CHAPITRE II : Effet de la sous-évaluation initiale
sur la liquidité des titres nouvellement introduits en bourse
Introduction :
Le but des dirigeants de l'entreprise nouvellement introduite
en bourse est d'attirer le plus grand d'investisseurs, ils doivent, par
conséquent, garantir la liquidité des titres. Pour atteindre leur
objectif, les propriétaires de ces entreprises doivent
sous-évaluer leurs émissions. En effet, cette
sous-évaluation influence d'une manière directe la
décision d'investissement des acquéreurs.
Section I : Définition et mesures du
concept de la liquidité
I.1-Définition de la
liquidité :
La liquidité est un concept essentiel pour les
investisseurs. En effet, elle constitue un critère essentiel
d'intervention sur le second marché. Les propriétaires des firmes
nouvellement introduites en bourse sont conscients de l'importance que
représente la liquidité sur leurs produits, si l'on veut
définir ce concept de liquidité, on peut l'approcher par le
concept de profondeur qui se définit comme le volume de titres
susceptibles d'être mobilisés à l'achat ou à la
vente sans variation sensible du cours.
La liquidité est un concept à facettes multiples
dont : la capacité ou la profondeur d'absorption d'ordre de grande
taille sans variation du cours, la vitesse de convergence vers un nouveau
niveau d'équilibre. Il s'agit donc d'apprécier non seulement le
délai nécessaire pour réaliser une transaction, mais
également de mesurer les coûts de transactions explicites et
implicites qui y sont associés.
I.2-Les mesures de liquidité :
Après avoir défini le concept de la
liquidité, nous allons présenter dans ce qui suit les mesures les
plus souvent utilisés dans la littérature pour estimer la
liquidité d'un titre. Plusieurs indicateurs de liquidité sont
proposés dont :
A-Le volume de transaction :
L'exigence de liquidité se traduit par des conditions
minimales relatives à la fréquence des cotations et des
échanges. La réponse à ces exigences passe par la
diffusion dans le public du plus grand nombre d'ordres. Lors de la
création du second marché, il est apparu que le seul moyen
d'améliorer la liquidité était de faciliter la
confrontation des ordres d'achat et des ordres de vente par la contrepartie.
Cette dernière constitue l'un des premiers éléments de la
liquidité qui offre à l'investisseur la possibilité de
négocier. Cette mesure d'activité peut être
approchée soit par le nombre de transactions effectuées, soit par
le nombre de titres échangés ou d'ordres passés, ou encore
par le montant des capitaux échangés.
Sur le second marché, l'information
révélée est généralement difficile à
identifier ce qui traduit par conséquent, la difficulté
d'évaluer la relation prix-volume.
Easley et O'Hara (1987) se sont intéressés
à étudier l'importance du volume de transaction sur un
marché. Ces auteurs ont essayé d'analyser le rôle
joué par la taille d'une transaction et son impact sur les prix. Ils ont
conclu que plus la taille de transaction est importante, moins les prix sont
favorables. Par conséquent, la quantité échangée
constitue un facteur essentiel pour la détermination du prix.
B-L'immédiateté des
échanges :
Le déterminant essentiel de la liquidité du
marché est l'immédiateté des échanges. En effet,
elle constitue le facteur temporel de la liquidité. Or, le pouvoir de la
rapidité de négociation dépend essentiellement du volume
de transaction qui peut être mesuré par la formule suivante :
T
?nt
Nombre moyen de transactions = t=1
T
Où nt est le nombre de transactions à l'instant
T et t est la durée de la séance boursière.
Dans leur modèle qui s'articule autour de l'effet des
contraintes relatives à la vente à découvert sur la
vitesse d'ajustement des prix à l'information privée, Diamond et
Verrechia (1987) définissent le temps comme étant une source
d'information et associent par conséquent, l'absence de transaction
à l'arrivée d'une mauvaise nouvelle.
Easley et O'Hara (1992) ont eux aussi associé le temps
au moyen d'une variable aléatoire qui correspond à
l'arrivée d'une information sur le marché. Dans ce cadre, les
auteurs montrent que le cours d'un titre dépend essentiellement de
l'intervalle de temps qui sépare deux transactions. Ils concluent par la
suite, q'en l'absence d'information il n'y aura pas de transaction.
C-Les coûts d'exécution :
Les coûts d'exécution se répartissent en
deux catégories : les coûts explicites et les coûts
implicites. La première catégorie se compose des commissions, des
courtages, TVA et impôts. Tandis que la seconde est constituée par
la fourchette de prix et l'impact de marché.
