THESE PROFESSIONNELLE
L'OPTIMISATION FINANCIERE ET FISCALE
D'UN LBO PARTICULIER :
L'OWNER BUY OUT.
Anthony Seghers Sous la direction du Professeur
Philippe Thomas
SOMMAIRE
Introduction
1 L'OBO, un LBO réconciliant des logiques
contradictoires
1.1 Des logiques particulières propres à chaque
entreprise 1.2 La reprise du mécanisme phare du LBO
1.3 Une réponse efficace à travers l'OBO
2. L'ingénierie financière et juridique au
service d'un projet global
2.1 Le montage de l'OBO : une véritable architecture
financière
2.2 Une structure juridique particulière comme facteur
d'optimisation 2.3 Un moyen de consacrer logique industrielle et humaine
3. L'optimisation fiscale indispensable à
l'efficacité du montage
3.1 Un montage à visée patrimoniale
3.2 La maximisation du levier fiscal
3.3 Des possibilités supplémentaires grâce
à la fiscalité internationale
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Remerciements
A l'issue de ce travail, des recherches qui y ont
été nécessaires et de l'enrichissement intellectuel qu'il
m'aura, je l'espère, apporté, je tiens à remercier en
particulier :
Monsieur Philippe Thomas,
comme professeur de finance tout au long de cette année
universitaire,
et plus particulièrement comme directeur de thèse,
pour m'avoir guidé et orienté dans ce travail
Monsieur Jean-Pierre Bertrel,
pour nous avoir fait découvrir ce montage particulier
qu'est l'OBO
Maitre Olivier Paulhan,
pour m'avoir reçu et conseillé dans la
préparation et l'orientation juridique de mes recherches
Madame Sylvie Hébert,
en tant que directrice de ce Mastère pour l'ESCP
Monsieur François Lenglard,
en tant que directeur de ce Mastère pour HEC
Introduction
Après l'euphorie boursière des années
1990, se terminant avec l'explosion de ce que l'on a appelé la bulle
Internet, ces dernières années semblent avoir été
non celles de l'émergence mais du triomphe des LBO. Ces Leverage Buy
Out, peu connus il a y 10 ans, semblent constituer l'un des mécanismes
phares de la finance actuelle. Ils offrent ainsi des horizons nouveaux à
une large part des entreprises, jusqu'ici étrangère aux
problématiques d'ingénierie financière.
Pour autant, la crise de liquidité portant sur les
financements de LBO et sur les subprimes
américaines1 rendra probablement le montage des futures
opérations à effet de levier plus difficile. L'âge d'or des
LBO, annoncé par Henry Kravis2, un des fondateurs du fonds
d'investissements précurseur KKR, est peut-être révolu.
Quoiqu'il en soit, le principe de ce type de montage ne semble pas
nécessairement remis en question3, à moins que ne
survienne une véritable crise systémique.
En effet, « historiquement, ne pouvaient être
cédées que les sociétés cotées en Bourse et
celles qui présentaient un intérêt pour d'autres acteurs
industriels, soit une infime minorité de sociétés. Pour
les autres, il n'y avait pas de marché. Le capital-investissement a
ouvert un troisième marché qui permet aux entrepreneurs de vendre
leurs sociétés, y compris les microsociétés »,
comme le souligne Maurice Tchenio4, fondateur d'Apax Partners, l'un
des principaux fonds d'investissements européens.
A ce titre, les LBO ont ouvert des perspectives nouvelles pour
de très nombreuses entreprises, françaises en particulier, pour
lesquelles cession efficace et valorisation substantielle étaient jusque
là improbables. D'où une véritable explosion des montages
à effet de levier portant parfois sur de très petits montants et
conduisant à véritablement redessiner le panorama des entreprises
françaises.
Or, si l'on examine de manière plus attentive le
maillage des entreprises françaises, on réalise qu'il est
avant tout caractérisé par le poids élevé des
structures de taille modeste, voire moyenne. Mises à part les
très petites entreprises, les PME/PMI constituent un pan fondamental
du
1 Sophie Rolland - La résistance du
marché de la dette privée mise à rude épreuve - La
Tribune - 22 juin 2007
2 Eric Leser - La crise des marchés du
crédit compromet le financement des fonds - Le Monde - 31 juillet
2007
3 Les marchés peinent à évaluer
l'ampleur de la crise du crédit aux Etats-Unis - Les Echos - 6
août 2007
4 Maurice Tchénio - " Le
capital-investissement, un accélérateur de croissance " - La
Tribune - 11 juin 2007
capitalisme français (on se réfère aux
critères européens de définition des catégories
d'entreprises, tels qu'établis par la nouvelle recommandation
2003/361/CE concernant la définition des PME5). Ces PME/PMI
représentent 99,5 % des entreprises françaises, 63 % de l'emploi
(hors administration) et 53% de la valeur ajoutée produite6.
