De la réparation du préjudice écologique en droit positif rwandais( Télécharger le fichier original )par Tite NIYIBIZI Université libre de Kigali - Licence 2007 |
III.1.2.2. La réparation pécuniaireEn droit rwandais le juge est en principe souverain pour apprécier le mode de réparation du dommage qui lui paraît adéquat, et cela quel que soit l'objet de la demande. Il peut donc préférer allouer des dommages et intérêts même si une réparation en nature a été sollicitée. Parfois, la réparation pécuniaire est d'ailleurs la seule solution envisageable. Il en est ainsi lorsque la réparation en nature est impossible. La mise en oeuvre de cette réparation ne suscite pas de difficultés particulières pour les dommages individuels économiques et moraux des victimes d'atteinte à l'environnement, y compris des associations pour leurs préjudices personnels. Par exemple, les pêcheurs qui subissent un préjudice commercial du fait de la destruction des poissons par pollution marine, obtiendront la réparation en fonction de la perte subie et de leur manque à gagner.154(*) Les problèmes surgissent lorsqu'il s'agit de réparer le dommage écologique pur. Bien souvent, ce dommage est déjà partiellement réparé par le remboursement des mesures de restauration ou de sauvegarde qui ont été prises. Diverses objections à la réparation pécuniaire ont été faites, dont le problème d'évaluation du dommage écologique et d'affectation des montants déjà alloués pour les dommages et intérêts. III.1.2.2.1. Evaluation du dommage écologique L'indemnisation demande une évaluation économique des dommages, ce qui ne manque pas de poser certaines difficultés dans le cas d'une violation de la protection du paysage ou encore de certaines espèces d'animaux qui ne sont pas dotées d'un prix et dont la valeur est presque impossible à définir, échappant ainsi aux critères économiques applicables.155(*) En l'absence de valeur marchande des éléments naturels et à défaut de références économiques sérieuses, l'évaluation monétaire est particulièrement délicate. Cette difficulté d'évaluation affecte même le principe de la réparation intégrale.156(*) A cette objection, on répondra simplement que les difficultés d'évaluation économique ne peuvent justifier l'exclusion de toute réparation. Il suffit de rappeler que d'autres préjudices extra patrimoniaux, tels ceux résultant d'atteinte à des droits de la personnalité (atteinte à l'honneur, à l'image, à la vie privée, etc.) ou d'autres valeurs corporelles tel que les souffrances physiques, souffrances morales, préjudices esthétiques, préjudice d'agrément, préjudice physiologique) sont réparés en dépit de l'absence de référence économique. Ce qui montre que ces difficultés ne sont nullement insurmontables.157(*) III.1.2.2.2. Difficultés liées aux méthodes d'évaluation
La question d'évaluation monétaire d'un tel dommage est pour la moins délicate. Des méthodes ont cependant été dégagées afin d'apprécier la perte de potentiel de la nature, la perte de capacité de reproduction de la ressource naturelle, et d'évaluer biologiquement la destruction plus ou moins durable de l'écosystème ou de procéder à une évaluation forfaitaire de type «amende».158(*) 1°. La méthode dite d'évaluation forfaitaire utilise de barèmes ou tables d'évaluation des espèces et des ressources naturelles. On attribue une valeur de remplacement aux éléments naturels détruits : arbres, animaux, m2 de mer, de rivière ou de sol pollué puis on multiplie cette valeur par le nombre d'éléments détruits en tenant compte de la quantité de pollution. Cette méthode est utilisée aux Etats-unis, en Belgique et en France.159(*) 2°. Une autre méthode est fondée sur l'appréciation économique de la valeur d'usage ou d'existence d'une ressource naturelle par simulation d'un marché hypothétique. On recherche quel prix les agents économiques seraient prêts à payer pour pouvoir user d'une ressource (valeur d'usage) ou simplement pour avoir conscience de son existence (Valeur d'existence). Enfin, l'évaluation repose en grande partie sur une analyse du comportement des individus.160(*) 3°. Enfin, la méthode d'évaluation biologique, c'est à dire par référence à l'atteinte à la substance, au potentiel de reproduction, au capital écologique. Par exemple, en cas de pollution des eaux, la perte de productivité du poisson est induite de la quantité des matières organiques végétales détruites servant leur nourriture.161(*) III.1.2.2.3. Les bénéficiaires de l'indemnisation Il faut distinguer selon qu'il y a eu lésion d'intérêt personnel ou lésion d'intérêts collectifs. Mais des personnes ou organismes intervenant dans la réparation (ou prévention) des dommages peuvent aussi demander à être indemnisés. Lorsqu'on est en présence d'un intérêt personnel, la détermination du bénéficiaire ne présente guère de difficultés. Mais au cas où il y a eu la lésion d'intérêts collectifs le bénéficiaire de l'indemnisation est l'organe qui est chargé de protégée l'environnement.
En France, ce privilège a été accordé aux associations agréées de protection de l'environnement162(*) . Au Rwanda, le législateur doit intervenir pour préciser le bénéficiaire d'indemnisation en cas de lésion d'intérêt collectif. Nous proposons que cette indemnisation soit confiée à l'Etat plutôt qu'aux associations de droit privé dont le caractère non lucratif ne se traduit pas encore suffisamment sur le plan pratique. En outre, à l'incertitude pesant sur l'existence du dommage, s'ajoutent parfois des difficultés de preuve de son étendue qui tiennent à l'ignorance de l'état initial du milieu dégradé. Ceux-ci contribuent souvent à nourrir une interrogation quant à l'application du principe de la réparation intégrale en cas de la réparation du dommage écologique. * 154 Idem, p.177. * 155 HAFNER, G. et PAZARCI, H., Op. cit, p.36. * 156 VINEY, G et DUBUISSON, B., Op. cit, p.177. * 157 Ibidem. * 158CHAMAUT, F., Op. cit, p.182. * 159 VINEY, G et DUBUISSON, B., Op. cit, p.179. * 160 Ibidem. * 161 Ibidem. * 162 CHAUMET, F., Op. cit, p.182. |
|