1-La fourchette de prix :
La meilleure mesure de la liquidité est celle de la
fourchette de prix acheteur-vendeur (bid-ask spread). On distingues deux types
de fourchettes : la fourchette affichée ou cotée et la
fourchette effective ou pratiquée.
1.1-La fourchette affichée ou
cotée :
Dans un marché dirigé par les prix, la
fourchette est définie comme la différence entre le prix de vente
(ask price) et le prix d'achat (bid price). Sur ce marché
caractérisé par plusieurs teneurs, la fourchette peut être
mesurée à chaque instant à travers le ask le plus faible
et le bid le plus fort.
La fourchette cotée est exprimée en pourcentage
à un instant t donné de la manière suivante :
Fourchette affichée :
ft (%)
= Askt - Bidt
Askt +Bidt
2
1.2-La fourchette effective ou
affichée :
Sur les marchés hybrides c'est-à-dire les
marchés gouvernés à la fois par les prix et par les
ordres, les teneurs de marché peuvent négocier à
l'intérieur de la fourchette affichée. Dans ce cas, la fourchette
cotée ne constitue pas une bonne mesure des coûts implicites subis
par les opérateurs. En effet, un teneur de marché peut accorder
une remise par rapport à la fourchette affichée lorsqu'il traite
avec un investisseur mal informé.
La fourchette effective dépend du volume de
transactions et des prix proposés par les teneurs de marché. Par
conséquent, les coûts implicites sont mieux mesurés par la
fourchette pratiquée que par la fourchette affichée.
On peut définir la fourchette effective comme la
différence entre le cours à l'instant t et le milieu de la
fourchette devisée par cette dernière.
Fourchette effective : Ft = Pt -
Mt
Mt
Où Ft est la fourchette effective, Pt est le cours
à l'instant t auquel la transaction est effectuée et Mt est le
milieu de la fourchette.
Par conséquent, nous pouvons conclure que
l'organisation des marchés affecte directement les valeurs de la
fourchette.
2-L'impact de marché :
Le prix d'équilibre, qui est impliqué par le
volume d'ordres sur le marché, est généralement
mesuré par l'impact de marché. En effet, Berkowitz, Logue et
Noser (1988) avancent une méthode de calcul du coût
d'exécution, il s'agit de la différence entre le prix de
transaction et le prix moyen pondéré par les quantités.
Par conséquent, l'impact de marché noté MICij (Market
Impact Cost) est calculé de la manière suivante :
N
MICij = Volume _ BPij avec Volume = ?
(Vij)*(Pij)
WAPj WAPj i=1
Vj
Où WAPj est le prix moyen pondéré, BPij
est le prix acheteur, Vij est le nombre de titres j négociés
à la ième transaction, Pij est le prix de cette transaction et N
est le nombre de transactions effectuées à chaque
séance.
D-La profondeur :
Sur le second marché, lorsque la taille des ordres
transmis est supérieure au volume demandé ou offert, les
investisseurs subissent une variation défavorable de prix.
Handa (1992) défini la profondeur moyenne (average
depth) comme la somme des quantités disponibles aux meilleurs prix
affichés divisés par deux, nous obtenons par conséquent la
formule suivante :
Average depth = Average depth at bid + Average depth at ask
2
La profondeur moyenne à l'achat correspond au volume
demandé sur le prix acheteur calculé au prorata temporisé
sur une période d'une demi-heure. De même pour la profondeur
moyenne à la vente qui correspond au volume offert sur le prix vendeur
calculé au prorata temporisé également sur une
période d'une demi-heure. Nous obtenons donc:
Depth at bid = ? Depth at bid * Seconds quote
valid
1800
Depth at ask = ? Depth at ask * Seconds quote valid
1800
Cependant, pour une bonne mesure de liquidité, on doit
utiliser non seulement la profondeur, mais également la fourchette de
prix. En effet, Mucklow et Ready (1993) montrent que les changements survenant
dans le risque engendré par l'asymétrie de l'information
influencent les fournisseurs de liquidité. Les auteurs concluent que
pour contrôler ce risque, il faut utiliser la fourchette de prix et la
profondeur.
Sous l'hypothèse de l'asymétrie de
l'information, Dupont (2000) développe quant à lui un
modèle de fourchette de prix et de profondeur en présence d'un
teneur de marché. L'auteur conclu qu'en situation de monopole, un teneur
de marché neutre vis-à-vis du risque ajuste d'une manière
plus proportionnelle la quantité qu'il est disposé à
échanger que les prix lorsqu'il y a des variations au niveau des
conditions de marché.