Mais ce sont elles aussi qui se trouvent souvent à la croisée des
chemins, entre implantation locale et expansion internationale, structure
familiale et perspectives financières véritables.
Un récent rapport du Conseil d'analyse
économique7 expliquait « qu'il manque à la France
l'équivalent de 10.000 entreprises de 300 salariés. », les
PME françaises peinant à devenir des acteurs sérieux de
leur secteur. Constat confirmé par les travaux d'Anne Dumas8,
au sein de l'Institut Montaigne, qui explique que les entreprises
françaises ont des difficultés à atteindre le seuil
critique en terme de solidité financière, de présence
internationale et de R&D.
L'un des aspects propres aux PME françaises est leur
origine souvent familiale. Mais ce qui les distingue réside plus encore
dans le fait qu'un homme ou une famille en ait accompagné la
création, le développement et la maturité, faisant souvent
de celle-ci le premier enfant de l'entrepreneur, celui dont il aura suivi
chaque tressaillement.
Ainsi, l'économiste américain Schumpeter
considérait-il que l'entrepreneur était la pierre d'angle des
économies capitalistes, faisant de celui-ci le vecteur de l'initiative,
de l'innovation et donc, in fine de la création de
valeur9.
Néanmoins, l'entreprise familiale étant en
général l'oeuvre d'une existence, il convient d'en assurer la
pérennité au soir de la vie de celui qui l'a créée,
afin que le trépas de l'un ne s'accompagne pas de la mort de l'autre.
5 Au regard de cette directive :
- Une moyenne entreprise est définie comme une
entreprise dont l'effectif est inférieur à 250 personnes et dont
le chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total
du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros.
- Une petite entreprise est définie comme une entreprise
dont l'effectif est inférieur à 50 personnes et dont le chiffre
d'affaires ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions
d'euros.
- Une microentreprise est définie comme une entreprise
dont l'effectif est inférieur à 10 personnes et dont le chiffre
d'affaires ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions
d'euros.
Cette recommandation a remplacé la recommandation
96/280/CE depuis le 1er janvier 2005
6 Source DGI - INSEE : Base de données
fiscales
7 Jean-Paul Betbèze et Christian
Saint-Étienne - " Une stratégie pour la France " - rapport du CEA
- 2005
8 Anne Dumas - Pourquoi nos PME ne grandissent pas -
Institut Montaigne
9 Joseph Schumpeter - Théorie de
l'évolution économique, 1911
Joseph Schumpeter - Les cycles des affaires, 1939
On constate actuellement que les successions familiales
semblent beaucoup moins naturelles qu'auparavant. En effet, la
complexité croissante de la gestion d'une PME, tout comme les besoins
financiers auxquels une famille seule ne peut faire face, entraînent une
incapacité à trouver un héritier au sein de celle-ci dans
près de deux tiers des cas.
Par ailleurs, on connaît le poids élevé
des générations du baby boom, qui seront appelées à
prendre leur retraite dans les années à venir. Les patrons de PME
issus de ces générations étant nombreux, on imagine bien
l'ampleur du phénomène à venir en terme de succession
à la tête de ces entreprises.
A titre d'exemple, les trois quarts des entreprises
françaises de taille moyenne sont dirigés par un membre de la
famille qui en est actionnaire majoritaire. Dans de nombreux cas, le dirigeant
en question en est lui-même l'actionnaire majoritaire, si ce n'est
unique. La majorité de ces entreprises n'a pas formalisé
juridiquement les relations entre actionnaires, par un pacte d'actionnaires par
exemple. Aussi la succession aux fonctions de direction comme la transmission
du capital sont-elles des enjeux majeurs dans ce cas. Si l'on reprend les
chiffres d'une étude réalisées en 2006 par
PriceWaterhouseCoopers, il apparaît que seules 23 % des PME n'envisagent
pas de modification de la structure de leur capital, alors que 58 % (contre 56%
l'année précédente) d'entre elles l'envisagent dans les
cinq années à venir. Ces chiffres montrent bien l'ampleur du
phénomène en question.
