La place des services sociaux dans les politiques d'intégration en Europe( Télécharger le fichier original )par Irmela DE HAAS Université catholique de Lille - Institut social Lille Vauban/ Canterbury Christchurch University College - Master du Travail Social en Europe 2005 |
IntroductionMon activité professionnelle au service social d'aide aux émigrants (SSAE) me conduit à réfléchir sur un de ses axes de travail : l'accueil des « nouveaux arrivants », ou « étrangers autorisés à s'installer durablement en France ». Le SSAE est un service social spécialisé qui intervient auprès des personnes, des familles et des groupes qui rencontrent des difficultés liées à leurs migrations. Ses autres domaines d'intervention sont l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, l'accueil et l'accompagnement des mineurs isolés étrangers et la participation au service social international à travers un réseau de services sociaux dans le monde. Le SSAE agit sur tout le territoire national à partir de 47 bureaux départementaux. Les équipes départementales sont composées d'assistants sociaux, qui disposent d'une « délégation » pour mener une action sociale spécialisée à l'échelle du département, et d'agents administratifs, qui assurent le premier accueil des usagers. Les équipes sont encadrées, à distance, par des « délégués régionaux », des encadrant techniques, qui ont pour rôle de garantir la cohérence de l'intervention en lien avec les principes méthodologiques et les missions de l'association. Depuis quelques années le domaine de l'accueil des primo-arrivants a gagné en importance avant de devenir la priorité du service. Les publics visés se sont de plus en plus diversifiés et les modes d'intervention ont changé. Ceci m'amène à m'interroger sur la place qu'occupe le service social spécialisé dans cet accueil. Les services sociaux spécialisés SSAE (Service social d'aide aux émigrants) et ASSFAM (Association service social familial migrants) possèdent une longue expérience dans le domaine de l'accueil des primo-arrivants et dans leur accompagnement durant leur installation en France. Mais c'est seulement depuis 1986 que leur mode d'intervention est précisée par des circulaires ministérielles successives. 1. Bref historique de l'accueil des primo-arrivantsDès 1924, l'année de sa création, le SSAE venait surtout en aide aux familles migrantes dont l'expatriation entraînait des séparations de famille et des difficultés particulières qui ne pouvaient trouver leur solution que dans la mise en oeuvre d'une action de service social à caractère international. En 1946, le SSAE est agréé par le Ministère de la Population pour apporter son concours à la nouvelle politique familiale d'immigration dans les cas de regroupement de famille. En 1960, le Ministère de la santé publique et de la population demande également sa collaboration dans le cadre des régularisations des familles entrées en France en dehors de la procédure régulière. Les assistantes sociales du SSAE réalisaient des enquêtes logement, préalable à l'introduction de la famille du travailleur, qui permettaient en même temps de préparer la venue de la famille en amont par une sensibilisation du chef de famille. A l'arrivée de la famille, les assistantes sociales du SSAE envoyaient une « lettre de bienvenue » et proposaient leur aide ; des visites d'accueil étaient alors effectuées avec l'accord de la famille. Quant aux familles à régulariser, seuls les cas nécessitant l'intervention du service social spécialisé étaient signalés au SSAE : des problèmes de santé, de scolarité des enfants, d'isolement de la mère, d'accès aux droits sociaux, etc. Le service social spécialisé avait une action directe auprès des familles migrantes, mais aussi auprès de l'environnement social. En 1976, par une circulaire du Ministère du travail, le SSAE est déchargé des enquêtes logement et se consacre désormais au développement de l'accueil des familles dans les premiers mois de leur arrivée en France. En effet, la circulaire prévoit que la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale est avisée par l'Office National de l'Immigration (ONI) de l'arrivée de la famille et « saisit de façon systématique le service social qu'elle aura désigné pour prendre contact par une visite à domicile avec la famille en vue de lui apporter les conseils et l'aide les plus appropriés pour faciliter son adaptation à la vie en France ».1(*) Cette action était individualisée et globale. Elle était effectuée en concertation avec les services sociaux et les équipements locaux et en collaboration avec des interprètes. Le 11 mars 1986, la Direction de la population et des migrations (DPM) du Ministère des affaires sociales fait paraître une première circulaire sur les modes d'intervention du travail social dans l'accueil des familles rejoignantes. Elle demande que les services sociaux polyvalents accueillent les familles étrangères, avec l'appui des services sociaux spécialisés. Mais, avec la décentralisation et la montée de la précarité, les Conseils Généraux redéfinissent les tâches de leurs services sociaux et se consacrent à la lutte contre l'exclusion notamment. Ainsi, les services sociaux polyvalents n'ont pas pu prendre en charge cet accueil. A cette époque, les introductions de familles rejoignantes ont connu un fort accroissement et les services sociaux spécialisés n'étaient plus en mesure de toutes les accueillir. Ils menaient donc surtout des actions de pré-accueil, individuel ou collectif, pour préparer l'arrivée de la famille avec les demandeurs du regroupement familial. Lorsque la famille était arrivée, une mise à disposition était envoyée proposant une visite d'accueil. Le 12 mars 1993 et le 7 novembre 1994 des nouvelles circulaires paraissent. Celles-ci définissent les acteurs de l'accueil des familles rejoignantes : le service social spécialisé dans les questions de migration (SSAE ou ASSFAM) est chargé d'organiser un premier accueil, d'établir un diagnostic des familles et d'être garant de leur accueil. Il doit intervenir à domicile et procéder à des bilans familiaux. Par ailleurs, les Préfets, par l'intermédiaire de leurs Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), sont invités à se doter d'un plan départemental d'accueil (PDA), lieu de coordination de tous les acteurs impliqués dans l'accueil des familles rejoignantes. Sur les départements où les regroupements familiaux sont les plus nombreux, le dispositif est renforcé par une convention entre l'Office des migrations internationales (OMI)2(*) et les services sociaux spécialisés. Elle définit leurs modalités de collaboration. L'OMI communique la copie de la décision préfectorale autorisant le regroupement familial et l'avis d'introduction de la famille, le service social spécialisé perçoit une contribution financière par acte d'accueil (visite à domicile). * 1 Circulaire 7.76 du 9 juillet 1976 relative à la nouvelle procédure d'immigration des étrangers membres de famille de travailleurs * 2 Il s'agit de l'ancien Office national d'immigration (ONI), créé en 1945 pour contrôler l'introduction des travailleurs immigrés. |
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