Les deux modèles étudiés
La France et le Mexique ont été deux
modèles privilégiés. La France, du fait qu'elle a
été la métropole d'Haïti historiquement et
culturellement, a lié des relations très importantes à
cette première République nègre libre du monde .Le second
a été sélectionné et étudié à
cause de son importance du point de vue du développement territorial.
Aujourd'hui, il est de plus en plus impératif pour
Haïti et pour ses dirigeants de prendre la voie du développement
local. Pour y arriver, les sacrifices sont absolument grands. Tout d'abord, il
faut un plan national de développement territorial
clairement défini qui tiendrait compte de la réalité
sociopolitique et culturelle du Pays et surtout la réalité de
chaque zone.
Voies et moyens de notre Politique
Pour arriver á des collectivités
territoriales véritablement autonomes et efficaces, il faut
répondre absolument aux exigences suivantes :
Définir les champs de compétences, en respectant
le principe de subsidiarité qui veut qu'un
niveau supérieur n `étant appelé que dans le cas
oú les niveaux inférieurs ne peuvent exercer valablement
eux-mêmes les compétences en question.
Edicter des lois de programmation adaptées à la
réalité actuelle du pays.
Former et informer les acteurs locaux pour qu'ils puissent
devenir de véritables interlocuteurs entre l'Etat et la population en
leur inculquant des notions en Administration publique et en droit
Administratif nécessaires à la prise de décisions sur le
plan local.
Préparer l'esprit et la conviction de la population
à ce renouveau revient à lancer une campagne
d'éducation civique et d'alphabétisation rationnelle et
sérieuse au niveau de la république entière.
Prendre des mesures impopulaires mais logiques et profitables
á l'épanouissement des collectivités.
Par exemple : la défense d'abattre et de massacrer les arbres,
interdiction à l'exploitation a outrance des carrières de
sables
Régulariser le fonctionnement des ONG, en
articularisant leur intervention sur le terrain pour une cohabitation entre eux
et entre le pouvoir local.
Créer un Ministère des Collectivités
Territoriales et de la décentralisation pour marquer la lourde
importance que revêt la décentralisation y compris la
démocratisation dans l'esprit des décideurs politiques du pays.
En effet, l'échec de la Direction des collectivités territoriales
rattachée au Ministère de l'intérieur est cuisant. Depuis
sa création, elle a été réduite á un simple
agent d'exécution et de distribution de cheques. A la différence
des autres Ministères qui sont dirigés par un Ministre
assisté de son cabinet technique, le Ministère des
Collectivités Territoriales et de la décentralisation ainsi
proposé serait dirigé par un conseil de dix membres,
représentant chacun un département, lequel aurait la charge
d'élire son président. Celui-ci une fois élu aurait pour
mission l'exécution des programmes votés par les neuf (9) autres
membres faisant fonction d'assemblée délibérante.
Pour écarter toute forme de clientélisme, des
critères seraient exigés á partir du niveau de
maîtrise en Administration publique pour le recrutement des candidats aux
postes du Conseil qui préside ce nouveau Ministère. La
sélection tiendrait compte des dossiers les plus qualifiés en la
matière et de l'origine du postulant qui doit être originaire du
département qu'il représente au Conseil. Lors du vote de
confiance ou de censure au Parlement, ce corps dirigeant, muni de son
programme, serait considéré comme un seul homme à
l'instar des autres Ministères. La présence de ce conseil
dirigeant n'écarterait pas la faculté de choisir un cabinet
technique. Le recrutement du conseil se ferait par appel d'offre.
Le nouveau ministère proposé aura la mission
de :
- Effectuer des études de terrain très
approfondies en consultation avec les gouvernements locaux, les partis
politiques, les différents groupements de la société
civile et toutes autres organisations et association
intéressées ;
- Filtrer les études de terrain avec les grands
principes de la décentralisation et les technologies de pointe ;
- Considérer au filtre des relations internationales
publiques la possibilité de financement d'un plan national de
décentralisation pour un développement durable ;
- Elaborer un Plan National de Développement (PND)
où toutes les couches sociales et politiques se retrouvent, afin
d'éviter qu'un secteur politique quelconque trouve le prétexte
d'y échapper. Ce plan devra considérer la
spécificité de chaque pallier de collectivité et le type
de développement á y appliquer.