Si l'on considère que leur entreprise est souvent
l'oeuvre majeure de leur vie, il semble évident qu'aux yeux de
dirigeants de PME, la transmission de celle-ci aura une importance
considérable, les aspects financiers ne pouvant se suffire à
eux-mêmes. C'est pourquoi, bien souvent, cette échéance est
repoussée, le dirigeant préférant rester aux commandes
plutôt que de devoir affronter les incertitudes liées à une
cession. En effet, dans d'assez nombreux cas, on constate une sorte de refus de
« passer la main », que ce soit à un membre de la famille ou
plus encore à un investisseur extérieur, financier ou
industriel.
Le dirigeant actionnaire, à l'image de n'importe quel
autre créateur ou responsable est confronté à une
problématique centrale : son aptitude à susciter et à
former un successeur. A ce titre, 46 % des dirigeants actuellement en place
n'ont pas consulté la génération suivante, 50% n'ayant
pas
prévu de plan de continuité10. Or
ici, en plus de la capacité à faire émerger la bonne
personne se pose le problème du capital. En effet, trouver celui (ou
l'équipe) qui pourra lui succéder, le former, l'introduire afin
qu'il puisse, le moment venu tenir les commandes ne suffit pas. Encore faut-il
que celui-ci, voire ceux-ci disposent des moyens suffisants pour racheter ses
titres à l'entrepreneur. Nous savons que c'est rarement le cas.
Si aucune succession n'est organisée, le dirigeant se
condamne d'une certaine manière à devoir assumer la direction de
son entreprise jusqu'au bout. Ceci est alors en contradiction flagrante avec le
souhait exprimé par nombre d'entre eux de pouvoir profiter de leur
retraite après de nombreuses années de travail. Une lourde
incertitude pèse alors tant sur l'avenir du dirigeant que sur celui de
l'entreprise.
L'entrepreneur est donc dans ce cas confronté à
une sorte de dilemme : rester au commande ou prendre sa retraite, vendre son
entreprise aujourd'hui ou miser sur sa croissance future. On pourrait aussi
résumer ce dilemme en opposant logique industrielle et logique
patrimoniale ou logique professionnelle et logique familiale.
Simultanément, on constate depuis plus de 10 ans un
très fort développement en France du capital investissement
à travers les montages de Leverage Buy Out (LBO). Ce type de montage est
aujourd'hui connu et très largement appliqué dans les
différentes économies occidentales et dans la nôtre en
particulier. L'emprise du capital investissement n'a en effet cessé de
croître depuis plusieurs années, le poids des entreprises dans
lesquelles ces fonds détiennent des participations étant
égal à celui des entreprises du CAC 40. Ainsi, ce sont plus de
12% du PIB français qui se trouvent ainsi réalisés par des
entreprises dans le capital desquelles est entré un fonds
d'investissement11. Celles-ci ont en grande majorité fait
l'objet d'un montage de LBO, mécanisme phare du capital investissement
permettant l'acquisition d'entreprises grâce à une mise de
départ relativement limitée.
10 PWC - Enquête sur les entreprises familiales
françaises 2006.
11 AFIC (Association Française des
Investisseurs en Capital) - Rapport 2006
Les entreprises en question enregistraient en 2005 une
croissance 6,9%12, à mettre en comparaison avec les quelques
1,7% de l'économie française13. Ainsi, ce secteur
constitue bien l'un des pans majeurs du développement économique
actuel, tant au regard de son poids que du dynamisme des participations qui
sont les siennes.
Si l'on retient la perspective qui était la nôtre
au départ, à savoir la problématique de la transmission de
PME, on doit avant tout examiner la réalité du capital
investissement. En effet, on retient souvent les prises de participations
records réalisées aux Etats-Unis ou en Europe, par KKR en
particulier et les LBO de plusieurs milliards voire dizaines de
milliards14. Certes ceux-ci jouent un rôle important et sont
représentatifs du haut niveau de technicité financière et
juridique mis en oeuvre dans ce type d'opérations15.
Néanmoins, cela ne doit en aucun cas occulter la réalité
de ce secteur. En Europe, 8 500 prises de participations ont été
effectuées par des fonds d'investissements en 200616.
