La coopération judiciaire pénale dans la zone CEMAC( Télécharger le fichier original )par Théophile NGAPA Université de Dschang - Cameroun - DEA en Droit Communautaire et Comparé Cemac 2005 |
B- La controverse soulevée par l'échange des suspects de police à policeLa controverse soulevée par l'échange des suspects de police à police est suscitée par l'analyse des articles 12 de l'Accord de coopération en matière de police criminelle entre les Etats de l'Afrique centrale et 4 alinéa 5 de la convention relative à la lutte contre le terrorisme en Afrique centrale, au regard des dispositions de l'accord d'extradition entre les Etats membres de la CEMAC. En fait, il ressort des dispositions de l'article 12 du premier texte que les parties ont la possibilité de procéder à une remise de police à police des personnes appréhendées dans le cadre de la mission d'enquête lorsqu'ils sont les nationaux de l'Etat requérant. Cette solution est aussi retenue par l'article 4 alinéa 5 de la convention relative à lutte contre le terrorisme ci-dessus cité. Ce texte dispose que les Etats s'engagent à « remettre de police à police sous réserve de l'accord des autorités judiciaires compétentes, les personnes arrêtées pour terrorisme (...) saisies dans le cadre d'une telle procédure, conformément aux dispositions pertinentes de l'accord de coopération en matière de police criminelle entre les Etats d'Afrique centrale, ainsi qu'aux dispositions de l'accord d'extradition entre les Etats membres de la CEMAC et de l'accord de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC ». Selon un auteur179(*), cette procédure semble opposée à celle de l'extradition. Pour cet auteur, ces dispositions précitées ne précisent pas sous quelles formes les autorités judiciaires de l'Etat requis doivent donner leur accord : « doivent-elles donner cet accord d'une façon arbitraire sur la seule base des procès-verbaux établis par la police ou doivent-elles examiner le dossier avant de se prononcer ? »180(*). Et si c'était le cas, « doivent-elles soumettre le dossier à la cour d'Appel ? Auquel cas on revient à la procédure d'extradition et on ne comprend pas pourquoi il a été plutôt question de «remise« »181(*). Pour le même auteur, même s'il s'agissait d'une autre procédure de livraison qui n'a pas été organisée par les conventions, elle apparaît inopportune puisque celle de l'extradition est plus fiable, bien réglementée et plus protectrice des droits de la défense. La procédure de remise de police à police des personnes poursuivies serait donc manifestement contraire à l'esprit de l'Accord d'extradition entre les Etats membres de la CEMAC182(*) qui fait de l'extradition la seule procédure de remise des personnes. Il en est de même pour l'article 4 de la convention relative à la lutte contre la criminalité en Afrique centrale lorsqu'il dispose dans son alinéa 4 que les Etats parties s'engagent à « extrader vers l'Etat requérant les auteurs d'infraction à caractère terroriste, conformément à la convention d'extradition de la CEMAC, ou de tous autres accords auxquels l'Etat requérant et l'Etat requis sont parties ». Nous pouvons souscrire aux observations de cet auteur, mais, nous ne sommes pas complètement de l'avis que la situation soit aussi alarmante. Nous savons que les statuts des tribunaux pénaux internationaux ad hoc ont déjà instauré des procédures de remise dérogatoires au droit commun de l'extradition. Est-ce pour autant dire que ces hautes instances judiciaires internationales ne respectent pas les droits de la défense ? Nous pensons que cette procédure de remise de police à police est susceptible d'assurer la célérité de la procédure et permettre ainsi que la justice soit rendue dans des délais raisonnables. Ceci mérite plutôt d'être porté au mérite de cette procédure de remise ; car, une justice rendue de manière tardive s'apparente beaucoup plus à une injustice. On pourra alors s'assurer d'un contrôle minimum des autorités judiciaires de l'Etat requis pour concilier cette procédure à l'idéal de protection des droits individuels du mis en cause. Ceci participera ainsi d'une nette avancée dans la pratique de la coopération judiciaire dans la zone CEMAC, comme l'est par ailleurs le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice consacré par le législateur communautaire. * 179 KEUBOU (Philippe), cours magistral op cit * 180 KEUBOU (Philippe), ibid * 181 Ibid. * 182 L'article 2 de cette convention prévoit que : «chaque Etat Partie s'engage à extrader, selon les règles et sous les conditions déterminées par le présent accord, les individus qui sont poursuivis pour des infractions de droit commun ou recherchés aux fins d'exécution des peines ou des mesures de sûreté par les juridictions compétentes de l'un d'eux dénommée partie requérante« |
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