CHAPIII : RELATION ENTRE GESTION PREVISIONNELLE
DES
EMPLOIS ET DES COMPETENCES
1. EFFETS DE LA GESTION PREVISIONNELLE SUR LES
EMPLOIS.
La présente enquête a été
réalisée à la demande de la Direction
Générale à l'Emploi et la Formation Professionnelle
(D.G.E.F.P) qui souhaitait "mettre en lumière les conditions de
développement d'une préretraite progressive dans les entreprises
ainsi qu'éventuellement les freins au développement" de la
mesure. L'étude s'est organisée autour de deux axes. Le premier
vise à comprendre le comportement des entreprises et des salariés
vis-à-vis de les Préretraites Progressives (PRP), le rôle
qu'elle occupe dans la gestion de l'emploi et des compétences, les
obstacles éventuels (économiques, organisationnels, sociaux...)
à son développement. Le second a une dimension plus
institutionnelle et concerne l'économie générale du
dispositif : sachant que la PRP se situe à l'articulation de deux enjeux
majeurs, l'emploi et le taux d'activité des salariés
âgés, quelles sont les voies possibles permettant de
réactiver le dispositif ?
L'enquête a consisté en analyse documentaire et
entretiens auprès de responsables, salariés et, lorsque cela a
été possible, de représentants du personnel, dans un
échantillon de plusieurs entreprises présentant des
caractéristiques différenciées en fonction de la taille,
du secteur d'activité, de l'utilisation régulière ou non
de la PRP. Elles s'appuient sur trois constats principaux issus de
l'enquête de terrain :
- la PRP est une mesure appréciée par les
salariés mais sans enjeux majeurs pour les dirigeants d'entreprises et
les services déconcentrés du Ministère ;
- les contreparties prévues par les conventions
(contribution financière, embauche de publics prioritaires) sont parfois
considérées comme pénalisantes par les employeurs, qui,
pourtant envisagent rarement d'abandonner le dispositif.
- les modes de gestion de la PRP par les entreprises semblent
désormais influencés plus par la situation des ayants-droit que
par les besoins d'ajustements quantitatifs et qualitatifs des effectifs.
a) LA PRERETRAITE PROGRESSIVE, UNE MESURE A PRIORI
EQUILIBREE PAR LES SALARIES.
Parmi les possibilités de départ anticipé
des salariés de plus de 55 ans, la PRP est sans doute le dispositif le
plus équilibré du point de vue des différents acteurs
concernés. Elle est moins coûteuse pour la collectivité que
les conventions. Elle permet un maintien des salariés dans l'emploi
jusqu'à la retraite, ces derniers continuant ainsi à cotiser au
moins partiellement aux caisses de retraite, et leur ménage une
transition en douceur vers la retraite. Elle prémunit l'entreprise
contre une perte brutale de savoirs et de savoir-faire tout en favorisant le
renouvellement du personnel et le rééquilibrage de la pyramide
des âges. Enfin, elle aide à l'insertion des personnes les plus en
difficulté sur le marché du travail.
Du coup, pour les salariés concernés, elle
constitue plus souvent un choix délibéré et apparaît
moins comme une solution par défaut. Même si beaucoup
d'ayants-droit auraient, s'ils en avaient eu le choix, opté pour une
cessation définitive d'activité (surtout dans les entreprises qui
ont utilisé ces dispositifs), le passage à mi-temps répond
à plusieurs types de préoccupations individuelles :
- l'attention portée à sa santé. C'est
une raison invoquée par les personnes ayant connu un incident de
santé dans les années ou les mois précédent la
proposition d'adhésion.
- la fatigue. Elle est très fortement liée
à la pénibilité des conditions de travail et à
l'ancienneté au travail dans ces conditions, certains salariés
déclarant supporter de moins en moins bien les contraintes de postures
ou de temps, ou encore les changements dans le travail.
- la volonté de rapprocher sa durée de temps
libre de celle du conjoint, notamment lorsque celui-ci est en situation de
retraité ou de préretraité.
- la volonté de consacrer plus de temps soit à
un parent très âgé soit à un enfant
handicapé.
- le fait d'avoir avant 60 ans la durée de cotisations
requise pour une retraite à taux plein. La PRP apparaît alors
comme un substitut à une retraite à la carte, sans abattement.
- le souci de préparer la transition vers la retraite,
en se désengageant de l'activité.
Toutes les personnes passées en PRP considèrent
que leur qualité de vie s'est améliorée : moins de
fatigue, moins de stress, plus de possibilités d'activités hors
travail, plus de temps passé avec le conjoint. Pour autant, certains
aspects négatifs sont soulignés, concernant essentiellement le
contenu du travail ou l'organisation des horaires. La perte de
rémunération est jugée acceptable compte tenu du gain en
temps libre et surtout de l'économie sur les coûts de transport.
Cela implique en contrepartie une demande précise quant aux nouveaux
horaires de travail. En particulier un mi-temps sur une journée est
inacceptable pour la quasi-totalité des salariés. Quant à
ceux qui ont refusé d'adhérer, certains auraient souhaité
le faire compte tenu de la pénibilité de leur travail et
regrettent d'être contraints à cette décision,
motivée par la perte de rémunération et la
nécessité de continuer à cotiser pour leur retraite. Il
n'y a donc pas de relation stricte entre pénibilité du travail et
adhésion à la préretraite préventive.
Comme cela avait été noté dans les
évaluations qualitatives précédentes, les
préoccupations "emploi" et "partage du travail" n'apparaissent pas dans
l'argumentaire des salariés. L'adhésion à la
préretraite préventive est une décision individuelle, mais
qui peut faire l'objet d'attentes exprimées collectivement, en
particulier dans les entreprises où la main d'oeuvre âgée
est nombreuse et où la récurrence des conventions de la
préretraite préventive finit par créer une
véritable aspiration au passage à temps partiel. Mais la
dimension "emploi" n'est pas non plus relayée fortement par les
entreprises de l'échantillon. Pour la majorité d'entre elles, les
mouvements de personnel sont suffisants pour atteindre leurs objectifs en
matière de gestion de l'emploi et des compétences sans avoir
recours aux dispositifs publics. En réalité, la
préoccupation "emploi" est portée par les Direction
Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation
Professionnelle (DDTEFP) ou de la Direction Régionale du Travail, de
l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP), à travers la
contrepartie d'embauches dans la catégorie des publics prioritaires.
Cela dit, la PRP n'est pas perçue au sein des
directions départementales interrogées comme un dispositif
central des politiques publiques de l'emploi : c'est un élément
intéressant de la "boîte à outils" ministérielle, un
levier pour l'insertion de catégories de personnes
éloignées de l'emploi.
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