En effet, 82,7% des participations des fonds d'investissements
sont des PME, parmi lesquelles une large majorité (54,9% de l'ensemble)
compte moins de 100 salariés. Par comparaison, seul 1,3% des entreprises
détenues par des fonds en compte plus de 5 000.
De même, près de 50% des entreprises en
portefeuille réalisent un chiffre d'affaire de moins de 10 millions
d'euros, 79% un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros, ce qui
illustre la forte présence du capital investissement au sein du maillage
des PME françaises, et ce dans tous les domaines d'activité. De
même, ces entreprises représentent plus de 1,6 million de
salariés, et leurs effectifs ont connu une croissance de plus de 4% ces
dernières années, alors que les effectifs des entreprises du CAC
40 avaient tendance à diminuer. Si aujourd'hui, partout en Europe, les
entreprises se tournent vers le capital-investissement pour financer leur
croissance c'est qu'elles se trouvent face à un vide que personne ne
comble, excepté le private equity, selon Dominique
Sénéquier, président de Axa Private Equity. Maintes
études ont démontré que les sociétés dans
lesquelles les fonds investissent sont présents font preuve d'une
croissance supérieure à la moyenne.
12 AFIC - Rapport 2006
13 INSEE - Chiffres clés 2006
14 KKR : le pionnier des LBO - Le Figaro - 17
février 2007
15 François Vidal - Le marché des
très gros LBO connaît un essor sans précédent - Les
Echos - 9 janvier 2007
16 Dominique Sénéquier - Le
capital-investissement sert l'Europe industrielle - La Tribune - 15 mai 2007
Ceci montre le dynamisme de ces entreprises,
phénomène relativement logique quant on connaît le niveau
d'exigence des business plan des montages de LBO.
Par ailleurs, on peut estimer que la maîtrise croissante
de ce type de mécanisme par les acteurs économiques
français, la baisse des taux d'intérêts enregistrée
ces dernières années (en dépit d'une actuelle
remontée de ceux-ci) et un assouplissement général des
législations fiscales seront de nature à favoriser ce type de
montages. De même, le recentrage de grands groupes sur leur coeur de
métier les oblige à céder des filiales aux
activités trop périphériques. Par ailleurs, le papy boom
actuel entraînera la transmission de plus de 450 000 entreprises en
l'espace de 10 ans. Pour Yvon Gattaz, ancien président du CNPF, c'est un
véritable défi démographique que la France est
appelée à relever17.
Le capital investissement est donc bien, à travers les
fonds qui en sont les acteurs, l'un des vecteurs centraux de la restructuration
de l'actionnariat actuel et futur des PME. Pourtant, si l'on interroge les
dirigeants d'entreprises qui songent à une transmission de celle-ci,
bien peu nombreux sont ceux à envisager une cession à des
investisseurs financiers. En effet, 71% d'entre eux expriment, ex
ante, une préférence pour un repreneur de type industriel,
la pérennité de l'entreprise, la sauvegarde de l'emploi ou
l'identification plus facile des repreneurs étant en
général citées comme les raisons de cet à
priori18.
Pour autant, on sait bien que la réalité des
transmissions de PME est tout autre, très nombreux étant ceux qui
ont recours à des fonds via des montages de LBO.
En effet, le capital investissement, en dépit d'une
vague réticence initiale de certains actionnaires de PME a pris des
participations dans plus de 1400 entreprises en 2006. Ce chiffre peut
paraître faible en comparaison du nombre d'entreprises dont la cession
est envisagée, mais il faut le remettre en perspective avec au nombre
d'entreprises profitables et de taille suffisante pour faire l'objet d'une
opération de LBO. Ce sont 10,2 milliards d'euros qui ont
été investis en 2006,
17 Entreprises familiales, on vous aime - Les Echos -
4 novembre 2005
18 PriceWaterhouseCoopers - Enquête sur les
entreprises familiales françaises 2006
consacrant ainsi un nouveau record. La croissance de ce secteur
de l'ordre de 26% ces dix dernières années montre bien la
vitalité de ces investissements19.
Une autre particularité de l'économie
française, à côté du poids important de ses PME, est
la place qu'elle détient concernant le capital investissement.
