L'intégration des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) dans l'économie mondiale par les APE (Accords de partenariat économique): leurre imposé ou ambition réaliste pour le développement ?( Télécharger le fichier original )par Stéphanie de Halleux Université Libre de Bruxelles - D.E.S. en Coopération au développement 2008 |
IV.3.2.3. L'interprétation de l'article XXIV de l'OMCL'interprétation de l'article XXIV du GATT, sur lequel les nouveaux accords commerciaux doivent se calquer, a été un autre sujet de discorde entre les partenaires, jouant ainsi en défaveur du timing des négociations. Comme nous l'avons effectivement étudié dans le point II.2.2. du présent mémoire, l'article XXIV du GATT ne prévoit ni la méthode de quantification, ni la proportion d'échanges qui doivent être libéralisés entre les parties, suscitant de la sorte un problème d'interprétation entre les parties au moment des négociations. Ainsi, pour l'UE, on ne pouvait parler d'« essentiel des échanges » qu'à partir du moment où 90 % de la valeur totale des échanges entre les parties étaient libéralisés. D'autre part, l'UE considère ce taux de 90 % comme une moyenne des échanges entre les partenaires. Néanmoins, dans les faits, une étude réalisée par le Commonwealth Secretariat a démontré que les accords conclus entre l'UE et ses partenaires couvraient 226 Selon Francesco Rampa, « les États membres de l'UE sont sous le feu des projecteurs, car ils auront à rehausser leur aide liée au commerce à 1 milliard d'euros d'ici 2010. La Commission, par contre, a moins de raisons de s'inquiéter, car en raison du 10ème FED 2008-2013, sa contribution d'aide pour le commerce est déjà très proche de cette cible. » Voir : RAMPA, F. « Nouvelle stratégie européenne en faveur de l'aide pour le commerce : une fenêtre d'opportunité ? », Eclairages sur les négociations, Maastricht : ECDPM, Vol.6, Numéro 8, pp.16-17. 227 OXFAM, Imposer n'est pas négocier. Agissons pour des relations commerciales plus justes, op. cit., p.15. 228 Cela signifie qu'entre 300 et 400 millions d'euro de financements additionnels devraient être octroyés pour l'Aide au Commerce dans les pays ACP. L'UE fournira également un appui dans le cadre de l'agenda plus large relatif à l'Aide au Commerce, en renforçant les capacités de production, les infrastructures et les ajustements liés au commerce. Voir : ECDPM, La négociation des APE. Etat des lieux, Maastricht : ECDPM, 2 novembre 2007. Document téléchargé sur Internet. Lien URL : http://www.acp-eu-trade.org/library/files/ECDPM_FR_02-11- 07 _ECDPM _La-negociation-des-APE _Etat-des-li%E2%80%A6.pdf 229 CONCORD, op.cit., p.2. généralement plus de 90 % de leurs échanges et que l'ouverture des frontières étaient souvent plus importante du côté des partenaires que du côté de l'UE230. Le deuxième élément de l'article XXIV du GATT suscitant une interprétation ambiguë, portait sur la période de transition pour la mise en oeuvre d'un accord commercial régional. L'UE estimait ainsi que le « délai raisonnable » pour l'établissement d'une aire de libre-échange ne devait pas en principe dépasser dix ans, sauf dans les cas exceptionnels. Du côté des ACP, ils ont indiqué dès le début des négociations (voir point III.2.du mémoire) qu'ils souhaitaient une révision et une clarification de l'article XXIV dans le cadre du cycle de Doha afin d'y introduire une plus grande flexibilité face aux préoccupations du développement et qu'ils espéraient bénéficier de l'appui de l'UE à l'OMC en ce sens. Ainsi, le 28 avril 2004, le groupe ACP a remis à l'OMC une proposition relative à l'introduction d'aspects de développement et d'un traitement spécial et différencié (TSD) dans l'article XXIV du GATT. La proposition d'introduction d'un TSD portait sur un allongement de la période de transition pour la mise en oeuvre des accords de libre-échange (ne devant pas être inférieure à 18 ans), sur l'introduction d'une flexibilité quant à « l'essentiel des échanges231 » et sur la simplification de procédures pour les PED en ce qui concerne les règles de procédure pour la notification232. La proposition de réforme de l'article XXIV du GATT a également reçu l'appui de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) qui considère que « les APE doivent prévoir un délai supérieur à 12 ans pour mettre en oeuvre la réciprocité233 ». Cependant, selon l'ECPDM, la majorité des membres de l' OMC n'est pas favorable234 à une révision de l'article XXIV, sans compter le fait qu'un trop grand degré de flexibilité235 dans un APE risque « de voir un membre de l'OMC exaspéré le contester devant l'organe de règlement des 230 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 29. 231 Les ACP souhaitent effectivement qu'une flexibilité appropriée soit ménagée aux pays en développement pour satisfaire à la prescription de libéralisation totale de « l'essentiel des échanges », pour ce qui est du commerce et des produits visés y compris en ce qui concerne l'application d'une méthode favorable et/ou de niveaux de seuils inférieurs. Pour ce qui est des « autres réglementations commerciales restrictives », les ACP souhaitent que cette expression soit interprétée de manière flexible par les PED parties afin que des mesures de sauvegarde et autres mesures non tarifaires puissent être appliquées. 232 Comme l'explique l'ECDPM, la dernière condition avant de lancer la mise en oeuvre d'un APE est que celui- ci doit être notifié à l'OMC au titre de l'article XXIV de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, conformément à la décision de l'OMC du 14 décembre 2006 sur le mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux. Voir : BILAL, S., « Conclure les négociations des APE. Aspects juridiques et institutionnels », op.cit., p. 14. 233 CENTRE AFRICAIN POUR LES POLITIQUES COMMERCIALES, op.cit., p. 5. 234 Selon l'ECDPM, la proposition introduite par le Groupe ACP à l'OMC a reçu un accueil mitigé de la part des membres de l'OMC. 235 L'ECDPM explique en outre qu'un APE qui ne libéraliserait que très partiellement les échanges, apparaîtrait pour la plupart des juristes et des économistes comme « une contradiction dans les termes ». Ainsi, le cas d'une réciprocité fortement asymétrique, trahirait, selon les juristes et les économistes, l'esprit et la lettre de l'article XXIV du GATT. Voir : BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 35. différents.236» En outre, le Groupe ACP espérait que sa proposition soit étudiée pendant le cycle de Doha, qui, malgré la reprise des négociations en février 2007237, n'avait toujours pas enregistré d'avancées significatives sur les questions litigieuses238, ce qui a conduit l'UE à conclure des accords intérimaires avec les régions ACP à la date du 31 décembre 2007 avant même que le cycle ne se soit achevé239. Nous verrons ultérieurement que les accords intérimaires qui ont été conclus entre les États ACP et l'UE à la date du 31 décembre 2007 prévoient un calendrier de libéralisation asymétrique de grande ampleur sur une période de quinze années. |
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