Créer une Ecole Nationale
d'Administration Publique (ENAP) qui aura pour mission de former et
préparer des agents qualifiés répondant aux
critères du choix des gérants de la chose publique. Créer
dans toutes les communes des Ecoles professionnelles publiques bien
équipées capables de dispenser un enseignement professionnel de
qualité dans tous les domaines : Maçonnerie,
Ebénisterie, Carrelage, Plomberie, Couture, Artisanat,
Comptabilité, Electricité, Informatique et j'en passe ... une
telle initiative est une réponse positive aux voeux stipulés par
la charte de 1987 en ses articles 32,32-4,32-7 suivant lesquels l'enseignement
professionnel est une responsabilité qui incombe à l'Etat et aux
Collectivités Territoriales. Sans une bonne formation dans ces domaines,
allant du niveau de bac technique au niveau de génie au même titre
qu'un diplôme étranger correspondant, les Collectivités
Territoriales n'auront pas de ressources humaines qualifiées à
mettre à la disposition d'éventuels investisseurs nationaux et
internationaux, afin de faciliter le développement local, de
réduire le chômage, de remédier aux effets cruels de la
délinquance juvénile. En effet, l'ENA dont nous avons
parlé n'aura à former que les futurs gestionnaires des pouvoirs
locaux. Mais, il faut aussi former les futurs agents et cadres qui vont
travailler dans les entreprises publiques et privées de
développement local. D'où la nécessité de
vulgariser en Haïti un enseignement professionnel très
qualifié. L'initiative privée sera encouragée dans ce
domaine mais sous un contrôle strict et efficient de l'Etat qui a la
charge constitutionnelle de l'Education de la population Haïtienne.
Elaborer pour chaque Collectivité Territoriale
un plan d'aménagement du territoire (PAT) en posant les conditions
á la construction et l'entretien des routes et des chemins vicinaux,
á l'architecture des villes. Dans le domaine du logement, il faudrait
construire des modèles de bâtiments uniformes à plusieurs
étages avec tous les accessoires, capables d'accueillir des centaines de
locataires á bon prix, et dont les produits en terme d'argent seraient
perçus pour le compte de la Collectivité locale. Dans cet ordre
d'idées, des conditions seraient exigées à la construction
et à l'architecture des pavillons des particuliers. Une politique de
logements sociaux à l'intérieur d'une collectivité
territoriale présente de grands avantages en matière d'autonomie
locale, citons :
- Une baisse des prix de vente des terrains et des maisons
situés sur le territoire local,
- Une baisse considérable des prix de location des
maisons,
- La création de ressources financières
émanant d'un patrimoine local constitué de bâtiments
publics qui sont des richesses exploitables dont les produits s'ajouteraient
aux taxes et impôts locaux,
- Enfin, une augmentation vertigineuse de l'assiette fiscale
locale aidant á la concrétisation de l'autonomie
financière d'un point de vie programmatique.
Développer dans les sections communales dont
nous avons proposé le retrait du statut de Collectivité
Territoriale, une économie agro-industrielle en fournissant aux
planteurs les techniques et les matériels logistiques appropriés
permettant de ramener le système agricole de la grande
propriété. En effet, une politique d'économie
agro-industrielle viendrait augmenter á bon escient le pouvoir d'achat
des paysans auxquels les droits citoyens n'ont jamais été
reconnus du fait qu'aucune politique économique de l'Etat Haïtien
n'a jamais touché leur existence. Une telle initiative permettrait de
créer du travail, d'empêcher le déboisement aux fins
économiques, d'augmenter les recettes fiscales en exigeant aux paysans
le paiement des taxes et des impôts.
Développer le tourisme dans les CT en y
exploitant les sites divers, le patrimoine colonial, les plages, et en faisant
élever des monuments historiques dans les îles et îlots que
les visiteurs locaux et internationaux pourraient visiter en chaloupe etc....
Harmoniser et dépolitiser la tutelle
inappropriée, et remplie de lacunes. Cela nous fait appel à la
déclaration du Député de Nièvre puis
Président de la France, Jacques CHIRAC : « Toute vraie
autonomie commencera par la suppression du contrôle administratif a
priori et par une nouvelle répartition des ressources entre l'Etat et
les Collectivités Territoriales ».