Troisième acteur mondial, elle se situe en seconde position en Europe
derrière la Grande-Bretagne et en première position en Europe
continentale. Ceci fait donc de ce secteur l'un des pourvoyeurs de capitaux
importants des entreprises françaises, surtout pour celles n'ayant pas
accès aux marchés boursiers mais dont les actionnaires
historiques ne peuvent nécessairement faire face à leur
développement, international notamment. Cela peut ainsi permettre
d'éviter l'écueil de la sous-capitalisation, problème
souvent rencontré par les entreprises familiales.
L'importance de ce secteur est donc à ne pas
négliger dès lors que l'on s'intéresse aux
problématiques de transmission d'entreprise, et de PME en particulier.
En effet, en 2006, les montants investis dans des transactions de moins de 100
millions d'euros ont été supérieurs à ceux investis
dans les LBO de taille importante20.
Si l'on revient aux logiques souvent opposées l'une
à l'autre par les dirigeants de PME, pérennité et
réalisation, logique patrimoniale et logique industrielle,
professionnelle et familiale, on mesure combien la problématique de la
transmission peut être assimilée à un dilemme, voire
à un déchirement. On réalise ensuite à quel point
ce choix, s'il n'est pas fait en temps voulu peut être
préjudiciable tant au dirigeant actionnaire qu'à l'entreprise
elle-même. En effet, le risque pour le dirigeant est, bien
évidement, que son entreprise périclite, entraînant avec
elle l'essentiel de son patrimoine et sa situation professionnelle. Pour
l'entreprise, un dirigeant âgé, peu dynamique et manquant de fonds
propres pour l'expansion de son activité constitue une menace tout aussi
importante.
Néanmoins, si les logiques nommées sont bien
antinomiques et peuvent être de nature à rendre toute
transmission impossible, l'ingénierie financière et juridique
permettent de sortir, si l'on peut dire, de la quadrature du cercle. Ainsi,
un montage particulier, l'Owner Buy Out, sorte de LBO
19 AFIC (Association Française des
Investisseurs en Capital) - Rapport 2006
20 Dominique Sénéquier - Le
capital-investissement sert l'Europe industrielle - La Tribune - 15 mai 2007
que l'on pratiquerait soi-même sur son entreprise
permettrait de réconcilier ces perspectives contradictoires.
Pur produit de l'évolution récente de
l'ingénierie financière et juridique, il s'est traduit par de
nombreux cas ces dernières années, auxquels finit par être
attribué l'un des nombreux acronymes que produit la finance, comme tout
autre secteur21.
L'Owner Buy Out présente l'atout majeur d'être
véritablement au service d'une triple logique.
- Financière et patrimoniale tout d'abord, en
permettant au dirigeant de liquéfier et de sécuriser une partie
de son patrimoine, en lui assurant ainsi retraite, maintien de son train de vie
et sécurité en cas de difficulté de sa PME
- Industrielle ensuite, en restructurant le capital de la
cible, et en l'axant sur son développement futur, via des perspectives
claires et des objectifs nets.
- Humaine, en permettant au dirigeant de rester aux commandes
tout en associant progressivement une nouvelle génération de
cadres, évitant ainsi les dangers d'une rupture brutale et les risques
d'immobilisme au sommet.
En effet, ce montage bien particulier permet de
réconcilier ces logiques en les rendant complémentaires, ce qui
évite de contraindre le dirigeant à un choix qu'il se refusera
souvent à faire. Ainsi, ce choix prend toute sa pertinence
au-delà de ses seuls aspects financiers, juridiques ou fiscaux, certes
fondamentaux, mais bien en intégrant les diverses dimensions que sont
les réalités humaines, familiales ou professionnelles qui sont
partie intégrante d'une transmission. Y voir même une
indéniable part psychologique ne me semblerait pas excessif en soi. Le
cas des PME est à ce titre emblématique, l'optimisation du
montage n'intervenant que dans un second temps, lorsque le principe d'une
transmission selon ces modalités est acquis. Et il semble bien que ce
soit l'équilibre propre à l'OBO qui en justifie
l'existence22.
On peut, à l'inverse, prendre le problème dans
l'autre sens, en partant d'un constat initial similaire, à savoir
l'importance des PME au sein de l'économie française, la forte
proportion
21 Jacqueline Percebois - Fonction et vie des sigles
et acronymes en contexte de langues française et anglaise de
spécialité - Université Montpellier 1 - 2001
22 Julien Tarby - Est-on jamais mieux racheté
que par soi-même? - Le Nouvel Economiste, 3 mai 2007
d'entreprises familiales parmi celles-ci et la question de la
succession de leurs dirigeants lorsque leur génération arrive
à l'âge de la retraite.