E-Le ratio de liquidité :
Le ratio de liquidité correspond à la
différence entre le cours de clôture lors de la séance t et
le cours de clôture lors de la séance t-1 divisée par le
volume échangé durant la séance de cotation :
Mt = Pt - Pt-1
Vt
Ce ratio met en évidence le volume de titres
nécessaires pendant une séance pour obtenir une variation de prix
donnée. Néanmoins, il existe plusieurs limites inhérentes
à la profondeur qui rend cette mesure inadéquate pour
apprécier cette dernière.
F-Le MEC (Market Efficiency
Coefficient) :
Le principe du MEC est que les cours d'un titre peu liquide
sont dus à des perturbations dans le cours terme, l'action des
investisseurs pressés écartant temporairement le cours
affiché de la valeur informationnelle de l'action.Le MEC se calcule en
rapportant la variance des rentabilités d'un titre sur de longues
périodes à la variance des rentabilités de ce même
actif sur des sous-périodes plus courtes où la longue
période est divisée en n sous-périodes :
MEC= Var (Rt)
n*Var (Rt/n)
G- Le flottant :
Le flottant est une mesure utilisée
généralement par les gérants de portefeuilles, son
estimation ne peut être faite sans arbitraire.
Hamon (1995) défini le flottant comme la part de
capitalisation d'une action qui circule effectivement en bourse et n'est donc
pas gelée, pour des raisons stratégiques ou en raison de pactes
d'actionnaires, dans les portefeuilles.
Section II : Sous-évaluation initiale et
liquidité des titres nouvellement introduits
Le cours d'un titre dépend principalement des
anticipations des investisseurs quant aux flux monétaires. En effet, si
leurs anticipations sont à la hausse, le cours du titre augmente, par
contre, si leurs anticipations sont à la baisse alors le prix de
l'action baisse.
Lors de nouvelles émissions, le taux des actions
retenues par les propriétaires est élevé, ce qui va avoir
un effet négatif sur le volume de transactions des titres nouvellement
introduits en bourse, ceci aura pour conséquence la baisse du niveau de
cours.
Les propriétaires envisagent, dans ce cas, de recourir
à la sous-évaluation initiale lors de l'introduction en bourse.
En effet, cette stratégie permet, d'une part, de motiver les
investisseurs à investir dans leurs émissions, par
conséquent, la demande des actions va augmenter ainsi que leur prix.
D'autre part, la sous-évaluation permet aux propriétaires de
refléter la qualité de leurs firmes améliorant ainsi le
niveau des anticipations des investisseurs.
II.1-L'effet du taux des actions retenues et la
sous-évaluation initiale sur la liquidité :
La motivation principale des dirigeants des firmes qui
s'introduisent nouvellement en bourse est de garantir la liquidité de
leurs actions sur le marché. Généralement, les
propriétaires retiennent une part des actions lors de l'émission
cette part est en moyenne égale à 2/3 de leur entreprise. Cette
décision influence le degré de liquidité sur le
marché. En effet, ces titres ne peuvent pas faire l'objet de transaction
librement sur le second marché. En effet, plus le taux des actions
retenues est élevé, plus la probabilité que les
investisseurs externes échangent leurs actions avec les
propriétaires est élevée.
Reese (1998) met en évidence la relation entre le taux
des actions retenues et le volume de transaction. Il s'est basé sur
l'idée que les investisseurs sont exposés à un risque
moral, par conséquent, ils seront découragés de faire des
transactions sur le marché et il a conclu qu'il existe une relation
négative entre le taux des actions retenues et volume de transaction.
Par contre, Reese (1998) montre qu'il existe une relation positive entre la
sous-évaluation initiale et le degré de liquidité lors de
l'introduction en bourse et il conclut que pour investir dans une nouvelle
émission, l'investisseur se base non seulement sur la rentabilité
initiale mais également sur le volume de transaction des titres
nouvellement introduits en bourse.
