1.- ENCHEVETREMENT DE
COMPETENCES.
Bon nombre de ministres, ayant des directions au niveau
local, exercent des compétences ne correspondant pas logiquement
à leur vocation, et fonctionnent en dehors de tout contrôle de
proximité. A titre d'exemple, à la commune d'Aquin en 1996, le
Maire principal protestait contre une opération d'adoquinage de cette
ville qui a été décidée à son insu par le
Ministère des travaux publics. En conséquence, on a
assisté à un conflit de compétences et à un
doublement fonctionnel entre les ministères eux-mêmes au niveau
de l'administration centrale et entre ceux-ci et les collectivités
locales.
Les représentants locaux réclament sans cesse
de plus larges compétences en matière d'urbanisme,
d'éducation, de services sociaux, d'état civil, de service
d'incendie, de protection civile, pour lesquelles ils souhaiteraient que les
autorités de proximité soient pleinement responsables devant le
citoyen. Malheureusement, les compétences sont jusqu'aujourd'hui
exercées par le pouvoir central trop loin de la population. Donc, la
question de partager les compétences entre l'Etat et les
collectivités locales est loin d'être
matérialisée.
Aujourd'hui, comment peut- on parler de transfert de
compétences aux collectivités de proximité quand
l'administration centrale est destructrice, comparable à un
véritable Çiva qui en marchant ne maîtrise pas les
mouvements de ses pattes ? En Haïti, on retrouve au sein d'un
ministère un cabinet ministériel qui fonctionne sans
spécialisation dans le domaine des collectivités territoriales se
substituant aux directions techniques et à leurs services et ces
dernières se trouvant en un état de ravalement sans pouvoir de
conception, de consultation et d'avis comme une sorte de boîtes aux
lettres, servant à expédier les courriers, les circulaires et les
notifications.
Malgré le profil tracé par la constitution de
1987 relativement à certains postes et aux fonctionnaires de
carrière, dans la pratique c'est l'inverse qui en est de mise. La
condition sine qua non pour accéder à un poste est non
seulement fonction du régime en place mais surtout de la militance.
Alors, aisément on peut comprendre pourquoi les intérêts
propres des Collectivités locales sont loin d'être pris
réellement en compte.
On se demande, aujourd'hui, à Port-au-prince, du
service métropolitain contre les résidus solides,
SMCRS, des Travaux Public Transport et communications,
TPTC, du CNE (Centre National
d'Equipement) et de la Mairie, qui a la
responsabilité du ramassage des ordures ? il en est de même
pour l'éducation, la constitution incombe cette charge à l'Etat
conjointement aux collectivités territoriales, cependant, en
réalité qui est responsable de l'éducation aujourd'hui en
Haïti ? Le MENJS ? La secrétairerie d'Etat à
l'alphabétisation ? L'Etat ? Les collectivités
territoriales ? Ou l'Etat conjointement avec les collectivités
territoriales ? à un moment où le pays s'est engagé
sur la voie de la privatisation considérée par plus d'un comme le
cercueil de la politique économique des pays en voie de
développement.
2. - LE PATRONAGE POLITIQUE.
La réalité Haïtienne présente
l'État comme un patron qui détient le monopole d'influence sur
les institutions du pays au lieu d'être un arbitre de la Res
Publica. C'est pourquoi, on constate que les Collectivités
Territoriales Haïtiennes s'enlisent dans un marasme économique
chronique. Dans un État où c'est l'improvisation qui
prime sur la planification autant dire que les décisions sont
beaucoup plus politiques, démagogiques que techniques.
Malheureusement pour Haïti, par manque de vision
collective, nos décideurs politiques
ont laissé aller à la dérive les collectivités
locales. Les dirigeants se sont lancés de façon
prématurée dans de grandes aventures, comme la
Privatisation, la Modernisation sans
mettre en place les éléments nécessaires pouvant
atténuer les conséquences néfastes à cette
institution si importante.