Si l'on fait le choix de préserver le modèle
familial et la direction par le dirigeant actuel, on risque de ne pouvoir
réaliser son patrimoine. Cette forme d'attentisme ne permettra en aucun
cas au dirigeant de se constituer un patrimoine indépendant de son
entreprise. On sait par ailleurs que la fiscalité sur les dividendes
incite certains entrepreneurs à limiter ces distributions, faisant de
leur société de véritables stocks de trésorerie non
utilisée et menacée en cas de difficulté de l'entreprise
(alors que beaucoup d'autres PME en manquent cruellement). En 2004, 79% des
dirigeants de PME déclaraient disposer d'une « trésorerie
normale ou aisée »23. Cela ne permettra pas plus au
dirigeant de préparer sa succession dans le cas où l'âge de
la retraite approcherait pour lui. Faire entrer de nouveaux investisseurs
minoritaires peut être une solution, mais elle reste limitée en
terme de capitaux et difficile à mettre en place si l'on ne propose pas
de sortie précise et de plus-value réelle. Par ailleurs, il faut
dans ce cas effectuer un arbitrage clair entre cession des titres du dirigeant
et augmentation de capital, logique patrimoniale et industrielle étant
à nouveau opposées.
Si au contraire, on préfère retenir l'option de
la sortie pure et simple via la cession à un fonds ou à un
repreneur industriel, on risque de se heurter au refus du dirigeant
d'abandonner à la fois son activité professionnelle et ce qu'il
considère comme l'oeuvre de sa vie. L'idée selon laquelle il
n'est de personne plus indiquée pour diriger de manière quasi
perpétuelle l'entreprise que celui qui l'a créée et l'a
développée étant très répandue, on
privilégiera une logique professionnelle et humaine sur une logique
patrimoniale et industrielle. Par ailleurs, il ne faut jamais négliger
que le moment opportun pour l'entreprise ne sera pas nécessairement
celui que son dirigeant jugera idéal en ce qui le concerne
personnellement. Ainsi si le dirigeant historique préfère
conserver les rênes de son entreprise dix ans de plus, il se peut fort
bien qu'au bout de ce laps de temps il soit trop tard pour toute
opération d'ingénierie financière (soit du fait de
paramètres internes à l'entreprise, soit en raison de la
situation générale de l'économie qui ne s'y prête
plus).
23 Une trésorerie normale et des
investissements au ralenti - La Tribune - 21 janvier 2004
Il semble donc bien que dès lors qu'une des options,
pérennité de l'actionnariat ou cession (LBO ou reprise classique)
s'oppose, de par sa logique intrinsèque aux autres objectifs que peut
légitimement viser l'actionnaire dirigeant, on aura une solution
sous-optimale à ses yeux. Partant de là, on risque fort que
l'option retenue se révèle de même néfaste pour
l'entreprise et pour les différentes parties prenantes (employés,
partenaires, clients...). L'option optimale est logiquement celle qui soutient
le développement tout en minimisant le risque supporté par les
différents agents. C'est en l'espèce un cas typique d'arbitrage
entre le présent et l'avenir, auquel se mêlent de très
nombreuses autres considérations plus ou moins rationnelles, et
obéissant chacune à des échelles de valeur propres.
L'OBO permet bien, en réconciliant les logiques propres
à chacune de ses perspectives, d'assurer le développement de
l'entreprise et sa pérennité tout en réduisant le risque,
aussi bien pour la PME elle-même que pour le dirigeant historique, les
nouveaux actionnaires et les parties prenantes.
En effet, si l'on considère que l'étape la plus
importante de la vie d'une entreprise est sa création, celle-ci
passée (et réussie), l'étape majeure est donc bien sa
transmission. L'exemple de l'entreprise Jallatt e, dont le fondateur choisit de
se donner la mort plutôt que de voir démanteler ce qu'il
considérait comme l'oeuvre de sa vie est ô combien
instructif24.
Concernant l'OBO, la première étape, ou plus
exactement l'étape préliminaire réside dans la
compréhension globale de l'intérêt de ce montage face
à un certain nombre de problématiques légitimes
rencontrées par les dirigeants de PME et par les entreprises
elles-mêmes.
