b) LES MODES DE GESTION DE LA PRERETRAITE
PREVENTIVE.
En réalité, les observations de terrain montrent
qu'il peut exister une manière d'envisager la préretraite
préventive autre que le choix entre un mode de gestion offensif ou
défensif. L'attrait des employeurs pour la préretraite
préventive s'est effrité avec l'amélioration de la
conjoncture, mais la demande sociale, elle, a perduré au-delà des
périodes de difficulté. Il existe bien une "troisième
voie" de gestion de la mesure, dédramatisée, en partie
dépouillée de ses enjeux a priori en termes de
rééquilibrage des effectifs et des compétences. Le
dispositif est alors relativement neutre sur l'organisation et les
performances. A la limite, la préretraite préventive peut se
réduire pour l'entreprise à la gestion administrative d'un
passage à temps partiel "choisi". Du coup, la contrepartie productive
exigée du salarié en préretraite préventive n'est
plus seulement symbolique, comme on avait pu le constater
antérieurement, dans les préretraites préventives
défensives, notamment. Les employeurs ont en effet le souci
d'éviter une démotivation assez fréquente dans les rythmes
de mi-temps longs, et privilégient une alternance plus rapide entre
temps travaillée et non travaillée, sauf cas particuliers.
L'enquête a permis d'identifier trois modes principaux
de gestion de la préretraite préventive, auxquels on peut ajouter
un quatrième, plus hypothétique, mais dont l'existence est
suggérée par le comportement de certains responsables :
? La préretraite préventive, levier des politiques
d'emploi.
La motivation des dirigeants est un ensemble d'objectifs
précis relatifs au rééquilibrage de la pyramide des
âges, aux ajustements quantitatifs d'effectifs, à la gestion
prévisionnelle de l'emploi et des compétences. L'adhésion
des salariés est un enjeu important et des incitations visant à
encourager les salariés à basculer dans le dispositif ne sont pas
exclues. Que l'optique soit défensive (préretraite
préventive alternative aux licenciements) ou offensive
(rééquilibrage des qualifications), la convergence des
intérêts entre les différents acteurs concernés
(salariés, direction, services publics) donne un réel relief
à la mesure.
? La préretraite préventive réponse
raisonnée à une attente sociale d'Amélioration des
Conditions de Travail (ACT)
La principale raison invoquée par les dirigeants est de
satisfaire une demande exprimée par les salariés et parfois
relayée par leurs représentants. La préretraite
préventive correspond à une forme limitée
d'amélioration des conditions de travail et à un
allègement de la pénibilité pour les salariés
âgés. Le taux d'adhésion n'est alors pas un objectif
important pour la direction et le volontariat n'est pas spécialement
encouragé par les responsables qui cherchent avant tout à se
prémunir contre l'incertitude (on ne fait une convention que pour un
nombre suffisant d'ayants-droit volontaires, on fixe des
échéances pour se déclarer volontaire ou non...). Le
rééquilibrage de la pyramide des âges, les ajustements
qualitatifs de l'emploi sont des effets induits positifs mais non
nécessairement recherchés comme tels a priori, et souvent mis en
balance avec les perturbations organisationnelles générées
par les passages à mi-temps.
? La préretraite préventive, élément
de la régulation sociale des petites entreprises.
Comme dans le modèle précédent, la
motivation principale du dirigeant, et même la seule au moins dans un
premier temps, est de répondre à une demande sociale, mais il
s'agit ici d'une demande individuelle. Du reste, l'absence d'autres objectifs
associés a priori à la préretraite préventive
s'explique par la méconnaissance du dispositif. La motivation du
dirigeant ne fait que relayer la motivation du salarié, qui est dans
tous les cas à l'origine de la convention, et qui recueille
lui-même l'information nécessaire.
La préretraite préventive dans les petites
entreprises étudiées ne concerne jamais plus d'un salarié
: de ce fait, la contrainte organisationnelle et l'obligation de public
prioritaire sont surdimensionnées par rapport aux entreprises de taille
plus grande. Dans des flux d'embauche par définition restreints, le
risque d'erreur sur le recrutement et les contraintes extérieures en la
matière sont encore plus fortement perçus. Parallèlement,
il est quasiment impossible de refuser la préretraite préventive
à un salarié qui le demande, en raison des relations sociales
spécifiques aux petites entreprises (proximité avec le dirigeant
plus forte, dimension fondamentalement interindividuelle des rapports sociaux).
Refuser la préretraite préventive lorsqu'il n'y a pas de motif
tangible de refus serait assimilé à une sanction, voire un
désaveu pour le salarié.
? La préretraite préventive, élément
de gestion des fins de carrière ?
Ce quatrième mode de gestion relève pour
l'instant plus d'une analyse des problèmes auxquels sont
confrontés les directions d'entreprise et les salariés que d'une
réalité. Il correspondrait à une volonté de
l'entreprise, plus ou moins fortement contrainte, de conserver ses
salariés jusqu'à l'âge de la retraite, après des
années de pratique des cessations anticipées d'activité.
La préretraite préventive sert alors de dispositif transitoire
pour les générations de salariés qui ont connu les
préretraites totales et approchent de l'âge auquel ils auraient pu
en bénéficier. Les enjeux associés ne sont pas seulement
sociétaux. Le souci d'étaler le renouvellement de la pyramide des
âges par exemple peut rendre attractif le temps partiel en fin de
carrière. Cependant cette transition doit s'accompagner d'une
redéfinition des fins de carrière, destinée à
proposer des évolutions dans l'emploi et non plus une alternative
emploi/inactivité. Dans la plupart des entreprises, en particulier dans
les plus petites, la préretraite préventive s'interprète
aussi en creux comme une réponse à l'absence d'emplois
alternatifs, moins pénibles par exemple. Dans cette perspective, la
préretraite préventive ne devrait être utilisée que
temporairement par l'entreprise, mais risque de se heurter à une
pression en faveur de sa pérennisation.
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