Bref, le local représente aujourd'hui le noeud
du Global. Nous constatons cependant avec inquiétude que cette
doctrine n'est pas encore cernée en Haïti. Notons que
l'État qui devrait assurer conjointement avec les citoyens, la promotion
et la destinée des Collectivités locales, a offert toujours
l'exemple d'initiatives mal agencées et maladroites. Selon les mots du
Dr Louis Cornelus. THOMAS : « On ne peut trouver nulle part
d'études statistiques et comptables fiables et valables, ni de
résultats d'enquêtes cohérents qui peuvent servir de
critères pouvant orienter les parlementaires à produire des lois
appropriées aux desiderata et aux attentes de la nation
Haïtienne ». Il est connu de tous que près de 74
communes des 142 reconnues actuellement sont dépouillées de
toutes infrastructures de base par exemple : téléphone, eau
potable, électricité etc.
Fait étonnant mais courant! Quand il est question
d'élever une division territoriale au rang de commune, ou de
département, on constate qu'il y a toujours une sorte d'urgence et de
précipitation pour voter une loi. Le parlement qui devrait être
l'organe de contrôle des décisions de l'exécutif devient
la plupart du temps un véritable corps de
« j'approuve » Il est de droit de se
demander aujourd'hui si nos constituants agissent en profane ou en chef d'OP?
A titre d'exemple, la Section communale de Tabarre et celle de Cité
Soleil sont élevées au rang de communes sans procéder
préalablement à un redécoupage territorial au point
où les Citoyens de ces deux nouvelles communes réclament sans
cesse leur commune respective. La loi y afférente a seulement
stipulé, que ces deux sections communales sont élevées au
rang de communes et a précisé qu'une autre loi fixera leur
délimitation. Cette loi élaborée, non par des
spécialistes, mais par des amateurs, a produit deja des
conséquences très fâcheuses :
Premièrement le principe de la hiérarchie des
normes si cher au regard du droit constitutionnel n'est pas respecté. En
effet, ce principe admet que la loi issue du parlement fixe les grandes lignes
et que le règlement ou décret en précise les
détails. En stipulant que la délimitation des communes de
Tabarre et de Cite Soleil sera faite par une autre loi, le législateur a
rendu la tache beaucoup plus difficile quant á l'application de cette
loi. En conséquence, ces deux communes se trouvent dans un
véritable blocage juridique relative à la délimitation
territoriale. Deux ans après le renversement du Président
d'Aristide, ces prétendues communes ne sont pas encore
délimitées, ce qui engendre subséquemment, un conflit
incessant entre les Maires titulaires concernés au sujet du champ
d'action des deux mairies. Pourquoi ne sont-elles pas encore
délimitées ? Parce que la vacance parlementaire sous la
présidence de Boniface ALEXANDRE rend impossible l'édiction de
la loi de délimitation sus-parlée, étant donnée
que la première loi avait indiqué expressément que cette
délimitation se fera par une deuxième loi.
Pourtant, si la première loi avait indiqué que
la délimitation se fera par voie réglementaire (décret),
la tache aurait été plus facile pour l'exécutif de prendre
un décret pour délimiter ces deux communes. D'après le
principe de la hiérarchie des normes juridiques au regard du droit
constitutionnel, le rôle du décret appelé règlement
est de préciser les détails sur une loi qui à son tour
fixe les grandes lignes. Aujourd'hui, l'Exécutif Boniface Latortue
aurait seulement à sortir un décret pour fixer la
délimitation des communes de Tabarre et de Cite soleil.
Deuxièmement la mise en place d'une nouvelle
collectivité territoriale devient un processus difficile et interminable
à l'exemple des deux communes sus énumérées dont
le processus juridique reste encore inachevé. Ajouter à cela la
question de conflits d'intérêts.
Troisièmement, nous tenons à signaler que les
fortes oppositions trouvées par le régime d'Aristide de la part
des populations avoisinantes qui refusaient de devenir des sections communales
de Cite Soleil, arguée, vous savez de toutes mauvaises
réputations. Ces oppositions des gouvernés de ces deux communes
sont une preuve claire et évidente que les gouvernants n'ont pas
consulté les différentes organisations et associations
impliquées aux affaires qui les concernent, et cela par un manque de
souci de consolider les collectivités locales, de renforcer la
décentralisation par la pratique d'une démocratie de
proximité.
Les hommes politiques de nos jours malheureusement ne
tiennent pas compte de l'intérêt général de la
nation mais plutôt de leur intérêt mesquin et de clan, ce
qui a engendré une sorte de militance qui résulte des effets
dérivatifs inquiétants par exemple : le fanatisme,
l'admiration excessive, la passion aveugle et le culte de la
personnalité.