En effet, il est une réponse originale au
problème central de la transmission d'entreprise, en particulier pour
les moyennes capitalisations à actionnariat familial. On sait que la
France est, malheureusement le leader international en terme de nombre de
faillites, soit près de 50 000 (50.200 en 2005 en France, contre 40.000
aux Etats-Unis la même année, et 20.000 la suivante25)
sur les 300 000 qui adviennent chaque année, tous pays confondus. Si ce
phénomène touche, pour des raisons aussi bien financières
que réglementaires ou industrielles en priorité les
entreprises
24 Suicide du patron de Jallatte pour protester contre
la délocalisation projetée de son entreprise - La Tribune - 10
juin 2007
25 Les faillites repartent à la hausse - Le
Figaro - 25 mai 2007
jeunes, les risques étant considérables durant
les premières années d'existence, la transmission d'entreprise
est la seconde période de risque de défaut.
Ainsi, on sait empiriquement qu'une entreprise
cédée dont le ou les dirigeants restent aux commandes,
réduit fortement sa probabilité de dépôt de bilan
dans les années suivant la transmission.
Ceci contribue à expliquer l'intérêt aussi
bien théorique et intellectuel que pratique d'un tel montage.
Une fois intégrée son utilité pour
répondre aux multiples objectifs de l'entrepreneur ou du dirigeant de
PME familial quant à la transmission de son entreprise, se pose le
problème du cadre et des mécanismes à mettre en oeuvre
pour optimiser ce montage.
Comme nous l'avons déjà souligné, le LBO
est un produit de l'ingénierie financière, juridique et fiscale,
qui se fonde sur la mise en place des trois leviers correspondants. De ce point
de vue, le concept est certes pertinent, mais, spécialement dans le cas
bien particulier d'un OBO, il doit faire l'objet d'une optimisation propre afin
de maximiser les effets souhaités du montage.
L'optimisation sérieuse d'un montage comme celui-ci
doit donc passer par un examen détaillé de toutes les
alternatives à chaque stade de l'opération, afin de s'assurer que
l'on préserve bien l'économie générale du projet,
sans perdre de vue la logique initiale.
Le premier objectif sera donc de préserver les
différentes logiques dont le LBO permet la réconciliation, ceci
sans que l'une prenne le pas sur l'autre. Ou plus exactement que dans le cadre
de chaque montage, les visées de l'actionnaire en question soient bien
consacrées par le schéma retenu.
La logique financière et patrimoniale implique donc de
liquéfier une partie importante, voire majeure du capital du dirigeant,
afin de lui constituer un patrimoine propre, protégé et le plus
important possible. Cela doit se faire en assurant une valorisation
élevée à l'entreprise et en trouvant les partenaires
financiers nécessaires au montage.
La logique industrielle suppose que l'on soit en mesure
d'assurer le développement futur de l'entreprise cible, en lui
apportant les capitaux dont elle a besoin d'une part, et ne confisquant
pas toutes ses ressources financières d'autre part. Le risque de
capter une part trop importante des
bénéfices de la cible pour faire face au
remboursement de la dette d'acquisition menace à la fois l'expansion de
l'entreprise, et son existence elle-même si le business plan est trop
ambitieux.
La logique humaine enfin doit permettre au dirigeant
historique de conserver la direction de son entreprise, mais tout en
préparant une succession probable. Il est donc nécessaire que
celui-ci demeure dans l'entreprise après la transmission (ce qui
implique une forme de contrôle) tout en associant des cadres à
même de le remplacer à terme.
Le montage optimal devra permettre d'atteindre ces multiples
objectifs et donc d'assurer la réussite de l'OBO. De même que l'on
constate que tel ou tel LBO a échoué, souvent en raison
d'objectifs financiers inatteignables ou du mauvais choix de l'équipe de
reprise26, le même écueil menace l'OBO.
Théoriquement celui-ci est moins risqué qu'un LBO classique, la
connaissance de l'entreprise étant meilleure, donc le business plan plus
sérieux, et l'incertitude quant au dirigeant réglée.