Pour Répondre de façon
Réaliste à ces Recommandations, nous proposons :
1.) Un plan National de développement (PND) à
méthode étapliste car, il sera absurde d'exiger à l'Etat
de tout faire à partir de rien. Aujourd'hui les problèmes sont
multiples et complexes, il est impossible de s'attaquer, en même temps,
avec succès à tous les problèmes. Il faut donc la
sélection des priorités et la prise de conscience de la part de
la population qui doit comprendre que les problèmes ne sauraient
être résolus dans l'urgence et à court terme.
2) Réformer le cadre institutionnel.
Dix huit (18) ans après la publication de la
Constitution du 29 mars 1987, le résultat en terme de bilan est
nettement négatif. Beaucoup d'éléments sont à la
base de cet état de fait : le caractère irréaliste et
démagogique de ces dispositions doit être remis en question dans
le cadre d'une vision rationnelle allant vers un démarrage
économique pour arriver à un développement durable. Des
textes légaux doivent être légiférés pour
définir et départager rationnellement et clairement la
répartition des compétences au niveau central,
départemental et municipal, en enlevant toutefois le statut de
Collectivité Territoriale à la Section Communale. Une commune
n'est autre qu'un ensemble de sections communales.
Cette fois, il faut éviter la confection des lois par
des juristes enfermés dans la République de Port-au-Prince,
méconnaissant la réalité, la caractéristique et
l'expérience de chaque Collectivité. Le principe veut que toute
loi, pour être applicable et remplir à bien son objectif, doive
être légiférée en fonction des expériences,
des nécessités propres et des caractéristiques de chaque
Collectivité.
3) Promouvoir une Campagne de Formation et
d'information.
Une formation qui doit viser au prime à bord les
élus locaux, et ensuite la société, afin qu'ils soient
bien imbus de leur rôle et des exigences institutionnelles sur le
fonctionnement légal des Collectivités Territoriales. Cette
formation aidera à promouvoir les capacités locales dans la
gestion administrative, dans la connaissance de leur milieu ; ce qui leur
permettra d'assurer efficacement la mise en place des services dont la
population a besoin.
Informer le citoyen de Proximité de ses droits
et de ses devoirs afin d'améliorer les relations dirigeants /
dirigés. Une fois fait, une nouvelle culture politique sera
construite et une nouvelle perception sera donnée sur la manière
de diriger en Haïti. « Seul, ce travail de formation pourra
amener, après un certain temps, à une maturité et à
l"implantation de nouveaux modèles de comportements du pouvoir central
face au pouvoir local et du pouvoir local lui-même face à la
population. »1
Impliquer le citoyen en partageant le pouvoir
décisionnel
Sans tomber dans une ambivalence paralysante, une
théorie nouvelle doit placer le citoyen formé et informé
au centre de toutes décisions qui le concernent. Cette
intégration doit tenir compte de toutes tendances et de toutes
éventuelles positions différentes. Donc, cette collaboration
citoyenne permettra de mieux poser les problèmes et mieux comprendre les
aspirations de la population.
Repenser l'autonomie financière
Pour ne pas décentraliser la
corruption, nous recommandons de fortifier la capacité de gestion des
collectivités territoriales avec un personnel qualifié
recruté par le biais des concours, sans interférence politique,
donc, des gens à la hauteur de capter sans détour les ressources
à l'intérieur des collectivités et celles
transférées par l'Etat. Il faut pour cela, une gestion de
proximité transparente avec des personnes consciencieuses,
formées et compétentes.
Enfin, il faut réaménager voire
regrouper les Communes en fonction de leur potentiel économique,
culturel et fiscal. Car, plus que la moitié de nos communes n'existent
que de nom.
Aujourd'hui, la Décentralisation devient de plus
en plus un tournant décisif pour les pays en voie de
développement. Elle représente pour Haïti, un défi et
un instrument indispensable à la mise en place d'un ordre
nouveau pour la consolidation de la démocratie. Dans
l'état actuel des choses, il faut une prise de conscience pour prendre
des décisions rationnelles sans démagogie politique. Enfin, il
faut conclure, qu'il y a péril en la demeure, pour cela, il revient
à nous tous, de commencer à reconstruire un Etat d'Haïti
démocratiquement fort, socialement juste, économiquement libre et
politiquement indépendant, tels ont été les voeux
suprêmes des pères et fondateurs de cette première
République Nègre libre du monde.
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