Aujourd'hui, en plein 2Iième siècle,
l'État Haïtien demeure encore une sorte d'échiquier sur
lequel chacun pousse son pion. La mauvaise politique a inversé l'ordre
supérieur des valeurs. Pire encore, les soi-disant technocrates au sein
des cabinets Ministériels en majorité de nationalité
étrangère se contentent de détails médiocres pour
donner l'air de s'occuper de tout avec l'esprit de céder purement et
simplement à une facilité qui leur procure une illusion
d'activité. Ils sont comme le disait voltaire Des Hommes et des
femmes pleins de zèle mais pétris d'erreurs, ne
maîtrisant ni la réalité sociologique ni l"exigence du
moment et par conséquent, on constate une administration centrale
incapable de s'adapter à la novation prônée par la charte
du 29 mars 1987.
Pour certains, la faculté de nos décideurs
politiques de comprendre, de saisir et de maîtriser la
réalité évolutive du développement semble
fonctionner à l'envers. Si bien que toute difficulté pour poser
et résoudre un problème est interprétée comme un
conflit politique et du coup risque de le devenir.
Il est important de comprendre que la crise, que connaît
le pays et qui affecte les collectivités locales Haïtiennes, est
d'abord d'ordre moral, c'est-à-dire qu'elle est issue des moeurs et des
pratiques politiques en Haïti. Les notions de valeur,
d'honnêteté et de justice ont fait place à
l'immoralité, la corruption et surtout la cupidité.
3.- UN CONTRÔLE ADMINISTRATIF POLITISE
Il est prévu à l'article 200 de la constitution
que la charge du contrôle administratif et juridictionnel incombe
à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif
(CSC/CA). Cette dernière détient un véritable pouvoir
constitutionnel pour contrôler les recettes et les dépenses de
l'État, vérifier la comptabilité des entreprises
étatiques et des collectivités Territoriales. Outre la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, il y a les
Assemblées qui exercent un contrôle sur les
conseils (conseil des Sections Communales, conseil Municipal et conseil
Départemental / articles 73 et 83). Étant de même pallier,
ce contrôle est appelé horizontal ou de séparation
des pouvoirs sur le plan local. En général, ce genre de
contrôle appelé « Tutelle »
en droit administratif est établi pour sauvegarder
l'intérêt général de la Nation. En
Haïti, c'est une sorte de main mise qui a toujours été
exercée sur l'ensemble de l'administration locale, si on oserait
même parler de l'administration locale.
En effet, l'inexistence d'un plan
national pour les Collectivités Territoriales, l'absence
d'enquêtes d'experts, d'études fiables et techniques,
témoignent des ambiguïtés de la politique conduite par une
administration centrale sclérosée qui a du mal à prendre
distance de la culture de la politique centralisatrice. En outre les
mécanismes de contrôle utilisés sont désuets et ne
tiennent pas compte ni de la réalité de l'administration locale
ni de son importance. La réalité actuelle est triste en
matière de contrôle administratif et financier, où tout
est dominé par et pour la politique. Donc, c'est l'interférence
sur toute la ligne qui engendre un désordre
généralisé. Combien d'élus locaux sont capables de
prendre des décisions sans préalablement solliciter le feu vert
de leur chef qui détient le monopole financier à la
République de Port-au-Prince. Le train ordinaire des affaires locales
est mené irrationnellement soit par une administration centrale qui
devient de plus en plus politisée, soit par ses représentants
locaux, plus particulièrement les délégués qui en
principe n'ont qu'un rôle de coordination des services
déconcentrés de l'État et des Assemblées
municipales.
A la base de cette situation lamentable règne
l'irresponsabilité des autorités de l'administration centrale qui
gèrent sous couvert du bénéfice de l'urgence au lieu
d'élaborer des plans directeurs aptes à implanter un ordre
nouveau à la Collectivité locale.