L'optimisation de ce montage vise avant tout à
réduire au maximum les coûts liés à
l'opération. En effet, celle-ci a nécessairement des coûts,
principalement financiers et fiscaux qui doivent être limités en
utilisant au mieux la législation, notamment en droit des
sociétés et en droit fiscal. Eviter les frottements fiscaux et
les incertitudes juridiques doit figurer au premier rang des
préoccupations des conseils dans ce type d'opération, qui plus
est lorsque cette sorte de montage est encore récente. La maîtrise
du coût est d'ailleurs un objectif tout aussi valable pour le montage
initial que pour le dénouement de l'opération au bout de 5
à 7 ans en général.
Simultanément, l'objectif doit être de maximiser
les bénéfices présents et futurs pour l'entrepreneur qui
est lui-même à l'origine de l'opération. Cela passe
logiquement par la maximisation de son intérêt financier tout en
préservant son contrôle sur l'entreprise et en n'obérant
pas le développement de celle-ci.
Cela consiste donc avant tout à trouver les bons
partenaires, aussi bien investisseurs financiers que cadres.
26 Virgine Pham, Frédéric Garcia -
LBO : Mode efficace de financement d'acquisition des entreprises ? Etude des
mécanismes et analyses de facteurs de réussite et d'échec
des opérations de financement d'acquisition d'entreprise par effet de
levier - 2003 CNAM
L'OBO étant un montage d'ingénierie
financière déclenché par le dirigeant actionnaire, il faut
conserver à l'esprit qu'il est avant tout opérationnel.
En effet, si la structure particulière que l'on met en
place permet d'actionner les trois leviers classiques du LBO (financier,
juridique et fiscal), l'origine de toute rentabilité sera
économique. Aussi est-il bien évident qu'on ne saurait voir dans
l'OBO une solution à des difficultés économiques que
rencontrerait une entreprise donnée. C'est essentiellement un montage
permettant de tirer un profit maximum d'une structure rentable.
Dans le cadre d'un LBO, cette maximisation de la
rentabilité intrinsèque de l'entreprise se fait au profit des
nouveaux actionnaires. A l'inverse, dans le cadre d'un Owner Buy Out, cette
opportunité est offerte à l'équipe en place et à
l'actionnaire historique.
Mais dans l'un comme l'autre des cas, l'ingénierie
financière ou juridique la plus inventive doit être mise au
service d'un montage opérationnel et ne saurait palier une absence
structurelle de rentabilité économique.
Afin de saisir au mieux ce qu'est un OBO ainsi que les
perspectives qu'il ouvre en termes financiers et juridiques et partant de
là, économiques, nous nous attacherons à comprendre les
logiques en présence dans les multiples cas d'entreprises pouvant y
avoir recours.
Par ailleurs, afin de maîtriser les aspects techniques
de ce montage, nous ne manquerons pas de conserver la perspective initiale, qui
est celle du LBO.
En même temps, conservant à l'esprit que cette
thèse est une thèse professionnelle, nous n'aurons de cesse de
confronter nos réflexions aux avis forgés par les praticiens et
aux cas concrets relevés dans l'actualité financière de
ces dernières années. Ainsi serons nous en mesure de discerner
les véritables facteurs d'optimisation de ces montages.
Cette étude visera donc à la fois à
restituer la cohérence globale d'un montage dont l'opération
d'OBO constitue souvent une étape d'un dessein plus vaste, que cela
porte sur des petites capitalisations ou sur des montages de plus de 150
millions d'euros, comme cela a pu être le cas ces dernières
années27.
27 Sagard s'empare de 51 % de Kiloutou,
valorisé 170 MEuros - Capital Finance - 17 October 2005
Benjamin Masse-Stamberger - Fonds d'investissement - Les
capitalistes du 3e type - l'Express - 26 Janvier 2006
L'OBO doit avant tout être vu comme un montage financier
reprenant la structure du LBO (1ère Partie), mais ce en vue
de réunir des logiques en elles-mêmes contradictoires.
Dans ce cadre, l'ingénierie financière et
juridique se trouve mise au service d'un projet industriel qu'elle optimise,
projet qui répond ainsi au mieux aux différentes logiques
initiales (2ème Partie). Ceci lui permet donc d'être,
in fine un vecteur de réussite pour l'entreprise et de
croissance économique.
Enfin, la réussite d'un tel montage ne peut passer que
par une optimisation fiscale (3ème Partie), qui permettra
alors de maximiser l'objectif patrimonial de l'opération, le levier
fiscal du montage et de profiter des avantages offerts par la fiscalité
internationale.
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