombreux pays, mais si les entreprises
étrangères sont effectivement dissuadées par des
décisions discrétionnaires des autorités locales
compétentes, les investisseurs percevront l'arbitraire de telles
décisions comme étant tout aussi restrictif qu'une interdiction
pure et simple des investissements étrangers.
Cet aspect est clairement mis en évidence dans une
étude menée par Ahn et Chan-Lee (2002) portant sur cinquante cinq
pays développés et en développement. Les deux auteurs
concluent que « l'amélioration du fonctionnement des
systèmes de réglementation et de gouvernance ainsi que de leur
mise en application semblent être beaucoup plus importantes que les
fondements proprement dits du droit en termes d'impact sur le
développement ».
Cette étude sur la qualité informationnelle des
systèmes financiers et le développement économique,
novatrice de nombreux aspects, élabore un indice qui mesure la
gouvernance institutionnelle.
Les entrées d'IDE varient considérablement,
même à indice de gouvernance institutionnelle égal, comme
on peut s'y attendre compte tenu de la multiplicité des facteurs
influents sur les décisions d'investissement. Mais dans l'ensemble, il
existe une relation positive entre la qualité de la gouvernance
institutionnelle et le volume des entrées d'IDE. Par conséquent,
les pays où le droit est respecté et appliqué, où
la corruption et la concentration de propriété sont les plus
faibles, sont ceux qui attirent le plus d'investissement.
2.2.2- La transparence un facteur primordial pour
l'attraction des investisseurs
étrangers :
La transparence est un facteur crucial pour les IDE. En
effet, les politiques économiques transparentes influent positivement le
comportement des investisseurs qui cherchent la clarté et la
prévisibilité, ce qui permet de minimiser les risques de
mauvaises et coûteuses surprises.
Ajoutons que les politiques économiques transparentes
facilitent aux IDE les fusions et les acquisitions à l'étranger.
En outre, la non transparence impose aux investisseurs étrangers des
coûts supplémentaires. Cela se manifeste surtout à travers
la corruption et le paiement des pots-de-vin.
Généralement, les gouvernements exigent des
licences pour investir, limitent le pourcentage de la propriété
étrangère pour les actifs immobilisés ou autrement, ils
imposent des restrictions sur l'entrée et l'activité des acteurs
étrangers sur les marchés. La bureaucratie gouvernementale
contrôle ces types de restrictions et règlements. Ces
contrôles fournissent des opportunités faciles pour la corruption,
en prenant la forme des pots-de-vin pour les licences d'importation ou
d'exportation, pour les prêts, etc. La corruption augmente, par
conséquent, les risques et les coûts de la
non-conformité.
On peut parler de transparence lorsque l'information, sur les
conditions en vigueur, sur les décisions et les actions des entreprises,
est accessible, visible et compréhensible pour l'investisseur
étranger lui permettant ainsi de mener son investissement sans
hésitation.
Ainsi la confiance que les investisseurs doivent avoir dans
les méthodes de gouvernement adoptées par les entreprises devrait
être inspirée par la transparence de ces méthodes. Cette
transparence résulte de la diffusion de l'information et non d'une
tentative quelconque d'imposer un système universel de gouvernement
d'entreprise. De ce fait, la non transparence peut constituer un obstacle
à l'entrée des flux d'IDE.
Sachant que la raison, la plus importante, pour laquelle la
transparence constitue un facteur primordial pour attirer les investisseurs
étrangers et établir des conditions favorables pour
l'entrée des IDE est que la transparence et la performance des
politiques nationales soient contrôlées par des organismes
étrangers qui ont un impact important sur les décisions des
investisseurs étrangers. Ces organismes comportent le FMI et
différentes agences privées de ?rating?. Un jugement
défavorable de la part de ces organismes sur les politiques
gouvernementales d'un pays donné conduira à des perceptions
défavorables des investisseurs étrangers.
C'est pour cette raison que les organismes nationaux et
internationaux s'efforcent d'assurer la transparence et la fiabilité des
informations transmises aux marchés. Les crises, qui ont
récemment éclaté dans le monde, ont attiré
l'attention sur l'importance de la transparence et sur le problème de la
corruption.
Enfin, il est clair que la transparence des politiques joue
un rôle crucial dans la prise de décision d'investir et c'est aux
institutions la tâche de préserver un climat transparent. En
effet, le dysfonctionnement, qui peut affecter l'IDE, est la corruption.
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