Pour améliorer la liquidité des titres
nouvellement introduits en bourse, les propriétaires
sous-évaluent leur émission. Cette hypothèse a
été développée par Zheng, Ogden et Jen (2002). En
effet, si le marché est liquide, les actions retenues par les
propriétaires seront échangées plus facilement. De plus,
plus le volume échangé est important, mieux les actions retenues
seront valorisées puisque les investisseurs exigeront une faible prime
de liquidité. Par conséquent, les auteurs concluent que la
sous-évaluation initiale améliore la liquidité et augmente
le volume de transaction. Néanmoins, la sous-évaluation implique
également des coûts. Or, ces coûts baissent avec le taux des
actions retenues. Ainsi, les actions nouvellement introduites en bourse seront
plus sous-évaluées si le taux des actions est retenues est
élevé.
II.2-La relation entre la sous-évaluation
initiale et la liquidité :
Nous avons dis récemment que la sous-évaluation
initiale améliore la liquidité. En effet, la
sous-évaluation initiale augmente le nombre de transactions à
court terme, d'autre part, la sous-évaluation motive les investisseurs
à investir dans les nouvelles émissions. Enfin, elle baisse la
fourchette de prix réservée de la part des investisseurs et
augmente la sensibilité des transactions face à l'arrivée
d'une nouvelle information.
Lorsque une nouvelle introduction en bourse est
sous-évaluée, cette nouvelle émission encouragera les
investisseurs intéressés et non intéressés à
investir et par conséquent la demande de ces actions va augmenter.
L'offre est limitée donc les demandes des investisseurs
intéressés ne vont pas être satisfaites ce qui les poussera
à faire des transactions auprès des investisseurs non
intéressés augmentant par conséquent le volume
d'échange.
L'arrivée d'une nouvelle information sur le
marché poussera les investisseurs à ajuster leurs
espérances et à réserver par conséquent, une faible
fourchette de prix ce qui va générer un volume de transactions
important.
II.3-La relation entre la sous-évaluation et le
taux des actions retenues :
Le taux des actions retenues lors de l'introduction en bourse
influence la sous-évaluation. Ces effets sont au nombre de trois.
En premier lieu, si le pourcentage d'actions retenues est
élevé, le flottant sera faible et le marché sera peu
liquide c'est pour cette raison qu'il est important de sous-évaluer les
titres nouvellement introduits en bourse afin d'améliorer la
liquidité.
Ensuite, la perte sera minime pour les propriétaires
qui retiennent un taux d'actions élevé et leurs gains seront
futurs seront maximisés si ces actions nouvellement émises sont
sous-évaluées. En effet, lorsque le taux d'actions retenues est
élevé, le nombre d'actions qui seront vendues après
l'émission sera important. D'autre part, les investisseurs vont demander
une faible prime de liquidité si le marché d'actions nouvellement
introduites en bourse est liquide, de plus, les coûts de transactions ne
seront pas élevés ce qui implique l'amélioration le prix
des actions retenues avant l'émission par les propriétaires. Par
conséquent, pour améliorer la liquidité des titres
retenus, il est nécessaire de sous-évaluer les nouvelles
émissions si le taux des actions retenues est élevé. Par
contre, lorsque le pourcentage des actions retenues est faible, les
propriétaires ne seront pas incités à favoriser la
liquidité des actions émises mais ils chercheront à
maximiser le prix de leur offre, par conséquent, les ils n'ont pas
intérêt à sous-évaluer leurs émissions.
Enfin, les propriétaires peuvent minimiser la perte
engendrée par la sous-évaluation s'ils retiennent un grand nombre
d'actions lors de l'introduction en bourse.
Conclusion :
Au niveau de ce chapitre, nous avons défini et
présenté les mesures de liquidité des titres nouvellement
introduits en bourse, ensuite, nous avons mit en évidence la relation
entre la sous-évaluation initiale et la liquidité des titres
nouvellement émis en bourse.
Au cours de la première section, nous avons, en premier
lieu, défini le concept de liquidité. En second lieu, nous avons
présenté les différentes mesures de liquidité
à savoir : le volume de transaction, l'immédiateté,
les couts d'exécution, la profondeur, le MEC (Market Efficiency
Coeffcient) et le flottant.
Au niveau de la seconde section, nous avons
étudié l'impact du taux des actions retenues et de la
sous-évaluation initiale et la liquidité des titres lors de
l'introduction en bourse. Enfin, nous avons traité théoriquement
la relation entre la sous-évaluation initiale et la liquidité des
actions nouvellement introduites en bourse.
L'objectif de ce chapitre réside dans l'importance que
représente le concept de liquidité et sa capacité à
expliquer la sous-évaluation lors de l'introduction en bourse.
Nous traiterons la validation empirique concernant la
sous-évaluation initiale et son impact sur la liquidité des
titres au niveau du troisième et dernier chapitre.
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