Le Ministère de l'intérieur auquel les
prérogatives constitutionnelles sont accordées pour la bonne
marche des collectivités locales, si bien appelé
« Ministère de l'intérieur et des collectivités
territoriales », ne participe presque pas à la conception des
actions entreprises au niveau local. Dans ce cas, on se demande quel pourrait
être le sort de la direction des C.T au sein du Ministère de
l'intérieur, sinon une simple boite aux lettres, une courroie de
transmission de courriers, de circulaires, de mémorandums, de
convocations et de distributions de chèques aux élus locaux.
En réalité, les causes sont là et bien
évidentes; car, la majorité des responsables embauchés au
niveau central, chargés de promouvoir un changement local réel,
n'ont ni la compétence ni le savoir-faire mais, être seulement
des partisans zélés d'un parti au pouvoir suffit. Quel dommage!
S'il faut encore considérer le ton de Louis Cornélus THOMAS
relativement à la situation critique des collectivités locales
face à la tutelle, lorsqu'il dit : « La politique locale
est plus qu'illusoire », toute initiative part des bureaux de
Port-au-prince, les autorités locales ne font que subir les
envolées décisionnelles des agents de tutelle aussi
inexpérimentés qu'ignorants. En effet du sommet à la
base, ces derniers se trouvent dans l'impossibilité de déterminer
des critères susceptibles de leur permettre d"une typologie locale bien
caractérisée. Les points de vue retenus découlent
d'ordinaire de l'influence partisane, de rapport de force, de poids de mesures
ou d'une certaine accointance ». (1)
Ainsi la question de décentralisation en Haïti est
très problématique, par rapport au constat qui se
révèle très hypothétique. Il y a de quoi
s'inquiéter pour Haïti où règne l'improvisation et
l'incertitude. La misère devient une sorte de tragédie
quotidienne. En gros, l'analphabétisme, la pénurie de l'eau, la
surpopulation, la dégradation de l'environnement, l'accroissement de
maladies infectieuses, l'anti-croissance, bref la mauvaise gouvernance est
toujours des défis majeurs à relever.
1.- Thomas Louis Cornelus : op cit P 33
SECTION II.-
DES CONSTATATOINS AUX CONSEQUENCES
Haïti connaît depuis quelques
temps, des moments les plus sombres de son histoire. Depuis 1804, date de son
indépendance, la politique laisser-faire, laisser-aller pratiquée
par nos dirigeants, arrivés des fois au pouvoir par intrigue, fait
d'elle aujourd'hui, le pays le plus pauvre de l'hémisphère,
souffrant de l'absence généralisée de la bonne
gouvernance, de cadres adéquats, d'une gestion disciplinée et
d'une planification économique et sociale véritablement
rationnelle capable de propulser le changement si longtemps attendu. A
l'intérieur comme à l'extérieur, le pays est avili :
les scandales financiers, (à la DGI; 125 millions de gourdes disparus,
l'affaire de Riz au Parlement) le trafic de drogue, l'inflation galopante, le
chômage chronique, les échecs scolaires, l'environnement, la
montée des maladies infectieuses, en gros, la corruption
généralisée.
Voilà, l'atmosphère dans laquelle évolue
la première République Nègre libre du monde et les
collectivités territoriales, créées et appelées par
la constitution de 1987 à réorienter le champ politique, social
et économique Haïtien, n'ont pas fait bonne recette. Les questions
fondamentales n'ont guère été abordées.
L'éducation, l'insécurité environnementale, la justice, le
chômage, la sécurité, l'analphabétisme etc.
Aujourd'hui plus que jamais, l'inquiétude et l'incertitude sont dans
les yeux de plus d'un.
Les causes de cette dérive sont à rechercher
dans nos moeurs politiques et dans notre culture de leadership autoritaire et
égoïste. Nos hommes et femmes qui se sont succédé au
pouvoir s'érigeaient et s'érigent encore comme des gens au-dessus
de la loi. L'expérience nous montre que la démocratie dans une
constitution ne suffit pas. Il nous faut aujourd'hui, un Etat qui se soumet
lui-même à la loi, en contribuant lui-même en action et en
parole. Il doit travailler à l'organisation et à l'implantation
d'un ordre politique et social nouveau en Haïti. C'est triste et honteux,
une Haïti réputée "la perle des
Antilles" et essentiellement
agricole est aujourd'hui devenue ce qu'elle est maintenant.
Quelque part, quelque chose ne va pas!
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